Un BILAn CARBOnE AU SOMMET
Des entreprises s’attachent à donner l’exemple en réduisant aussi l’empreinte écologique de leurs cadres dirigeants.
Pour EY, tout a commencé en 2019 après l’intervention de trois étudiants, porte-parole du Manifeste pour un réveil écologique, devant les 347 associés du cabinet d’audit et de conseil. Dans la foulée, le séminaire annuel a réuni une soixantaine d’entre eux autour de l’atelier « environnement-climat ». « Cela a permis d’accélérer notre prise de conscience qu’EY devait aussi apporter sa propre contribution, au-delà de toute l’expertise mise au service de nos clients », commente Éric Fourel, président d’EY en France. Un plan d’actions, présenté au comité exécutif, a commencé à être appliqué en 2020. La politique de déplacements professionnels est le premier levier : l’usage du train doit être privilégié pour tout trajet de moins de quatre heures. Cette recommandation sera bientôt la règle dans une entreprise dont 86 % du bilan carbone est lié aux déplacements professionnels. « Une communication spécifique et répétée, afin que chacun se l’approprie, a été mise sur les rails. »
Si elle n’a rien d’obligatoire, la démarche relève d’une tendance de fond. Un nombre croissant d’entreprises met en avant le bilan carbone de ses dirigeants. C’est le moyen de souligner leur engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le moyen d’appuyer avec des actions concrètes une politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises). La pandémie a contribué à favoriser ce type d’initiative : les cadres de haut niveau ont troqué bien des déplacements professionnels contre des visioconférences qui se révèlent tout aussi efficaces. Or, les transports, notamment aériens, pèsent lourd dans l’empreinte écologique. Chez EDF, des modules de RSE font désormais partie des formations obligatoires pour les dirigeants. Ceux-ci, comme tous les salariés, sont invités à obtenir leur passeport neutralité carbone créé par le groupe. Il s’agit de mesurer son empreinte quotidienne – au travail comme à la maison. Ce passeport rentre en compte dans le calcul de l’intéressement. Depuis 2010, 15 % de la rémunération variable des managers reposent sur les engagements RSE du groupe. Trois critères, adossés à des objectifs mesurables, ont été définis : la baisse des émissions de CO2, la sécurité des équipes (avec le taux de fréquence d’accidents du travail) et le bien-être au travail (quantifié par l’enquête annuelle menée par le groupe). Toujours chez EDF, depuis 2020, les véhicules de fonction sont tous hybrides ou électriques. Les modèles diesel ont été retirés des catalogues en 2017.
Par ailleurs, les 165 000 collaborateurs sont sensibilisés aux impacts du réchauffement à travers un atelier baptisé « Fresque du climat » qui vise à leur apporter un certain nombre de clés de compréhension.
L’idée pour tous ces groupes attachés aux gestes écologiques de leurs dirigeants est de monter en puissance sur ces sujets. En France, après l’établissement d’un bilan carbone personnalisé, EY demande cette année à chaque associé d’établir individuellement son propre objectif de réduction d’émissions de CO2. « L’objectif est d’y aller progressivement mais que chacun puisse quantifier ces efforts à venir. »
« Dans le cas d’un groupe industriel, c’est anecdotique, souligne l’avocat Guillaume Hannotin. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un excellent moyen de fédérer les salariés, de séduire les clients et de partager une vision avec les actionnaires. » Publiera-t-on un jour le bilan carbone des dirigeants comme on le fait de leur rémunération dans les entreprises cotées ? « Pour l’instant, rien n’est obligatoire, dit Guillaume Hannotin. Aussi, l’autodiscipline de certains dirigeants leur permet de prendre leurs marques le jour où… Mais si vous prétendez combattre le réchauffement dans votre entreprise, vous devez aussi le faire dans votre sphère privée pour ne pas être pris en flagrant délit de contradiction. » ■