LES RENDEZ-VOUS
Dans son nouveau roman, elle nous conte le destin de la fille de Cléopâtre et de son époux, souverain berbère décrit par Plutarque comme l’un des plus grands chefs d’État de son temps.
Après avoir lu L’Allée du roi et La Sans Pareille, il est permis de se poser la question : Françoise Chandernagor est-elle historienne ou romancière ? D’un geste de la main, elle écarte ces interrogations inutiles : « Je ne suis ni l’une ni l’autre exclusivement. Disons que je suis une romancière dans l’Histoire. » Chandernagor a le sens de la formule et un talent de conteur, à l’oral comme à l’écrit. Et on l’écoute sans l’interrompre, car l’ancien major de l’ENA qu’elle est possède une connaissance encyclopédique de ses sujets. Cela vaut pour le Grand Siècle français comme pour l’Antiquité gréco-romaine.
La technique de Chandernagor est aussi sa marque de fabrique : laisser aller son imagination de romancière dans les interstices de la grande histoire. Mais, à la différence de tant d’écrivains qui mélangent les genres sans aucun scrupule, elle précise toujours en fin de volume les libertés romanesques qu’elle s’est accordées avec la réalité du passé. De cette règle de travail qui l’honore, elle a tiré comme une forme de déontologie d’écriture.
À raison puisque le résultat emporte le lecteur. Est-on pris par le vent de l’Histoire ou le souffle de la romancière ? Peu importe. Ainsi de L’Homme de Césarée, qui se déroule à l’époque de Cléopâtre, MarcAntoine, Auguste et leurs nombreux enfants – légitimes, naturels ou adoptés, car cette époque de familles recomposées ressemble tant à la nôtre. Il ne manque pas un boulon de cuirasse ni un pli de toge à cette fresque qui nous fait découvrir les figures de Juba et de Séléné, respectivement roi de Maurétanie et fille de Cléopâtre, mariés sans leur consentement par Auguste, et devenus de tendres amants. Il y a du Quo Vadis, et des histoires d’amour qui évoquent la mondialisation avant l’heure, dans ce roman dont les décors rappellent ceux d’un péplum, mais la grande sensibilité de narration est celle d’une femme.