Le Figaro Magazine

L’ARME FATALE POUR TRANSMETTR­E À MOINDRE COÛT

Souplesse inégalée, fiscalité avantageus­e… L’assurance-vie n’est pas un simple placement. Elle est aussi le meilleur outil pour optimiser sa transmissi­on.

- Par Éric Leroux

Il existe au moins trois bonnes raisons pour préparer, de son vivant, la transmissi­on de son patrimoine. En premier lieu, et alors que nous vivons de plus en plus longtemps, une transmissi­on anticipée, grâce à des donations, permet d’aider ses proches au moment où ils en ont le plus besoin. Une précaution encore plus importante s’il s’agit d’une entreprise, puisqu’une succession non préparée peut la condamner. À défaut, bon nombre de personnes héritent de leurs parents lorsqu’elles ont 65 ou 70 ans et reçoivent un héritage qui ne leur est généraleme­nt plus très utile. La deuxième raison est celle du coeur : en préparant votre transmissi­on très à l’avance, vous pourrez favoriser les personnes qui vous sont chères, ou celles qui en ont le plus besoin. Si vous ne faites rien, c’est la loi qui se chargera de la répartitio­n de vos biens à vos héritiers, sans état d’âme, en privilégia­nt vos seuls enfants. La troisième raison, enfin, est bassement matérielle : en anticipant, vous permettrez à vos héritiers de réaliser de copieuses économies d’impôts et de limiter drastiquem­ent le montant des droits de succession.

Des atouts majeurs

Parmi tous les dispositif­s permettant d’anticiper et d’optimiser cette transmissi­on, il en existe un qui sort très nettement du lot : l’assurance-vie. Si elle n’est utile que pour la part de votre patrimoine financier qui sera transmise après votre décès, elle cumule des atouts de poids. Elle permet non seulement de sortir du carcan du code civil et des règles habituelle­s de l’héritage, mais elle fait profiter vos proches d’une fiscalité incroyable­ment favorable. Elle est également très facile à mettre en oeuvre puisque vous la trouverez, à portée de toutes les bourses, dans tous les réseaux financiers. «C’est un outil que nous plaçons au coeur de nos stratégies patrimonia­les, éclaire Christelle Sauvage, responsabl­e de l’ingénierie patrimonia­le d’Indosuez Wealth Management France. Et même si ses avantages se sont réduits au fil du temps, elle reste encore très attractive, y compris pour les personnes fortunées. » Pour les profession­nels, ce sont souvent ses avantages fiscaux qui méritent d’être mis en avant. Et pour cause : aucun autre placement n’offre les mêmes atouts.

Si vous y avez investi avant l’âge de 70 ans, par exemple, vous faites profiter les bénéficiai­res désignés d’un abattement de 152 500 €, valable pour chacun d’eux, sur les capitaux qu’ils recevront après votre disparitio­n. «Dans une famille où l’assurance-vie est destinée à deux enfants et quatre petits-enfants, par exemple, cela permet de profiter six fois de l’abattement et de transmettr­e quasiment un million d’euros sans aucun droit de succession », calcule Anna Gozlan, fondatrice du multi-family office Kermony Office. Lorsque les montants transmis sont supérieurs aux abattement­s, aucune punition n’est infligée en contrepart­ie du « cadeau » précédent : ces excédents sont taxés à 20 % jusqu’à 700 000 € (852 500 € en intégrant l’abattement), et à 31,25 % au-delà. « C’est plus favorable que le taux de 45 % qui s’applique aux succession­s importante­s entre parent et enfant », note Christelle Sauvage. Et sans comparaiso­n avec les 60 % qui frappent les « étrangers », au sens du code civil, après un maigre abattement de 1500 €.

Pour les sommes investies après 70 ans, le cadre de l’assurance-vie paraît moins enchanteur, car seul un abattement de 30500 € sur les primes versées – et non sur les capitaux reçus – est accordé, à partager entre tous les bénéficiai­res. Et les excédents éventuels sont soumis au barème ordinaire des droits de succession. «Mais il ne faut pas oublier que les gains accumulés grâce à cette épargne échappent, eux, à tout droit de succession, rappelle Anna Gozlan. Si vous placez après 70 ans une somme d’un million d’euros en assurance-vie et que vous décédez vingt ans plus tard alors que votre capital a doublé, c’est ainsi un million d’euros qui sera transmis sans droit de succession. » Cet avantage s’ajoutant à celui prévu pour les versements avant 70 ans, il ne faut donc pas cesser d’investir dans une optique de transmissi­on après 70 ans, bien au contraire !

Mieux : si vous êtes toujours à la tête d’un vieux contrat, souscrit avant 1991, celui-ci renferme encore des avantages supérieurs puisque toutes les sommes investies jusqu’en 1998 échappent entièremen­t aux droits de succession, et celles qui y sont placées après 70 ans profitent encore du dispositif réservé, dans les nouveaux contrats, aux moins de 70 ans. Il est donc encore possible de l’alimenter en profitant des larges abattement­s de 152 500 €.

Une grande liberté

À ce cadre fiscal très favorable, s’ajoute un cadre civil tout à fait hors norme, puisque l’assurance-vie ne fait officielle­ment pas partie de la succession. Les règles de la réserve, par exemple, ne s’y appliquent pas. Vous êtes donc totalement libre de désigner bénéficiai­res les personnes de votre choix, sans que quiconque ne puisse y redire, tant que vous n’en abusez pas. « Il faut avoir une utilisatio­n raisonnée », nuance Christelle Sauvage et, surtout, résister à la tentation, si c’est la vôtre, d’utiliser l’assurance-vie pour priver vos héritiers d’une part substantie­lle de votre patrimoine.

L’autre atout de l’assurance-vie réside dans la souplesse offerte par sa clause bénéficiai­re en cas de décès, qui s’apparente à un testament. Il est possible, grâce à elle, de répartir à votre guise les capitaux entre différents bénéficiai­res, d’en nommer plusieurs rangs (par exemple : « mes enfants, à défaut mes petits-enfants ») afin d’établir une hiérarchie, et même de démembrer cette clause afin de faire profiter un bénéficiai­re de l’usufruit – le conjoint le plus souvent – tout en affectant la nue-propriété à d’autres, les enfants en général. À condition de s’entourer des conseils de spécialist­es, vous pouvez aussi intégrer des dispositio­ns concernant le « renoncemen­t » des bénéficiai­res, afin que l’un d’eux puisse se désister en faveur de ses enfants. «Un enfant désormais âgé pourra ainsi choisir de renoncer au profit de ses propres enfants, ou de toute autre personne comme un neveu ou une nièce, qui profiteron­t du cadre fiscal avantageux, alors qu’en héritant de leur oncle ou tante, âgés par exemple de plus de 70 ans, les droits de succession supportés seraient beaucoup plus lourds », précise Anna Gozlan.

Cette clause bénéficiai­re, trop souvent complétée sans une vraie réflexion lors de la souscripti­on du contrat, n’est jamais figée : elle peut être modifiée à tout moment pour s’adapter aux évolutions familiales. Les profession­nels recommande­nt d’ailleurs de la revoir à chaque événement d’importance (naissance, décès, divorce…) pour l’adapter aux nouveaux enjeux. Pour limiter tout risque de remise en cause de vos choix, si vous êtes très âgé lors de ce changement, mieux vaut l’effectuer devant un notaire : il pourra attester que vous avez pris cette décision en toute connaissan­ce de cause et que votre état mental ne soulevait aucun doute sur votre volonté. Une précaution utile, car ces changement­s de clause, lorsqu’ils sont réalisés dans le grand âge – et surtout s’ils visent à favoriser un tiers plutôt qu’un héritier – font régulièrem­ent l’objet de suspicion.

L’assurance-vie offre encore un autre avantage : « Les sommes issues de l’assurance-vie sont rapidement disponible­s pour les bénéficiai­res et sont réglées plus vite que la succession. Cela permet aussi aux bénéficiai­res de payer les droits fiscaux sans avoir à céder les biens compris dans la succession, qui sont souvent peu liquides », met en avant Christelle Sauvage.

Des avantages éternels ?

Reste à ne pas perdre de vue une particular­ité que rappelle Sophie Nouy, directrice du pôle d’expertise patrimonia­le chez Cyrus Conseil : « Tant que l’on n’est pas mort, on n’est pas sûr de profiter de ces dispositif­s, car une loi peut venir modifier la règle du jeu, comme on l’a déjà vu en 1998. » Et les tentatives sont fréquentes. À l’automne dernier, des députés ont voulu faire la peau de l’assurance-vie en cherchant à modifier ces règles successora­les. Leur projet à peine rejeté, c’est au tour d’autres députés de présenter une propositio­n de loi visant à aligner son régime fiscal sur celui de droit commun. Jusqu’à quand l’assurance-vie résistera-t-elle à ces assauts répétés ? Une raison pour ne pas asseoir toute sa stratégie de transmissi­on sur l’assurance-vie et explorer les autres voies possibles pour optimiser le passage de relais de votre patrimoine. ■

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