QUARANTE-QUATRE ANS DE RÉFLEXION
★★★★ Billy Wilder et moi, de Jonathan Coe, Gallimard, 300 p., 22 €. Traduit de l’anglais par Marguerite Capelle.
En 1976, une jeune Grecque, Calista, entreprend un voyage aux États-Unis et se retrouve par hasard invitée à la table de Billy Wilder en personne, dans le restaurant de Los Angeles qui lui appartient. La mère de Calista est anglaise, elle est parfaitement bilingue. Wilder souhaite tourner un film, Fedora, sur une île grecque. Il apprécie la jeune fille qui se retrouve embauchée comme interprète sur le tournage, puis comme assistante personnelle de son coscénariste et ami intime, Iz Diamond. Le génial créateur de Boulevard du Crépuscule, Sept ans de réflexion, Assurance sur la mort ou La Garçonnière, qui vénère Lubitsch, n’a plus la cote : les
« barbus », comme il les surnomme, sont arrivés : Scorsese, Coppola, et Spielberg qui a décroché la timbale avec une histoire de requin. Les studios refusent donc le projet Fedora qui sera financé par d’obscurs investisseurs allemands. Le tournage se fait péniblement, puis Calista découvre que Wilder, juif autrichien, est obsédé par la Shoah : il a perdu sa mère, sa grandmère et son beau-père. « Si le film marche, j’aurai ma revanche sur Hollywood, s’il échoue, j’aurai ma revanche sur Auschwitz. » En 2020, elle se souvient. À 57 ans, elle est désormais une compositrice de musique de films à qui on n’a passé aucune commande depuis des années : Calista est périmée comme Wilder en 1977. L’une de ses jumelles est partie en Australie, l’autre va se faire avorter. Évocation extraordinaire du 7e art et de l’un de ses plus grands maîtres, Billy Wilder et moi est aussi une réflexion bouleversante sur le temps qui file. Jonathan Coe se surpasse.