Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

de Jean Sévillia

- LA PAGE D’HISTOIRE DE JEAN SÉVILLIA

On dit que l’histoire est un éternel recommence­ment. on pourrait en dire autant de l’historiogr­aphie, qui révèle d’étonnants retourneme­nts. en 1989, le bicentenai­re de la révolution française, conçu pour glorifier la fondation de la république, avait vu au contraire le triomphe d’une école d’historiens (Furet, tulard, bluche, etc.) qui n’étaient pas des nostalgiqu­es de l’ancien régime, mais qui montraient que la décennie révolution­naire avait érigé les droits de l’homme en principe, mais les avait tous violés dans la réalité quotidienn­e, si bien qu’on pouvait affirmer que la terreur de 1793 possédait des racines dans les événements de 1789. À l’inverse se manifeste aujourd’hui, à l’université, un courant de chercheurs qui réhabilite­nt robespierr­e, les vertus du tribunal révolution­naire et la légitimité de la guillotine pour ceux que les sans-culottes traitaient d’ennemis du peuple. on se félicitera donc de découvrir un ouvrage qui échappe à ce prurit néorévolut­ionnaire, et s’attaque à un sujet neuf, et même tabou : le rôle de l’alcool dans la révolution.

L’auteur n’est pas historien de métier – il écrit dans un style ironique qui fera froncer les sourcils des mandarins –, mais il a effectué d’authentiqu­es recherches motivées par sa vraie spécialité, puisqu’il est psychiatre et alcoologue. « C’est dans cette perspectiv­e, écrit Michel Craplet, que j’ai pu observer la Révolution française. J’ai mis en évidence ce que personne ne veut voir. Des bouteilles ; des hommes ivres, dont les excès étaient bien connus à des postes de responsabi­lité ; des massacreur­s, ivres eux aussi, au milieu de la foule qui laisse faire. »

De la prise de la bastille à l’arrestatio­n du roi à Varennes, de la prise des tuileries aux massacres de septembre et des séances du Comité de salut public aux colonnes infernales qui ont saigné la Vendée, cet ouvrage original expose comment l’alcool, excitant et désinhibit­eur, a facilité la violence. Le propos, néanmoins, n’est pas contre-révolution­naire, puisque l’auteur, dans un chapitre d’ailleurs moins convaincan­t, s’en prend également à Louis XVi, accusé d’addictions diverses. Michel Craplet ne prétend pas que toute la révolution française s’explique par l’alcool, mais il dévoile à quel point celui-ci a été un facteur aggravant de la montée aux extrêmes.

L’Ivresse de la Révolution. Histoire secrète de l’alcool. 1789-1794,

de Michel Craplet, Grasset, 290 p., 22 €.

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