DE GRANDS FAUVES EN CRAVATE
Ceux qui doutent de l’utilité des patrons devraient lire le livre de Christophe Labarde, ancien grand reporter au Figaro. On y découvre comment une poignée d’hommes a bâti, en l’espace d’un quart de siècle, le capitalisme français tel que nous le connaissons aujourd’hui. Au coeur du récit : Claude Bébéar, dont Christophe Labarde conte avec force détails et anecdotes l’incroyable ascension dans les années 1980. L’ancien patron d’Axa, aux origines modestes, ne s’est pas contenté de bâtir un groupe devenu le leader mondial du secteur des assurances ; il a aussi su s’imposer comme un véritable « parrain » auprès de ses pairs. Un chef de meute, même, qui tirait les ficelles du capitalisme, faisait et défaisait les alliances, toujours au coeur des manoeuvres, des confidences et des OPA. En 1984, il créait Entreprise et Cité. Un club informel qui allait rassembler les « grands fauves » de l’économie française, ceux qui, animés par un désir de conquête hors du commun, allaient bâtir pierre par pierre nos champions nationaux, véritables pépites de notre économie. Bernard Arnault, Vincent Bolloré, David de Rothschild, Michel Pébereau, Serge Kampf, Henri Lachmann, Didier Pineau-Valencienne, Jean-René Fourtou, Thierry Breton…
Claude Bébéar avait choisi les meilleurs pour s’asseoir autour de la table. Car le rituel était imposé : la bande de copains se réunissait à intervalles réguliers autour d’un bon repas et de vins fins. Bébéar présidait. « La convivialité était l’une des clés de ces rencontres. Sous leurs airs décontractés, certains patrons d’aujourd’hui y sont sans doute beaucoup moins attachés », s’amuse Christophe Labarde. Ambiance Chevaliers de la Table ronde, donc. Ou Tontons flingueurs, parfois. Mais tous avaient une noble ambition : élargir leur influence au-delà de la seule sphère des affaires et de leurs entreprises, réfléchir au devenir de la cité et éclairer les décisions de ceux qui nous gouvernent… C’est peut-être cette intelligence du monde et de la société qui faisait de ces fauves cravatés de véritables grands patrons.
Les Grands Fauves, de christophe Labarde, Plon, 516 p., 22 €