Faut-il déclarer les dons Faits à ses proches ?
Rien de plus facile et de plus rapide que de faire un chèque ou un virement à un proche à qui on veut donner de l’argent. Sans que le fisc y trouve à redire ?
Vous vous posez certainement ces questions lorsque vous donnez de l’argent à un enfant. « Ces dons sont tout à fait licites et, contrairement à une idée reçue, il n’est pas obligatoire de les déclarer immédiatement au fisc », rassure Jean-François Lucq, directeur de l’ingénierie patrimoniale de la Banque Richelieu France. Si un don important mérite un détour chez son notaire, pour être informé et conseillé, ce n’est véritablement obligatoire que pour donner de l’immobilier. L’argent et la plupart des autres biens (tableaux, bijoux, meubles, actions…) peuvent être transmis au moyen d’un simple don manuel. Il suffit de remettre le bien, un chèque, ou d’opérer un virement pour en transférer la propriété. Quant aux droits de donation, ils ne sont dus qu’au moment où le don manuel est révélé à l’administration fiscale. Cela peut se produire dans cinq situations :
● le bénéficiaire (le donataire) le déclare et l’enregistre spontanément au fisc ;
● il reçoit un autre don du même donateur, auquel cas il a l’obligation de révéler les dons précédemment reçus ;
● le donateur, dont il est l’héritier, décède (les anciens dons doivent être déclarés) ;
● le don est révélé dans une décision judiciaire (lorsque par exemple des héritiers lésés se tournent vers les tribunaux) ;
● le don est révélé au fisc, non pas spontanément, mais en réponse à sa demande ou dans le cadre d’un contrôle fiscal. Une position qui a été validée par les juges seulement si le don est supérieur à 15 000 € (Cass. com. n° 1811120 du 4.3.20).
Faut-il pour autant faire profil bas et ne rien déclarer tant qu’on n’y est pas contraint ? Ce n’est pas recommandé, en particulier si c’est au bénéfice d’un de vos enfants. Mieux vaut lui conseiller de le déclarer, et sans tarder s’il s’agit d’argent. Il a en effet un mois pour le faire s’il veut bénéficier de l’abattement de 31 865 € dont profitent les dons familiaux d’argent (le donateur doit avoir moins de 80 ans et le donataire être majeur). Le conseil vaut aussi pour les petits-enfants majeurs (ou les neveux et nièces si le donateur n’a pas d’enfants) puisque eux aussi bénéficient de cet abattement. « Enregistrer le don fait également courir le délai de 15 ans au-delà duquel les abattements de 31 865 € et de 100 000 € applicables aux donations entre parents et enfants se reconstituent. On a donc tout intérêt à le déclarer au plus vite », recommande Audrey Ferry, responsable de l’ingénierie patrimoniale de Bordier & Cie. À défaut de le faire, il faudra de toute façon révéler le don au plus tard au décès des parents, avec le risque de payer des droits de succession bien plus élevés sur l’ensemble. Le barème de taxation grimpe, en effet, en fonction du montant transmis et c’est la valeur du bien donné au décès qui est retenue. Ce qui peut s’avérer très pénalisant si on donne des actions dont le cours s’envole. « Des dons anciens peuvent être passés sous silence,
reconnaît Me Murielle Gamet, notaire associée chez Cheuvreux notaires, à Paris. Mais, le plus souvent, un des autres héritiers en a eu connaissance – ou en suppose l’existence – et réclame, au besoin en justice, qu’il soit pris en compte pour régler la succession. » Ce qui alimente les ressentiments et les tensions familiales et peut attirer l’attention du fisc qui a six ans, après le décès, pour taxer les dons qui lui ont été cachés. « Il ne faut pas espérer écarter tout risque de conflit familial en donnant exactement le même montant à chaque enfant. Car pour déterminer la part de succession qui revient à chacun, on évalue le bien transmis, ou acheté grâce à l’argent donné, à la date du partage », avertit Me François Letellier, notaire à Clermont-Ferrand. Un enfant qui a investi l’argent dans un appartement ou un placement qui s’est valorisé recevra une part d’héritage moins élevée qu’un enfant qui a tout dépensé ou réalisé une mauvaise affaire. «Déclarer le don d’une somme d’argent permet de prouver plus facilement qu’il ne s’agit pas d’un simple prêt dont les autres héritiers pourraient exiger le remboursement », souligne Audrey Ferry. On ne compte plus les familles qui se déchirent pour savoir si un virement des parents constituait un prêt, un don ou un cadeau.
L’enregistrement du don a un autre intérêt lorsqu’on transmet des titres. «Il permet de justifier leur prix d’acquisition pour calculer la plus-value imposable lors de leur revente. À défaut de pouvoir l’établir, le fisc retient une valeur nulle. L’impôt de 30 % sur la plus-value, prélèvements sociaux compris, pèse alors sur la totalité du prix de cession », alerte Stéphane Jacquin, associé gérant de Lazard Frères Gestion.
Enfin, dernier argument, les banques ou les assureurs réclament presque toujours la copie de la déclaration au fisc pour justifier le transfert de fonds (ou de titres) et réinvestir l’argent dans un placement bancaire ou une assurance-vie.
Un imprimé unique pour tous les dons
Pour enregistrer le don, il suffit que le bénéficiaire, ou ses parents s’il est mineur, dépose en 2 exemplaires le formulaire de déclaration n° 2735 (disponible sur le site Impots.gouv.fr, en tapant dans la barre de recherche « 2735 ») au service des impôts des entreprises de son domicile. C’est assez simple, mais il ne faut pas se tromper dans les cases. «Il est préférable de déclarer les dons de sommes d’argent qui remplissent les conditions pour bénéficier de l’abattement de 31 865 € spécifique aux « dons familiaux de sommes d’argent exonérés de l’article 790 G du code général des impôts » en priorité. Cela préservera l’abattement de 100 000 € pour d’autres donations, par exemple d’un appartement ou d’actions », conseille Audrey Ferry. Idem si vous souhaitez bénéficier de l’abattement de 100 000 € pour l’investissement au capital de son entreprise, la construction de sa résidence principale ou la réalisation de travaux de rénovation énergétique. Si le don dépasse ces abattements, il faut immédiatement payer les droits de donation. Au-delà de 15 000 € de dons, il est toutefois possible d’en différer le paiement après le décès du donateur, en utilisant le formulaire n° 2734.
Si par le passé, vous avez multiplié les dons à vos enfants et souhaitez rétablir l’équilibre entre eux, vous pouvez toujours procéder à une donation-partage chez votre notaire. « Ce qui a été donné et est réintégré dans la donation-partage ne sera plus ni réévalué au décès des parents ni déduit de la part d’héritage des enfants, explique Me Letellier. Une bonne solution mais avec quelques inconvénients. Les parents ne peuvent pas imposer à leurs enfants d’y participer et il faut payer un droit de partage de 2,5 % sur la valeur des biens réévaluée à la date de l’acte. » ■