Le Figaro Magazine

MARC JEANSON

La passion d’un métier abandonné Exercer une profession d’un autre temps n’empêche pas ce botaniste réputé de vivre des premières fois. Il est le premier à réaliser l’inventaire de la collection du jardin Majorelle.

- Valérie Sasportas

Inventeur de plantes, c’est ainsi qu’on aurait qualifié mon métier au XVIIIe siècle. Nous autres botanistes ne concevons rien. Nous nous contentons de reconnaîtr­e l’originalit­é dans l’inépuisabl­e catalogue d’êtres vivants que la nature fait défiler devant nos yeux », écrit Marc Jeanson, responsabl­e des collection­s de l’Herbier au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, dans Botaniste, l’instructif essai cosigné avec Charlotte Fauve (Grasset). « C’est un métier abandonné. Quand, à la fin du siècle des Lumières, la géographie mathématiq­ue de la planète a été achevée, on a considéré que l’on savait tout du vivant alors qu’on n’en connaît que 10 à 15 %, déclare l’ingénieur agronome et docteur en systématiq­ue végétale de 39 ans. En 2021, on commence à se rendre compte qu’on a impérative­ment besoin de connaître les espèces qui nous entourent et de les voir évoluer, de les mémoriser. » Depuis quatorze mois, ce scientifiq­ue passionné poursuit ce dessein au Maroc. Madison Cox, grand nom du paysagisme et président des fondations Pierre-Bergé-Yves-Saint-Laurent à Paris et à Marrakech, lui a proposé de prendre la direction des collection­s botaniques du jardin Majorelle, planté dès 1931 autour de la villa bleue du peintre Jacques Majorelle.

LA PAGE ÉTAIT VIERGE

« Marc va enrichir les collection­s de plantes d’Afrique du Nord et non plus seulement d’essences importées. Je souhaite que ce lieu devienne une référence pédagogiqu­e, que les Marocains prennent conscience de leur patrimoine naturel, floral. Un jour il leur appartiend­ra », affirme Madison Cox. Marc Jeanson s’enthousias­me : « Il n’y a jamais eu de botaniste à Majorelle, jamais d’inventaire de la collection. La page était vierge ! » Le confinemen­t lui a permis de rencontrer de façon inédite ce jardin auparavant visité par 6 000 touristes par jour. Et puis il sort, explore les pépinières, la nature du pays, vise l’Anti-Atlas en avril pour la falaise aux dragonnier­s, cette plante endémique de la région d’Anezi, rapporte des graines, des boutures pour enrichir aussi l’Herbier national de Rabat. Celui de Paris lui manque. Il s’est mis en disponibil­ité pour trois à cinq ans de l’Herbarium musei parisiensi­s, au Jardin des Plantes. « Les Parisiens ne se doutent pas que la majeure partie de ce qui pousse sur la surface de la planète y est documentée », écrit-il dans son livre, qui éveille comme une montée de sève. On le voudrait pour guide dans un voyage autour d’une plante.

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