rome, ville fermée
★★★★ Le Dernier Été en ville, de Gianfranco Calligarich, Gallimard, 212 p., 19 €. Traduit de l’italien par Laura Brignon.
L’archéologie a du bon : il est encore possible d’exhumer des trésors. C’est le cas du Dernier Été en ville, paru en Italie en 1973, réédité dans les années 2010, mais jamais traduit en France. Cette merveille est enfin disponible pour ceux qui ne lisent pas la langue transalpine. De Gianfranco Calligarich on n’avait jamais entendu parler. Cet homme né en Érythrée a pourtant écrit plusieurs romans tout en travaillant pour le théâtre et la télévision. Mais c’est pour ce livre qu’il restera dans l’Histoire. Voici les déambulations désabusées d’un journaliste dans la Rome des années 1960. Un amoureux de littérature vivant sans le sou, buvant beaucoup. Un peu parasite mondain, mais sans illusion. Parfois, trop ivre, il ne se souvient plus où il a garé l’Alfa Romeo achetée à grands frais, avec des moyens qu’il n’a pas. Il voit des femmes, avec qui rien ne se concrétise, tente d’écrire un film sur un ami qui aurait tué son père. Leo, car c’est ainsi qu’il s’appelle, erre dans un monde auquel il n’appartient pas, comme le Alain du Feu follet, que Le Dernier Été en ville rappelle immanquablement.
Il est moins désespéré mais pas plus optimiste. Rome est l’autre personnage du livre, arpentée et décrite avec une grâce infinie. La place Navone y étincelle sans cesse. Dès la première page, le ton est donné : « Pour ma part, je serais volontiers resté en dehors de la course. » « Que ce soit clair : je n’en veux à personne, j’ai eu mes cartes en main et je les ai jouées. Voilà tout. » Mal jouées pour Leo, mais quelle main pour Calligarich : son roman est un chef-d’oeuvre.