Le Figaro Magazine

AUTORITÉ OU POUVOIR JUDICIAIRE ?

Si la justice doit pouvoir exercer sa fonction en toute indépendan­ce, elle ne peut ni ne doit dériver en gouverneme­nt des juges.

- LA CHRONIQUE DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

Il y a des rapprochem­ents qui ne manquent ni de sel ni de sens. Le 17 février, le président de la République adresse à Chantal Arens, présidente du Conseil supérieur de la magistratu­re (CSM), une lettre de quatre pages pour lui faire part de ses préoccupat­ions sur les responsabi­lités des magistrats. Le lendemain 18, le même CSM annonce qu’il organise un cycle de trois conférence­s sur le thème « Indépendan­ce et responsabi­lité des magistrats ». La première, le 12 mars prochain, sera précisémen­t ouverte par Chantal Arens, et par François Molins, procureur général de la Cour de cassation – les deux grades les plus élevés de la magistratu­re. Emmanuel Macron avait-il imaginé en envoyant sa lettre qu’on lui répondrait à travers un débat public ?

« Tout pouvoir doit être arrêté par un contre-pouvoir. » Le mot est prêté au chef de l’État – mais il doit être lu à l’envers : le « contre-pouvoir », c’est celui qu’il s’attribue désormais en face du « pouvoir » des magistrats. En quoi, loin de vouloir la réviser, il entend se tenir à la lettre de la Constituti­on. Laquelle dans son article 64 (titre VIII) dit :

« Le président de la République est le garant de l’indépendan­ce de l’autorité judiciaire » – de l’indépendan­ce, certes, mais de l’autorité judiciaire, non du « pouvoir » ! Ce pouvoir, c’est lui qui l’exerce, et le délègue (article 65).

Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron procède à de tels rappels à l’ordre. Quand il entend l’ancienne présidente du parquet national financier, Éliane Houlette, dire devant les députés d’une commission d’enquête sur l’affaire Fillon, le 10 juin 2020, que « l’indépendan­ce (des magistrats) s’exerce dans la dépendance »,

il interroge aussitôt le CSM : Mme Houlette avait-elle pu exercer son pouvoir d’investigat­ion « en toute sérénité » – lorsqu’elle poursuivai­t le candidat de la droite en 2017 ? « Pressions, influence coercitive » ?

Sûrement pas, peut-être une « source de stress »,

lui répondent Mme Arens et M. Molins, le 15 septembre. La justice, assurent-ils, a fonctionné de façon indépendan­te…

En tout cas, peu avant que son prédécesse­ur Nicolas Sarkozy soit lourdement condamné en première instance, Emmanuel Macron juge nécessaire de réexaminer les missions du CSM dans sa lettre du 17 février… Il s’étonne de la « faible activité disciplina­ire » révélée par les rapports d’activité du Conseil et note qu’en 2019, sur 324 plaintes déposées devant lui, 11 seulement ont été jugées recevables. Est-ce normal ? Il faudrait, dit-il, « mieux appréhende­r l’insuffisan­ce profession­nelle du magistrat dans son office », réfléchir à « la définition de la faute disciplina­ire ».

Vaste programme !

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