BONS ET MAUVAIS COUPS
En deux siècles, la France a connu de nombreux coups d’État, du 18 brumaire au putsch d’Alger. Dans quelles conditions une crise politique peut-elle déboucher sur un coup d’État ?
En 2017, Jean-Luc Mélenchon vitupérait « le coup d’État social » qu’aurait représenté la réforme du code du travail, tandis qu’en 2018 un député LR publiait un livre à charge contre le président de la République sous le titre Le Coup d’État Macron. Patrick Lagoueyte, qui souligne ces faits, rappelle aussi que la formule « coup d’État » est née sous Louis XIII, mais pour saluer l’action hardie du roi, lors de la journée des Dupes (1630), lorsqu’il avait soutenu Richelieu contre sa mère, Marie de Médicis.
L’auteur, dans un ouvrage qui s’adresse aux férus d’histoire politique et constitutionnelle, cherche à cerner la notion de coup d’État en France, en dresse la typologie, et montre comment le jugement sur ces épisodes mouve- mentés a pu rétrospectivement varier. L’historien passe ainsi en revue les « coups d’État de référence » : celui du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), qui vit le Directoire démettre les députés royalistes devenus majoritaires ; celui du 18 brumaire qui porta Bonaparte au pouvoir ; celui du 25 juillet 1830 par lequel Charles X, décidant de gouverner par ordonnances, défia le Parlement, ce qui provoqua la révolution parisienne et la chute des Bourbons ; et le coup d’État du futur Napoléon III, le 2 décembre 1851. Patrick Lagoueyte étudie ensuite les coups d’État militaires (celui des généraux d’Alger, en 1961, étant le seul à avoir été réellement entrepris avant d’échouer) et les faux coups d’État, comme l’émeute du 6 février 1934. Il scrute les soubresauts qui ont secoué la Révolution française : l’arrestation des Girondins, le 2 juin 1793, ou la chute de Robespierre, le 9 thermidor (27 juillet 1794), étaient-elles des coups d’État, et pourquoi les historiens ne s’accordent-ils pas sur ce point ? En relisant Le Coup d’État permanent, célèbre livre de François Mitterrand publié en 1964, l’historien se demande enfin si la Ve République, en mai 1958, est née ou non d’un coup d’État. L’auteur semble penser que la plasticité de notre actuelle Constitution, depuis soixante ans, a permis de surmonter maintes crises politiques et sociales, ce qui exclurait à l’avenir toute perspective de coup d’État autrement que sur le mode incantatoire. L’histoire dira si cet optimisme est justifié.