LA CHRONIQUE d’Éric Zemmour
Tempête dans un crâne de droite. Que va faire Nicolas Sarkozy ? Qui va-t-il soutenir, alors que sa dernière condamnation semble lui interdire tout espoir de se présenter à la prochaine élection présidentielle ? Les rumeurs vont bon train. Les spéculations aussi. On dissèque ses phrases avec la minutie d’un talmudiste. Ses fidèles livrent l’exégèse et éclairent les propos de l’ancien président. Les coups de patte d’un Hortefeux à Xavier Bertrand et à toute candidature qui ne serait pas du sérail partisan marquent les distances et les rejets. Les distinctions savantes faites par l’ancien président lui-même entre « sa famille », qu’il avertira de sa décision, et Emmanuel Macron, qu’il loue volontiers, éclairent ceux-là mêmes qui veulent rester dans l’obscurité : Nicolas Sarkozy n’hésitera pas à soutenir Emmanuel Macron. La gauche y verra la preuve patente que Macron est passé à droite. Un homme de droite pourrait y voir celle que Sarkozy est passé à gauche.
C’est sans doute ni l’un ni l’autre. Macron est un homme de centre gauche et Sarkozy de centre droit. Macron a réussi, en 2017, l’alliance des deux centres, le libéralisme de droite et celui de gauche. Macron est bien un LouisPhilippe moderne qui a réussi cette synthèse des deux bourgeoisies sur l’autel de l’Europe. Après les juppéistes, ce serait donc au tour des sarkozystes de rejoindre le camp macronien. LR en mourra et ceux qui ne veulent pas de Macron devront se trouver un autre champion.
On peut chercher les causes d’un tel rassemblement. On se rappellera qu’au-delà des discours de campagne électorale, en 2007 et 2012, où le candidat Sarkozy s’inspirait du monarchiste chrétien Buisson et du gaulliste Guaino, sa pratique gouvernementale fut beaucoup plus centriste. Comme l’avait dit ironiquement Alain Minc : « Sarkozy gagne avec Buisson et gouverne avec Minc. » On se souvient que Sarkozy avait promis le karcher aux habitants des banlieues et qu’on avait eu Kouchner, comme ministre d’ouverture. et bien d’autres socialistes comme Éric Besson, ou Fadela Amara. Sarkozy avait fait du Macron à l’envers. Il serait ainsi le digne fils rebelle de Chirac, qui lui aussi avait commencé « facho Chirac » et fini comme « dernier rempart de la République ». De manière plus personnelle, on peut y voir l’influence de son épouse, Carla Bruni, et de son milieu de bohème artistique. Ou encore les promesses du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, de modifier la législation pour interdire les écoutes des communications téléphoniques entre un avocat et un suspect, qui lui ont coûté si cher dans un passé récent… La droite française serait décidément condamnée à n’être qu’une ancienne gauche depuis la Révolution française, et n’aspirerait qu’à revenir à sa source. Une droite qui rêve d’être reconnue par la gauche, alors même que le pays, dans ses tréfonds, n’a jamais été aussi peu à gauche. Malédiction française.