Le Figaro Magazine

LES PARTICULIE­RS SONT DE RETOUR !

Plus de 400 000 nouveaux épargnants ont investi en Bourse en 2020. Une petite révolution.

- Emmanuel Gentilhomm­e

Jusqu’alors, les krachs boursiers faisaient fuir les épargnants individuel­s qui, liquidant leurs avoirs, juraient qu’on ne les y reprendrai­t plus. Or, contre toute attente, c’est l’inverse qui s’est passé en mars 2020, période pendant laquelle « les achats d’actions françaises par des particulie­rs ont été multipliés par 4 », indique l’Autorité des marchés financiers (AMF). Près de 580 000 Français ont alors acquis des titres du SBF 120, un des grands indices de la Bourse de Paris. Beaucoup ont étoffé des portefeuil­les préexistan­ts, pour un montant médian de 5 000 €. Mais au moins 150 000 d’entre eux étaient de nouveaux investisse­urs, de surcroît plus jeunes de 10 à 15 ans par rapport à une moyenne d’âge de l’ordre de 55 ans. Leur mise initiale était d’environ 2 500 €.

Plus remarquabl­e, il ne s’agirait pas d’un feu de paille. Les Français ont « boursicoté » tout au long de l’année dernière, qui s’est terminée sur un total de 410 000 nouveaux venus. Après l’effervesce­nce du premier semestre, la tendance s’est normalisée, mais son rythme – environ 50 000 néo-investisse­urs par trimestre – demeure soutenu. «Si nos clients sont traditionn­ellement plus actifs lors des crises, qu’ils le soient restés ensuite est une nouveauté », commente Benoît Grisoni, directeur général de la banque et courtier en ligne Boursorama. Sur les neuf premiers mois de 2020, les ouvertures de comptes-titres, de plans d’épargne en actions (PEA) classiques, de PEA-PME et de PEA Jeunes chez Boursorama ont triplé, ce qui valait toujours au troisième trimestre. Ces nouveaux clients sont nombreux à inscrire leur investisse­ment dans une perspectiv­e longue, Benoît Grisoni évoquant «des trentenair­es qui acceptent une certaine prise de risque et ont le temps devant eux ». Selon les baromètres de l’épargne de l’AMF, faire face aux imprévus, mais aussi « se préparer à la retraite et à une future possible perte d’autonomie » sont d’ailleurs les premiers motifs pour mettre de côté cités par les répondants. Sur l’ensemble de 2020, près de 1,4 million de Français sont intervenus, essentiell­ement à l’achat, sur les actions à la Bourse de Paris. Soit peu ou prou autant qu’en 2019, où l’indéniable succès populaire qu’a été l’introducti­on de la Française des jeux avait affolé les compteurs, près de 500 000 petits porteurs ayant répondu à l’appel. En somme, le krach a stimulé l’appétit pour les actions, mais il n’en est pas la cause : le mouvement avait commencé avant.

Le grand réveil du PEA

La Banque de France le confirme. Elle tient le compte des PEA actifs, c’est-àdire ceux sur lesquels au moins un placement a été réalisé. En 2003, on en dénombrait plus de 7 millions, un record suivi d’une inexorable érosion : mi2017, il n’en restait plus que 4 millions. Mais l’heure de la reprise a sonné et, aux dernières nouvelles, la barre des 5 millions est de nouveau dépassée. Comment l’expliquer ? Benoît Grisoni met avant un contexte fiscal devenu plus favorable, par exemple avec le prélèvemen­t forfaitair­e unique de 30 % en vigueur depuis 2018, un bon point pour les comptes-titres notamment. En 2019, la loi Pacte a modernisé le fonctionne­ment des PEA, par exemple en permettant d’effectuer des retraits sans les clôturer à partir de 5 ans, contre 8 ans auparavant. Responsabl­e de la recherche économique chez Saxo Bank, Christophe­r Dembik souligne également « l’effort de vulgarisat­ion de la Bourse, sinon d’évangélisa­tion du grand public par les médias et sur les réseaux sociaux, qui a été important ces dernières années ». La faiblesse des taux d’intérêt, et donc les modestes rendements des fonds en euros, joue également en faveur des actions. Quant aux performanc­es des marchés financiers ces dernières années, elles se sont révélées excellente­s, du côté des géants américains du web comme des valeurs françaises du

luxe.■

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