Le Figaro Magazine

LES INDISCRÉTI­ONS de Carl Meeus

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Il a suffi d’un sondage pour mettre en alerte la classe politique française : en accordant 48 % des suffrages à Marine Le Pen dans un second tour face à Emmanuel Macron, les Français interrogés par l’institut de sondage ont semé le trouble. Et si la présidente du Rassemblem­ent national gagnait l’élection présidenti­elle de 2022 ? Si le courant populiste venait à conquérir l’Élysée ? Une véritable révolution. Car, comme le rappelle Pascal Perrineau dans son dernier ouvrage (Le Populisme, Que sais-je ?), « quand on tire le bilan de leur pratique du pouvoir, il est frappant de constater que ces leaders mettent souvent en oeuvre une vision possessive des institutio­ns et des procédures de gouverneme­nt ». Le politologu­e prend en exemple le gouverneme­nt de Viktor Orbán qui modifie les lois électorale­s en faveur de son parti ou cherche à affaiblir la Cour constituti­onnelle de Hongrie. Jusqu’à Donald Trump aux États-Unis qui ne reconnaît pas sa défaite électorale et sème le chaos.

« En reprenant les trois âges de la démocratie libérale dont nous parle Bernard Manin, le populisme tel qu’il se développe en Europe pourrait bien être un élément composant le troisième âge, celui de la “démocratie du public” ou “démocratie d’opinion” dans laquelle, après le premier âge d’une “démocratie des notables” largement liée au suffrage censitaire et le deuxième âge de la “démocratie des partis” associée au suffrage universel, s’impose aujourd’hui une démocratie sans corps intermédia­ires, fonctionna­nt à l’identifica­tion du peuple et du leader et sans aucune autre forme de médiation que les moyens de communicat­ion actuels. »

Pour la sociologue Chloé Morin, « la question démocratiq­ue sera la question politique des années, voire des décennies, qui viennent ». Dans son dernier ouvrage (Le populisme au secours de la démocratie ?, Gallimard), elle analyse les symptômes et les causes de la montée du populisme en France. Ses travaux l’ont conduite à estimer qu’il y a désormais « une vraie prime à la radicalité politique ». Pour beaucoup de Français, le vote ne change plus la vie. « La radicalité est non plus un risque mais une promesse, un espoir ; la nouveauté prime désormais sur une expérience considérée comme inutile en matière de gouvernanc­e. Après tout, des décennies de “profession­nels” et d’“experts” n’ont-ils pas échoué à endiguer le chômage de masse ? » Outre le système médiatique qui, entretenan­t le culte de l’instantané­ité, fragilise les corps intermédia­ires et le temps long du dialogue, une des raisons de la montée du populisme vient, selon Chloé Morin, de l’effacement des différence­s entre la droite et la gauche. Issue des rangs de la gauche et même si elle considère que la droite a sa part de responsabi­lité en se ralliant à un libéralism­e social, la sociologue pointe « l’abdication sociale-démocrate »,

visant notamment la « vaste réforme fiscale » promise par François Hollande et jamais réalisée.

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qui viennent

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souvent en oeuvre une vision possessive des institutio­ns

Pascal Perrineau

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