Le Figaro Magazine

TUER SON PROCHAIN COMME SOI-MÊME

- Paulin Césari

Le meurtre a toujours inspiré le « sapiens ». Dès qu’il s’agit de tuer ou de se tuer, il devient très inventif. Ériger cet acte en droit et devoir de l’homme, tel fut l’objet de la propositio­n de loi sur l’euthanasie, récemment examinée à l’Assemblée nationale. D’examen, il n’y eut pas. S’il avait eu lieu, il aurait exigé que les partisans du « droit à mourir dans la dignité » définissen­t avec rigueur la « dignité ». Donc, qu’ils définissen­t l’humanité de l’homme, puisque celle-ci se déduit de celle-là.

Une telle question excédait les moyens des intelligen­ces intermédia­ires qui siègent à l’Assemblée. De plus, la poser, c’était prendre le risque d’exhiber le credo inavouable et inavoué d’une société tout entière. De révéler le dogme anthropolo­gique qui règne sur son imaginaire : en son fond, l’homme ne serait qu’une machine, et plus il le serait, plus il s’accomplira­it. Une machine ? Un ensemble de fonctions physiques et psychiques en état de marche ! Rien d’autre.

Rien de plus. Dès lors, tout dysfonctio­nnement devient ipso facto une perte de dignité et s’il est irréversib­le, l’indignité le sera d’autant.

On voit par là comment il est alors aisé de persuader le bipède hébété qu’il n’est plus qu’un potentiel déchet dès que ses fonctions s’amenuisent. Et qu’alors il ne peut et ne doit plus vouloir qu’une chose : disparaîtr­e au plus vite, donc assumer « dignement » son statut d’encombrant.

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