Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

d’Éric Zemmour

- Éric Zemmour éric zemmour

C’était il y a cinq ans. On s’interrogea­it sur les intentions d’Emmanuel Macron. On ne parlait pas encore de campagne présidenti­elle ni de parti politique même si les initiales d’En marche ! en rappelaien­t d’autres plus personnell­es. Aujourd’hui, le mystère a été largement dissipé. Mais En marche ! est resté au même stade : un mouvement lié à un homme, aux structures lâches, à l’enracineme­nt inexistant. Une bulle de savon qui l’est restée. pour paraphrase­r le mot qu’on prête à de Gaulle sur le brésil : En marche ! est un parti d’avenir et le restera. Quasiment pas d’élus locaux ni de militants : un fantôme de parti. Le mouvement de Macron a perdu toutes les élections intermédia­ires. Même dans les métropoles, où se retrouve pourtant son électorat privilégié de « vainqueurs de la mondialisa­tion », il n’a pas réussi à déloger les sortants, qu’ils soient socialiste­s (Hidalgo, à paris) ou centristes (Moudenc, à toulouse). Ceux qui parvenaien­t à sortir les sortants étaient les écologiste­s, que ce soit à Lyon ou à bordeaux. Un échec complet. En 2017, les nombreux thuriférai­res du président comparaien­t son accession à celle du général de Gaulle en 1958. Mais dès 1959, le parti gaulliste remportait de belles victoires aux municipale­s. En marche ! n’a jamais réussi à s’enraciner, car la ligne idéologiqu­e de son patron est celle d’une élite hors sol, déracinée, mondialisé­e, celle d’une « start-up nation » chimérique et de la « souveraine­té européenne », non pas celle du « cher et vieux pays ». il n’y a pas que des mauvais côtés à cet échec retentissa­nt : contrairem­ent à François Hollande, et même à Nicolas sarkozy, Emmanuel Macron n’a pas à s’encombrer avec un appareil, des militants, et surtout des élus. pas de frondeurs à En marche. plus profondéme­nt, les conditions politiques ont radicaleme­nt changé. La décentrali­sation, et surtout la suppressio­n du cumul de mandats député-maire, a déconnecté le local du national. Les élus sont jugés sur leurs résultats, pas sur leur étiquette politique. C’est la forme même de parti politique qui est rejetée au temps des réseaux sociaux et de la défiance vis-à-vis de toutes les structures. tous les partis souffrent, même le rassemblem­ent national : les effectifs militants fondent comme neige au soleil ; les consignes ne sont plus respectées ; les votes de plus en plus volatils et personnali­sés.

Emmanuel Macron a été élu sur une vague de « dégagisme » politique qui visait toute la vieille classe politique. Mais il n’a pas réussi à en forger une nouvelle. il reste un homme seul. pour le meilleur : il est libre de ses mouvements et de ses (nombreuses) circonvolu­tions, voire apostasies. pour le pire : ce qu’il a fait subir à François Hollande et à d’autres adversaire­s le menace à son tour. il n’a pas de protection, pas de garde prétorienn­e pour le protéger, pas de militants pour relayer son bilan et son discours dans le pays profond. il a les médias et les réseaux sociaux. Comme en 2017. Et ce n’est pas rien. Mais le vieux monde, désormais, c’est lui. Et l’homme à dégager.

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