un film serBe à ProBlèmes
Parce qu’il rappelle le passé nazi de la Croatie, « Dara iz Jasenovac » subit des attaques avant même sa sortie en salles.
Le film ne sortira dans les salles européennes qu’au printemps, mais il fait déjà polémique. D’aucuns ont même parlé à son sujet de « nouvelle guerre (culturelle) » entre la Serbie et la Croatie – ces histoires-là finissent mal, en général… Depuis Underground (palme d’Or du Festival de Cannes 1995), que les vestales vigilantes de la pensée unique (Alain Finkielkraut en faisait partie à l’époque) avaient dénoncé sans même l’avoir vu, on n’avait plus vécu pareille affaire. Justement. Comme le chef-d’oeuvre de Kusturica, Dara iz Jasenovac (« Dara de Jasenovac »), présenté dans des salles américaines il y a quelques jours, est lui aussi serbe et traite d’une page sombre de la Seconde Guerre mondiale. Et là encore, scandale pour la bien-pensance, on y voit des Serbes non dans le rôle de bourreaux mais de victimes. D’où les qualificatifs de « film nationaliste », d’« oeuvre de propagande à peine déguisée » employés par la presse croate et américaine.
Sans préjuger de la qualité cinématographique de Dara de Jasenovac (mise en scène, interprétation, vraisemblance narrative…), on peut rappeler des faits historiques méconnus et/ou niés par des « critiques » sans doute plus aptes à comptabiliser le nombre de femmes dans les génériques des films qu’à s’intéresser à l’Histoire. Entre 1941 et 1945, l’État indépendant de Croatie, inféodé au IIIe Reich, a mis en place, via des camps de concentration, une politique d’extermination des populations juives, serbes et tziganes d’une ampleur inégalée dans le reste des Balkans. Au sein de cet effroyable archipel concentrationnaire : Jasenovac. Des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été torturés, tués, massacrés dans cet
« Auschwitz croate ». C’est le cadre (inédit) de ce long-métrage qui raconte le destin d’une enfant de 12 ans, prisonnière dans ce camp où elle tente de survivre et de protéger son petit frère au milieu de gardiens et de soldats sadiques et cruels. On comprend que les Croates (qui ont certes bien changé depuis) n’aiment pas qu’on rappelle, même dans une oeuvre d’art, ce passé qui leur est honteux. Mais le nier l’est tout autant.