TUER SON PROCHAIN COMME SOI-MÊME
Le meurtre a toujours inspiré le « sapiens ». Dès qu’il s’agit de tuer ou de se tuer, il devient très inventif. Ériger cet acte en droit et devoir de l’homme, tel fut l’objet de la proposition de loi sur l’euthanasie, récemment examinée à l’Assemblée nationale. D’examen, il n’y eut pas. S’il avait eu lieu, il aurait exigé que les partisans du « droit à mourir dans la dignité » définissent avec rigueur la « dignité ». Donc, qu’ils définissent l’humanité de l’homme, puisque celle-ci se déduit de celle-là.
Une telle question excédait les moyens des intelligences intermédiaires qui siègent à l’Assemblée. De plus, la poser, c’était prendre le risque d’exhiber le credo inavouable et inavoué d’une société tout entière. De révéler le dogme anthropologique qui règne sur son imaginaire : en son fond, l’homme ne serait qu’une machine, et plus il le serait, plus il s’accomplirait. Une machine ? Un ensemble de fonctions physiques et psychiques en état de marche ! Rien d’autre.
Rien de plus. Dès lors, tout dysfonctionnement devient ipso facto une perte de dignité et s’il est irréversible, l’indignité le sera d’autant.
On voit par là comment il est alors aisé de persuader le bipède hébété qu’il n’est plus qu’un potentiel déchet dès que ses fonctions s’amenuisent. Et qu’alors il ne peut et ne doit plus vouloir qu’une chose : disparaître au plus vite, donc assumer « dignement » son statut d’encombrant.