Le Figaro Magazine

Faut-il déclarer les dons Faits à ses proches ?

Rien de plus facile et de plus rapide que de faire un chèque ou un virement à un proche à qui on veut donner de l’argent. Sans que le fisc y trouve à redire ?

- Par Frédérique Schmidiger

Vous vous posez certaineme­nt ces questions lorsque vous donnez de l’argent à un enfant. « Ces dons sont tout à fait licites et, contrairem­ent à une idée reçue, il n’est pas obligatoir­e de les déclarer immédiatem­ent au fisc », rassure Jean-François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimonia­le de la Banque Richelieu France. Si un don important mérite un détour chez son notaire, pour être informé et conseillé, ce n’est véritablem­ent obligatoir­e que pour donner de l’immobilier. L’argent et la plupart des autres biens (tableaux, bijoux, meubles, actions…) peuvent être transmis au moyen d’un simple don manuel. Il suffit de remettre le bien, un chèque, ou d’opérer un virement pour en transférer la propriété. Quant aux droits de donation, ils ne sont dus qu’au moment où le don manuel est révélé à l’administra­tion fiscale. Cela peut se produire dans cinq situations :

● le bénéficiai­re (le donataire) le déclare et l’enregistre spontanéme­nt au fisc ;

● il reçoit un autre don du même donateur, auquel cas il a l’obligation de révéler les dons précédemme­nt reçus ;

● le donateur, dont il est l’héritier, décède (les anciens dons doivent être déclarés) ;

● le don est révélé dans une décision judiciaire (lorsque par exemple des héritiers lésés se tournent vers les tribunaux) ;

● le don est révélé au fisc, non pas spontanéme­nt, mais en réponse à sa demande ou dans le cadre d’un contrôle fiscal. Une position qui a été validée par les juges seulement si le don est supérieur à 15 000 € (Cass. com. n° 1811120 du 4.3.20).

Faut-il pour autant faire profil bas et ne rien déclarer tant qu’on n’y est pas contraint ? Ce n’est pas recommandé, en particulie­r si c’est au bénéfice d’un de vos enfants. Mieux vaut lui conseiller de le déclarer, et sans tarder s’il s’agit d’argent. Il a en effet un mois pour le faire s’il veut bénéficier de l’abattement de 31 865 € dont profitent les dons familiaux d’argent (le donateur doit avoir moins de 80 ans et le donataire être majeur). Le conseil vaut aussi pour les petits-enfants majeurs (ou les neveux et nièces si le donateur n’a pas d’enfants) puisque eux aussi bénéficien­t de cet abattement. « Enregistre­r le don fait également courir le délai de 15 ans au-delà duquel les abattement­s de 31 865 € et de 100 000 € applicable­s aux donations entre parents et enfants se reconstitu­ent. On a donc tout intérêt à le déclarer au plus vite », recommande Audrey Ferry, responsabl­e de l’ingénierie patrimonia­le de Bordier & Cie. À défaut de le faire, il faudra de toute façon révéler le don au plus tard au décès des parents, avec le risque de payer des droits de succession bien plus élevés sur l’ensemble. Le barème de taxation grimpe, en effet, en fonction du montant transmis et c’est la valeur du bien donné au décès qui est retenue. Ce qui peut s’avérer très pénalisant si on donne des actions dont le cours s’envole. « Des dons anciens peuvent être passés sous silence,

reconnaît Me Murielle Gamet, notaire associée chez Cheuvreux notaires, à Paris. Mais, le plus souvent, un des autres héritiers en a eu connaissan­ce – ou en suppose l’existence – et réclame, au besoin en justice, qu’il soit pris en compte pour régler la succession. » Ce qui alimente les ressentime­nts et les tensions familiales et peut attirer l’attention du fisc qui a six ans, après le décès, pour taxer les dons qui lui ont été cachés. « Il ne faut pas espérer écarter tout risque de conflit familial en donnant exactement le même montant à chaque enfant. Car pour déterminer la part de succession qui revient à chacun, on évalue le bien transmis, ou acheté grâce à l’argent donné, à la date du partage », avertit Me François Letellier, notaire à Clermont-Ferrand. Un enfant qui a investi l’argent dans un appartemen­t ou un placement qui s’est valorisé recevra une part d’héritage moins élevée qu’un enfant qui a tout dépensé ou réalisé une mauvaise affaire. «Déclarer le don d’une somme d’argent permet de prouver plus facilement qu’il ne s’agit pas d’un simple prêt dont les autres héritiers pourraient exiger le remboursem­ent », souligne Audrey Ferry. On ne compte plus les familles qui se déchirent pour savoir si un virement des parents constituai­t un prêt, un don ou un cadeau.

L’enregistre­ment du don a un autre intérêt lorsqu’on transmet des titres. «Il permet de justifier leur prix d’acquisitio­n pour calculer la plus-value imposable lors de leur revente. À défaut de pouvoir l’établir, le fisc retient une valeur nulle. L’impôt de 30 % sur la plus-value, prélèvemen­ts sociaux compris, pèse alors sur la totalité du prix de cession », alerte Stéphane Jacquin, associé gérant de Lazard Frères Gestion.

Enfin, dernier argument, les banques ou les assureurs réclament presque toujours la copie de la déclaratio­n au fisc pour justifier le transfert de fonds (ou de titres) et réinvestir l’argent dans un placement bancaire ou une assurance-vie.

Un imprimé unique pour tous les dons

Pour enregistre­r le don, il suffit que le bénéficiai­re, ou ses parents s’il est mineur, dépose en 2 exemplaire­s le formulaire de déclaratio­n n° 2735 (disponible sur le site Impots.gouv.fr, en tapant dans la barre de recherche « 2735 ») au service des impôts des entreprise­s de son domicile. C’est assez simple, mais il ne faut pas se tromper dans les cases. «Il est préférable de déclarer les dons de sommes d’argent qui remplissen­t les conditions pour bénéficier de l’abattement de 31 865 € spécifique aux « dons familiaux de sommes d’argent exonérés de l’article 790 G du code général des impôts » en priorité. Cela préservera l’abattement de 100 000 € pour d’autres donations, par exemple d’un appartemen­t ou d’actions », conseille Audrey Ferry. Idem si vous souhaitez bénéficier de l’abattement de 100 000 € pour l’investisse­ment au capital de son entreprise, la constructi­on de sa résidence principale ou la réalisatio­n de travaux de rénovation énergétiqu­e. Si le don dépasse ces abattement­s, il faut immédiatem­ent payer les droits de donation. Au-delà de 15 000 € de dons, il est toutefois possible d’en différer le paiement après le décès du donateur, en utilisant le formulaire n° 2734.

Si par le passé, vous avez multiplié les dons à vos enfants et souhaitez rétablir l’équilibre entre eux, vous pouvez toujours procéder à une donation-partage chez votre notaire. « Ce qui a été donné et est réintégré dans la donation-partage ne sera plus ni réévalué au décès des parents ni déduit de la part d’héritage des enfants, explique Me Letellier. Une bonne solution mais avec quelques inconvénie­nts. Les parents ne peuvent pas imposer à leurs enfants d’y participer et il faut payer un droit de partage de 2,5 % sur la valeur des biens réévaluée à la date de l’acte. » ■

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