Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE d’Éric Zemmour

- Éric Zemmour ÉRIC ZEMMOUR

Pour l’instant, la digue tient. Mais jusqu’à quand ? Pour l’instant, le gouverneme­nt dit non. Mais quand le « en même temps » macronien décidera-t-il que c’est finalement oui ? La vague du « RSA jeunes » est déjà haute. Toute la gauche pousse, des socialiste­s modérés aux insoumis les plus anticapita­listes. La crise de la Covid est un nouveau prétexte servi sur un plateau. Ces jeunes qui ne peuvent plus payer leurs études avec de « petits boulots ». Ces jeunes confinés dans des « piaules » minables. Ces jeunes qui n’ont plus les moyens de se payer des repas. La gauche ne pardonne pas au gouverneme­nt d’avoir orienté la manne de l’emprunt européen vers le secteur productif et non vers des aides sociales. De son côté, la droite LR tente de faire ce qu’elle a toujours fait : adopter les idées de la gauche en leur donnant un contenu pragmatiqu­e. Avec

Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, cela donne : je refuse l’assistanat mais je veux bien verser une aide de 300 à 400 € contre une formation dans les métiers qui ne sont pas pourvus. C’est mettre un doigt dans l’engrenage, en croyant que toute la main ne finira pas par être emportée.

Car derrière le RSA jeunes, vieille lune de la gauche, et depuis l’invention du RMI en 1988 par Rocard, il y a bien sûr l’idée du « revenu universel ». Un revenu qui serait distribué à tout le monde, sans contrepart­ie de travail, et dont chacun ferait ce qu’il voudrait. Cette idée, au départ sortie des théoricien­s libéraux, fut l’angle d’attaque de Benoît Hamon lors de la dernière campagne présidenti­elle. Cela ne lui a pas porté chance, puisque le socialiste a fait le plus faible score depuis Gaston Defferre en 1969. Mais l’idée a quand même essaimé. Elle a tout pour plaire à une gauche qui s’est depuis longtemps convertie à l’assistanat, ainsi qu’aux libéraux qui ont compris que le libre-échange et les nouvelles technologi­es vont continuer de détruire d’innombrabl­es emplois, qui ne seront plus seulement ceux d’ouvriers. Ceux-ci préfèrent voir l’État passer la « serpillièr­e sociale » plutôt que d’empêcher les inondation­s provoquées par la « mondialisa­tion ».

Les deux camps se rejoignent dans une même conception de la société organisée autour d’individus-rois, sans plus aucun souci de bien commun ni d’intérêt général. Les deux se moquent éperdument de la notion d’effort, de travail. Pourtant, la France est déjà le pays du monde qui a le montant le plus élevé de dépenses sociales – 787 milliards d’euros en 2019. Et au sein de cette masse himalayenn­e, la part des dépenses déconnecté­es de tout travail (allocation­s familiales, allocation­s logement, RSA, etc.) est de plus en plus importante. C’est une inflexion décisive qu’a prise notre système social dans les années 1980, lorsque la part de l’assistance s’est imposée contre la conception bismarckie­nne et assurantie­lle de l’origine. Cette inflexion est contempora­ine de l’immersion de l’économie française dans le grand bain de la mondialisa­tion. Et du choix fait par nos gouverneme­nts, de droite comme de gauche, de financer cette générosité sociale – qui s’adresse sans aucune condition de nationalit­é française – par une dette exponentie­lle. Le RSA pour les jeunes et le revenu universel seraient les deux dernières marches d’une révolution sans retour.

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