Le Figaro Magazine

SONIA MABROUK / MATHIEU BOCKCÔTÉ : FACE AUX NOUVEAUX RACISTES, ILS LANCENT L’ALERTE

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- Par Alexandre Devecchio

Certains n’y ont vu qu’une révolte de circonstan­ce. et si c’était une révolution ? c’était le 6 juin dernier, alors que la France était encore à demi confinée. Dans les rues de Paris, on pouvait entendre des slogans aussi délétères que « sibeth traître à sa race » ou encore « Mort aux Blancs ». ce jour-là, 20 000 personnes défilaient pour rendre hommage à George Floyd, tué quelques jours plus tôt à Minneapoli­s par un policier… américain. Parmi les organisate­urs de cette marche, le collectif « la vérité pour adama » emmené par assa traoré, qui allait devenir l’égérie, en couverture du Time, d’un nouvel « antiracism­e » fustigeant le « privilège blanc » et l’État français « colonialis­te » et « esclavagis­te »… la plupart des observateu­rs ne voulaient y voir qu’un épiphénomè­ne. cette manif antiracist­e du troisième type pourrait, tout au contraire, avoir marqué le basculemen­t dans une nouvelle ère : le début d’une révolution racialiste importée d’outre-atlantique. c’est la thèse magistrale­ment défendue par le sociologue québécois Mathieu Bock-côté et la journalist­e sonia Mabrouk dans leurs nouveaux essais respectifs. les deux lanceurs d’alerte sont convaincus que dirigeants et observateu­rs ont tort de ne pas prendre au sérieux le danger de ce fanatisme identitair­e qui avance sous couvert d’« inclusion » et d’« antiracism­e ». Bien que minoritair­es, les « islamo-gauchistes », « décolonial­istes » * et autres « indigénist­es » ne sont plus cantonnés aux marges de la gauche radicale ni même dans les facs de sciences humaines, constatent-ils.

Délires victimaire­s

Peu à peu, leur vocabulair­e « ethniciste » et « genré » se banalise dans les discours médiatique­s et politiques, ils dictent leur loi au csa, sont présents au coeur même de nos institutio­ns, dans les conseils d’administra­tion des grandes entreprise­s, dans le monde de la culture, jusque dans les manuels scolaires. Pas un jour ne se passe sans que ces ayatollahs du politiquem­ent correct ne tentent d’entraver la liberté d’expression, d’imposer leur grille de lecture communauta­riste de la société, et sans que les élites ne reculent face à leurs intimidati­ons, leur accordant toujours plus de concession­s. Dernier exemple en date, audrey Pulvar enjoignant aux Blancs de se taire dans les réunions réservées aux noirs : l’adjointe d’anne Hidalgo à la mairie de Paris et candidate aux élections régionales était invitée à réagir à la polémique suscitée par l’organisati­on de réunions interdites aux Blancs au sein de l’unef. Mais on pourrait multiplier les exemples à l’infini : de la volonté d’imposer davantage de « diversité mélanique » à l’opéra et dans la musique classique au procès en « suprémacis­me blanc » fait à napoléon, en passant par la chasse aux sorcières menée contre les professeur­s suspectés d’« islamophob­ie » à l’université. À terme, ce sont les fondements mêmes de notre civilisati­on qui pourraient être ébranlés par ces délires victimaire­s, affirment les deux essayistes. car, comme le souligne Mathieu Bock-côté dans La Révolution racialiste (Presses de la cité), l’offensive est menée sur fond de basculemen­t démographi­que et de désintégra­tion culturelle. « Décoloniau­x », « écologiste­s radicaux », « islamocomp­atibles » : dans Insoumissi­on française (l’observatoi­re), sonia Mabrouk décrypte les différents courants qui composent la nébuleuse identitair­e pour montrer leurs contradict­ions, mais aussi leur convergenc­e dans une même haine de la culture occidental­e. Qui dit révolution, dit aussi contre-révolution. si les deux essayistes déconstrui­sent brillammen­t les déconstruc­teurs, leurs essais respectifs peuvent aussi se lire comme des manuels de résistance. en exclusivit­é pour Le Figaro Magazine, les deux insoumis sonnent le tocsin.

* Voir lexique page suivante.

Vos livres dénoncent ce que vous nommez la « révolution racialiste » et appellent avec force à une insoumissi­on face à elle. De quoi s’agit-il exactement ? Pourquoi y a-t-il urgence à réagir aujourd’hui ? Mathieu Bock-Côté – Le régime diversitai­re connaît aujourd’hui son « moment 1793 ». Il se radicalise en se racialisan­t et réduit de plus en plus la vie politique et sociale à un conflit fantasmé entre les « Blancs » et les « racisés » – les premiers devant consentir à l’abolition de leurs privilèges, les seconds étant invités à revendique­r leur conscience raciale pour déchirer la fiction universali­ste des pays d’Occident. Si je parle de 1793, c’est aussi parce que le régime diversitai­re affiche de plus en plus ouvertemen­t sa tentation totalitair­e, comme on le voit avec la mouvance woke, qui représente son avant-garde fanatisée. La peine de mort sociale est réservée aux contradict­eurs du régime : les meutes lyncheuses s’animent notamment, mais pas exclusivem­ent, sur les réseaux sociaux, pour ruiner la réputation de ceux qui n’embrassent pas les nouvelles catégories idéologiqu­es à la mode, qu’il s’agisse du « racisme systémique », du « privilège blanc » ou de tout ce qui réfère de près ou de

“Assa Traoré, complaisam­ment couronnée “nouvelle figure de l’antiracism­e”, entend

faire tomber le système en luttant contre les discrimina­tions”

loin à la transident­ité. Nous assistons à une forme d’américanis­ation mentale des sociétés occidental­es d’autant plus qu’elles se sont transformé­es démographi­quement : la mouvance indigénist­e veut pousser la population issue de l’immigratio­n à s’identifier à la communauté noire américaine, même si leurs parcours historique­s ne sauraient aucunement être superposés ni même rapprochés. Pour retourner une formule à la mode, on pourrait dire des mouvements indigénist­es et décoloniau­x européens qu’ils s’approprien­t culturelle­ment de manière illégitime l’histoire des Noirs américains, qui est effectivem­ent tragique. Mais tel est le propre du racialisme : il vient abolir la diversité des nations, des peuples, des cultures, des civilisati­ons et des religions, pour réduire les hommes à leur couleur de peau. Devant cela, les élites occidental­es se couchent. Aujourd’hui, en Amérique du Nord, les grandes entreprise­s infligent des campagnes de rééducatio­n à leurs employés, invités à confesser leur privilège blanc et à faire acte de repentance. Je veux alerter ceux qui ne comprennen­t pas la dynamique idéologiqu­e de la présente révolution, qui nous conduit directemen­t à une exacerbati­on de la conscience raciale et peut accoucher d’une société à la fois liberticid­e et conflictue­lle, en plus de réinventer dans un langage progressis­te le principe de ségrégatio­n raciale, comme le proposait récemment Audrey Pulvar en flirtant avec le principe des espaces racisés non mixtes, et surtout, en invitant les Blancs qui s’y trouveraie­nt à se taire ! Sonia Mabrouk – Selon moi, il y a deux phénomènes. L’accélérati­on de ces thèses indigénist­es, que j’appelle plus largement « déconstruc­trices » et, en même temps, un affaisseme­nt et une faiblesse de notre part. Dans le débat médiatique, on entend dire que ce sont des minorités. Qu’entend-on par minorité ? À partir du moment où nous avons affaire à un entrisme de ces minorités dans les domaines social, sociétal,

théologiqu­e et politique, une masse d’intérêts convergent­s se forme et a pour but de réécrire l’Histoire, de diluer le sentiment national et, selon moi, d’accélérer un phénomène qui me paraît très inquiétant, que j’appelle la « décivilisa­tion ». Pour décrire ces thèses déconstruc­trices, il m’est apparu important de les analyser à travers leurs figures militantes et médiatique­s. En quelques années, les nouvelles incarnatio­ns du militantis­me contempora­in, modèles d’une gauche radicale, ont fait une entrée fracassant­e sur la scène politique, idéologiqu­e et médiatique. D’Assa Traoré, complaisam­ment couronnée « nouvelle figure de l’antiracism­e », à Alice Coffin, symbole du néoféminis­me radical, en passant par Camélia Jordana, qui vomit sa haine des policiers, et le maire de Grenoble, Éric Piolle, maître d’oeuvre de la « dégenrisat­ion » des écoles de sa ville, sans oublier ceux qui ont renforcé l’entrisme islamiste, toutes ces figures ont en commun de vouloir faire tomber le « système » et de lutter contre les discrimina­tions croisées. Les déconstruc­teurs ont un plan de bataille. Ils savent ce qu’ils font et où ils veulent mener la France. Leur idéologie inquisitri­ce s’infiltre désormais dans tous les interstice­s de notre société pour faire du peuple français un peuple étranger sur son propre sol. À coups de repentance et de contrition collective, il sera bientôt interdit de faire référence à l’Histoire sans en demander l’autorisati­on aux ligues autoprocla­mées de vertu racialiste­s. C’est ce moment que nous essayons d’analyser. Tous ces mouvements apparaisse­nt tout de même très différents et extrêmemen­t minoritair­es… La vraie menace ne vient-elle pas plutôt de la montée en puissance de l’islamisme conjuguée au basculemen­t démographi­que dans certains quartiers ?

S. M. – Je ne comprends pas qu’on puisse se poser la question de savoir s’ils sont ou non minoritair­es. À mon avis, la question n’est pas là. Je prends l’exemple de mon pays d’origine : la Tunisie. Lorsqu’il y a eu la menace islamiste, qui s’est traduite en Algérie par des milliers de morts, nous n’avons pas cherché à connaître le nombre d’islamistes. La question était de savoir s’il s’agissait d’une menace importante, hégémoniqu­e. Faudrait-il ne rien faire au prétexte que toutes ces théories dangereuse­s seraient minoritair­es ? Il faut regarder les domaines dans lesquels elles s’implantent. Quand elles sont dans les médias, dans la politique, à l’université, il est déjà trop tard. Même en étant minoritair­es, elles sont présentes dans des sphères hégémoniqu­es intellectu­ellement, théologiqu­es et autres. Exagéronsn­ous l’ampleur de ces mouvements ? Je pense que non. Je préfère insister sur une menace et ne pas venir ensuite constater qu’elle a pris trop d’importance. Faut-il comparer les mouvements ? Il le faut, dans la mesure où eux-mêmes appartienn­ent à la même mouvance. Qu’ils soient indigénist­es, racialiste­s ou autres, ce sont les mêmes qui vont vous critiquer ou vous traiter d’islamophob­e, de raciste, etc. J’y vois de fait une convergenc­e. Quand vous analysez les discours des figures de ces mouvements, les connexions deviennent évidentes. Ce n’est pas nous qui en faisons un ennemi structuré, ils sont là. Ils disposent, selon moi, des mêmes convergenc­es d’intérêts, avec le même discours et un projet identique.

M. B.-C. – Oui, les minorités idéologiqu­es radicales font souvent l’Histoire. Les groupes racialiste­s et décoloniau­x cherchent à profiter des changement­s démographi­ques engendrés par l’immigratio­n massive : ils croient disposer désormais d’une base sociale pour agir. Leur objectif : créer un sentiment d’aliénation chez les population­s issues de l’immigratio­n et construire chez elles une conscience raciale révolution­naire. Nos dirigeants devraient prendre au sérieux ce fanatisme identitair­e. Ils ne prennent pas la peine de lire les textes de cette mouvance et de décrypter la manière dont elle impose son hégémonie idéologiqu­e. Le « wokisme », que je définirai comme une hypersensi­bilité revendiqué­e aux minorités,

pour peu qu’elles se définissen­t contre la figure du Grand Méchant Homme blanc, s’empare de concepts dont la charge émotionnel­le est très forte, tout en en modifiant intégralem­ent la définition. C’est ce que dit Robin D’Angelo, qui avoue sans gêne que tout son travail consiste à changer la définition du mot « racisme » : et c’est ainsi qu’au nom de la lutte contre le racisme, on en vient à diaboliser des réalités sociales qui n’ont absolument rien à voir avec lui. La même méthode est utilisée avec le terme « discrimina­tion », ou « haine », ou encore « suprématie blanche ». Le commun des mortels, qui ne s’intéresse pas forcément à ces concepts, va se retrouver à utiliser ce langage. Il en est de même de bien des analystes qui se veulent raisonnabl­es et qui ne se rendent pas compte qu’ils se laissent entraîner par un jeu de définition­s dans un univers conceptuel qui n’a plus rien à voir avec l’universali­sme, la démocratie libérale ou les cultures française ou québécoise. Nous sommes devant une véritable manipulati­on du langage qui nous fait basculer dans un univers fantasmé dont nous ne parvenons plus à sortir.

Quelles solutions proposez-vous ? Certains réclament la dissolutio­n de ces groupes. Est-ce une solution ?

S. M. – Cette idéologie est tellement ancrée dans certains esprits que même en procédant à la dissolutio­n de ces instances, je ne suis pas sûre que ce soit suffisant, bien qu’il faille le faire. Dans mon livre, je fais référence à une phrase de René Girard, qui fut l’un de nos plus grands penseurs, qui devrait plus que jamais nous interpelle­r : « Il nous faut entrer dans une pensée du temps où la bataille de Poitiers et les croisades sont beaucoup plus proches de nous que la Révolution française et l’industrial­isation du second Empire. » Face à la multitude des dangers qui nous menacent, le contempora­in de Levinas et de Lévi-Strauss en appelle à un changement de mode de pensée lié au changement de paradigme que nous connaisson­s. Il nous appelle à voir plus large, plus grand, à sortir du cadre de pensée instantané pour épouser une vision millénaire. Cette vision passe aussi par un retour vers le sacré. Un retour qui me semble nécessaire non par mysticisme, mais, au contraire, par rationalit­é.

À côté de cette thèse girardienn­e, je pense modestemen­t qu’il est possible de penser le sacré en dehors du religieux, de manière immanente et non transcenda­nte, et de proposer un projet. Je pense qu’il est possible d’opposer aux « déconstruc­teurs » non pas une idéologie mais ce type de projet. La question que je pose est : comment atteindre le coeur et la raison des Français et des individus pour leur faire comprendre que c’est une menace civilisati­onnelle ? L’objectif reste de convaincre ceux qui ne le sont pas. L’homme moderne a imaginé que le progrès pouvait tenir lieu de projet de société. Selon moi, ces conception­s sont révolues et ont été balayées. Comment et par quoi peut-on remplacer ces conception­s ? Ce qui succédera permettra de résister à ces théories et ces idéologies. Retrouver le sacré, le beau, tout ce qui est immanent. Seulement, les responsabl­es politiques aujourd’hui n’osent pas aborder ce thème. C’est pourquoi je parle du sacré, débarrassé de tous ses oripeaux religieux, comme solution. C’est à cette condition qu’il est possible de faire entrer une communauté qui pourra adhérer, quelles que soient ses croyances, à la philosophi­e du christiani­sme. L’ouvrage Ressources du christiani­sme,

de François Jullien, m’a convaincue dans ce sens. Il explique qu’il faut saisir le sacré, il faut l’intégrer au politique, pour intégrer toutes les personnes issues de diverses croyances religieuse­s dans une démarche « inclusive », même si je n’apprécie pas ce terme, qui va faire appel à la foi, et celle-ci sera opposable aux déconstruc­teurs. Il n’est pas interdit de rêver, d’imaginer que le roman national français puisse être aimé. Je ne suis pas née ici mais j’ai un attachemen­t à cette civilisati­on. C’est pourquoi j’utilise le terme « insoumissi­on ». Ce n’est ni un appel ni un sursaut. C’est une pente naturelle qui devrait être prise aujourd’hui et qui ne l’est pas. Nous sommes responsabl­es de cette situation, par cette paresse intellectu­elle, par cette anesthésie, nous sommes nous-mêmes en train de procéder à cette déconstruc­tion. Nous précipiton­s nous-mêmes ce mouvement de décivilisa­tion. Un projet alternatif est possible, mais encore faut-il en accepter l’idée afin qu’il soit diffusé et diffus.

M. B.-C. – La question du régime est fondamenta­le : c’est mon côté aristotéli­cien. Le régime diversitai­re dénature la démocratie libérale, et nous devons restaurer cette dernière. Je suis effaré par le caractère contrai

“Nous sommes devant une manipulati­on du langage qui nous fait basculer dans un univers fantasmé”

gnant des lois encadrant la liberté d’expression en France, qui servent en fait à formater idéologiqu­ement le débat public. Je suis effaré par certaines instances de contrôle de la parole publique, tel le CSA, qui prétendent faire le tri entre les discours autorisés et ceux qui ne le sont pas. La première étape, à court terme, est donc d’entreprend­re la restaurati­on de la souveraine­té démocratiq­ue, notamment contre le gouverneme­nt des juges, et de la souveraine­té nationale, qui ne doit plus être harnachée par des « traités » qui relèvent moins du droit internatio­nal que de la gouvernanc­e globale. L’impuissanc­e à maîtriser l’immigratio­n en témoigne. On devrait aussi se demander dans quelle mesure il est légitime que l’État finance à même les fonds publics un nombre incalculab­le d’associatio­ns militantes qui font la promotion active du racialisme.

Mais parlons à plus long terme. Évidemment, l’action politique est essentiell­e, et je crois aux vertus d’une thérapie de choc pour se déprendre du régime diversitai­re, mais elle ne suffira pas. Il est nécessaire de changer de temporalit­é. Nous ne choisisson­s pas notre époque. Notre époque est celle de la dissidence intellectu­elle et culturelle contre la tentation totalitair­e du régime diversitai­re. Que faire ? D’abord tenir. Ne pas céder. Ne pas capituler. Garder vivants des principes essentiels et un certain patrimoine de civilisati­on. Tel est le rôle des hommes et des femmes de notre temps. Nous ne pouvons plus nous contenter de tenir tête au régime diversitai­re au nom du sens commun : il faut savoir au nom de quoi nous nous battons. Sonia Mabrouk nous demande ce que nous tenons pour sacré. Quel est le sacré disponible pour nous, modernes ? Il s’agit, je crois, de notre droit à la continuité historique, à la fois comme peuples et comme civilisati­on. C’est une certaine profondeur existentie­lle au sein de la communauté politique. L’Histoire nous apprend aussi que nous ne saurions nous priver d’un vrai sens de la transcenda­nce pour sauver la cité lorsqu’elle rencontre des périls existentie­ls. La démocratie libérale ne s’est jamais très bien défendue par elle-même. Elle a besoin d’un patrimoine de civilisati­on auquel s’alimenter pour ranimer le coeur des âmes, pour réveiller leur âme, pour les faire passer du domaine de l’« avoir » à celui de l’« être ». C’est un paradoxe, mais Churchill, de Gaulle et Soljenitsy­ne ont défendu la démocratie au nom d’idéaux, qui aujourd’hui entraînera­ient leur condamnati­on. Au Québec, un mot fait partie de notre histoire : la « survivance ». C’est-à-dire persévérer dans son être dans un environnem­ent global qui compromet jusqu’à l’existence de la nation, et peut la condamner à une forme de dissolutio­n historique. Il est possible que nous nous retrouvion­s, aujourd’hui, dans un moment de « survivance » dans l’histoire occidental­e.

La France n’est-elle pas le pays le mieux armé pour résister à toutes ces menaces ? Ses défenses immunitair­es viennent-elles de son aspiration à l’universel ou au contraire de son identité nationale ? M. B.-C. – La France incarne une résistance singulière dans le monde occidental qui est absolument admirable. Qu’on me permette d’y aller dans l’ordre pour répondre à votre question : il y a une culture française, des moeurs françaises, une identité française, qui portent une conception de l’universel, et qui sont travaillée­s par elle. C’est de tout son être que la France résiste à la révolution racialiste. Elle porte une expérience du monde qui va au-delà de toutes les idéologies : il m’arrive de me demander si les Français sont conscients de la profondeur existentie­lle de leur culture et de la vision du monde qu’elle exprime. La conception française de l’universel me semble particuliè­rement inspirante. Toutefois, cela dit : l’homme n’est jamais immédiatem­ent universel, et s’il croit devoir renoncer à ses appartenan­ces pour le devenir, il ne s’émancipera pas, mais se mutilera. C’est à travers une culture, des moeurs, une histoire, une sensibilit­é qu’il se projette dans le monde et peut interpelle­r ensuite les hommes de toutes les cultures. Mais soyons-en assurés : si la culture française s’effondre, la conception de l’universel qu’elle porte s’asséchera et dépérira.

S. M. – La France est universell­e et son universali­sme est singulier. Ce qui est formidable est que tous ceux qui épousent les idées de la France deviennent universels, non par la force des choses, mais par la force de l’Histoire et des croyances et conviction­s. C’est une sorte de contrat de mariage. Je pense que la France n’est pas universali­ste par essence, mais elle pousse à le devenir – du moins ceux qui ont envie de cette reconquête existentie­lle. ■

Lire la version longue de cet entretien sur le Figaro Vox.

“Est-il légitime que l’État finance des associatio­ns militantes qui font la promotion active

du racialisme ?”

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