LES RENDEZ-VOUS de J-R Van der Plaetsen
Le nouvel académicien se dévoile à travers un portrait d’Apollinaire, en qui il voit un frère, mais aussi, et surtout, dans un recueil de poèmes où il exprime tout ce qu’il porte en lui.
C’est une loi d’airain : avant de devenir luimême, un écrivain commence par se chercher un père en littérature. Parce qu’il prend un malin plaisir à se distinguer des autres, François Sureau ne se cherchait pas un père, mais des frères – des frères d’armes ou de lettres, des camarades avec qui partager le feu de l’action ou de la poésie. Bref, des compagnons de première ligne. Et il les a trouvés, ces hommes qui ressemblent aux personnages de La Bandera, comme le montrent avec éclat les deux livres qu’il fait paraître en ce début d’année. Le premier frère en littérature de Sureau se nomme Guillaume de Kostrowitzky. À lire Ma vie avec Apollinaire (Gallimard), on comprend pourquoi. C’est de l’artilleur de la Grande Guerre autant que du poète précurseur des surréalistes que se sent proche l’académicien. « Apollinaire, dit-il, c’est l’homme qui réussit à atteindre l’harmonie par-delà les contraires. » De
La phrase du livre à retenir (p. 41)
“Délivrez-moi ô dieux des songes et des bateaux”
LA CHANSON DE PASSAVANT,
de François Sureau, Poésie/Gallimard, 224 p., 7,50 €.
fait, il nous enseigne que l’on peut aimer à la fois l’uniforme et le cubisme, écrire Les Onze Mille Verges et les Poèmes à Lou, inventer des cascades de calligrammes et accepter de mourir pour la France tel un légionnaire inconnu. Sureau, dont on connaît l’amour de la Légion, voit dans l’existence d’Apollinaire une allégorie moderne de la quête du Graal.
L’autre frère de Sureau est tiré de ses songes. Connu sous le nom de Patrocle Passavant des Baleines, il incarne la figure du héros mythique, lieutenant de vaisseau dans la marine française, sorte de chevalier errant, bourlingueur mais poète, qui aurait lu Cendrars et Mac Orlan, Henry Levet et Louis Brauquier, mais aussi Pierre Schoendoerffer et Paul Bonnecarrère. Ce personnage de légende se trouve au coeur de trois volumes de poésie (Sans bruit sans trace, Sur les bords de tout et La Chanson de Passavant) qui sont ce que Sureau a écrit de plus beau, de plus fort, de plus pur.