Le Figaro Magazine

TRANSMETTR­E UN PATRIMOINE IMMOBILIER

Sans précaution­s préalables, la donation de biens immobilier­s peut être fiscalemen­t très coûteuse. Mais il existe de nombreuses solutions pour alléger la facture.

- Par Nathalie Cheysson-Kaplan

Aucun dispositif fiscal n’encourage aujourd’hui la transmissi­on d’un patrimoine immobilier. Lorsque des parents sont à la tête d’un patrimoine important, les droits de succession le seront aussi, et les enfants n’auront pas forcément les liquidités suffisante­s pour les payer même s’ils peuvent, sous certaines conditions, obtenir un paiement fractionné sur une durée de trois ans maximum. Conséquenc­e : certains enfants sont contraints de vendre, parfois dans l’urgence, une partie des biens dont ils viennent d’hériter pour pouvoir payer les droits de succession. « Pour éviter cela, on peut essayer de laisser des liquidités à ses héritiers en souscrivan­t un contrat d’assurance-vie en leur faveur. Mais il est également possible de mettre en place d’autres stratégies qui reposent sur la transmissi­on anticipée de son patrimoine », suggère Jean-François Desbuquois, avocat associé chez Fidal et membre du Cercle des fiscaliste­s.

Transmettr­e de son vivant

Une des solutions les plus efficaces pour organiser la transmissi­on de son patrimoine et en réduire le coût consiste à l’anticiper en cédant de son vivant une partie de ses biens à ses enfants. Les biens immobilier­s ayant tendance à prendre de la valeur au fil du temps, cette stratégie permet de réduire le montant des droits à payer. « Dans le cadre d’une donation, les parents peuvent même payer les droits à la place de leurs enfants sans que cela constitue un avantage, lui-même taxable, ce qui n’est évidemment pas possible en cas de transmissi­on par succession », ajoute Jean-François Desbuquois. Enfin, si les parents ont plusieurs biens, les transmettr­e de leur vivant leur permet de décider à l’avance de leur répartitio­n entre leurs enfants – ce qui leur évitera de se retrouver en indivision au décès de leurs parents. S’ils ont au moins deux enfants, cela passe par une donation-partage. À la différence d’une donation simple, une donation-partage n’est pas rapportabl­e à la succession du ou des parents donateurs. Ce qui a été donné l’a été une bonne fois pour toutes et on n’en tiendra pas compte, à leur décès, pour calculer la part d’héritage devant revenir à leurs enfants (lire p. 92). La configurat­ion idéale est évidemment d’avoir autant de biens à donner que d’enfants de manière à pouvoir en attribuer un à chacun d’eux. Toutefois, même si les parents n’ont qu’un seul bien à transmettr­e par anticipati­on, comme une maison de famille, ils peuvent le faire par le biais

d’une donation-partage… « Il faut juste avoir en tête que la donationpa­rtage n’aura pas les conséquenc­es d’un partage puisqu’elle portera sur des droits indivis. Mais cela n’a aucune conséquenc­e, si tous les enfants gardent leur part jusqu’au décès du ou des parents donateurs », explique Arlette Darmon, notaire à Paris, présidente du Groupe Monassier.

Tirer parti du démembreme­nt de propriété

Reste que les parents n’ont pas forcément envie de perdre toutes leurs prérogativ­es sur les biens transmis, surtout lorsqu’ils commencent à transmettr­e jeunes. En consentant une donation-partage à leurs enfants et en se réservant l’usufruit des biens donnés, les parents peuvent y habiter jusqu’à la fin de leur vie ou continuer à percevoir les loyers lorsqu’il s’agit d’immeubles de rapport.

Ce dispositif bénéficie d’ailleurs d’une fiscalité attractive. Au moment de la donation, les droits ne sont calculés que sur la valeur de la nue-propriété transmise aux enfants, qui est, par définition, moins élevée que celle de la pleine propriété. Elle est déterminée à partir d’un barème qui tient compte de l’âge du donateur au jour de la donation. Plus il est jeune, moins elle est élevée et moins la donation est coûteuse. Cette valeur représente la moitié de la pleine propriété, si le donateur a entre 51 et 60 ans ; 60 % s’il a entre 61 et 70 ans ; 70 % s’il a de 71 à 80 ans… Au décès du parent usufruitie­r, les enfants nus-propriétai­res vont retrouver la pleine propriété des biens sans droit de succession supplément­aire à payer sur la valeur de l’usufruit, et ce même si le bien a pris de la valeur entretemps. Autrement dit, non seulement l’usufruit mais aussi la plusvalue prise par le bien échappent à toute taxation. Le revers de la médaille ? En se séparant de la nueproprié­té de leurs biens, les parents perdent leur liberté. Ils ne peuvent plus les revendre sans l’accord et la signature de leurs enfants nus-propriétai­res.

Acquérir en SCI

De nombreux schémas d’ingénierie patrimonia­le destinés à organiser la transmissi­on d’un patrimoine locatif permettent de contourner cet obstacle. Il convient, pour cela, d’interposer une société civile immobilièr­e (SCI). Pour permettre aux parents de garder la main sur leurs biens, l’un d’eux (ou les deux) est nommé gérant de la SCI. Grâce à une rédaction « appropriée » des statuts, il est généraleme­nt prévu qu’il pourra vendre les biens de la SCI sans avoir à demander l’autorisati­on de ses enfants. Ici, la donation ne porte pas sur les immeubles euxmêmes, mais sur les parts sociales de la société. L’idéal est de créer la SCI en amont de la constituti­on du patrimoine, plutôt que d’apporter un patrimoine déjà constitué à une SCI. Car cet apport est assimilé à une vente et déclenche l’imposition de la plus-value. Ce qui peut être très coûteux pour un immeuble détenu depuis moins de 30 ans. Un schéma classique consiste à créer une SCI dotée d’un très faible capital social. La SCI acquiert des biens locatifs qu’elle finance grâce à un emprunt bancaire (les loyers assurant le remboursem­ent de l’emprunt). Les parents donnent peu de temps après la quasi-totalité des parts à leurs enfants en nue-propriété. Compte tenu du montant de l’emprunt, les parts n’ont pratiqueme­nt aucune valeur au moment de la donation et les enfants n’ont pas ou peu de droits de donation à payer ! Et une fois l’emprunt remboursé, ils profiteron­t de l’augmentati­on mécanique de la valeur des parts, sans coût fiscal supplément­aire. Dernier intérêt de l’interposit­ion d’une société : elle peut permettre de transmettr­e aux enfants les revenus des biens transmis en même temps que les biens. Si la SCI opte pour une imposition à l’IS, les bénéfices peuvent être mis en réserve. Ce qui dans l’immédiat évite une double taxation : d’abord à l’IS au niveau de la société, puis au niveau des associés en cas de distributi­on de dividendes. Au décès de leur parent usufruitie­r, les enfants vont récupérer la pleine propriété des parts, augmentée des réserves, sans droit de succession supplément­aires à payer sur cet accroissem­ent d’actif. Par exemple, si la SCI met chaque année 20 000 € de bénéfices en réserve et que le parent usufruitie­r décède dix ans après la constituti­on de la SCI, c’est 200 000 € supplément­aires qui sont ainsi transmis en franchise de droits de succession aux enfants. ■

En conservant l’usufruit des biens transmis, les parents peuvent y habiter jusqu’à la fin de leur vie

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