LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Accusé de sédition par le roi Abdallah II, le prince Hamza, son demi-frère cadet, a été placé sous surveillance une semaine avant le centenaire de la monarchie. Des tensions qui révèlent la fragilité du royaume hachémite.
1 UN ÉTAT DE CONSTRUCTION RÉCENTE
La Jordanie actuelle est fille de la Grande Guerre. en effet, l’« émirat hachémite de transjordanie » a été créé en 1921 suite à un accord passé entre Londres et les princes arabes de la dynastie éponyme en échange de leur révolte armée contre les ottomans pendant le premier conflit mondial. Placé sous protectorat britannique jusqu’en 1946, il devient ensuite indépendant sous le nom de royaume hachémite de transjordanie. après la guerre israélo-arabe de 1948-1949 et les gains territoriaux obtenus (la cisjordanie et Jérusalem-est), il se rebaptise royaume hachémite de Jordanie, dénomination toujours en vigueur aujourd’hui. La victoire israélienne de 1967 ramène pourtant ses frontières de l’autre côté du Jourdain et le chasse de la Ville sainte ; 300 000 réfugiés palestiniens s’installent alors dans le petit royaume, qui se transforme en base arrière pour les fedayins de l’organisation de libération de la Palestine (oLP). inquiet pour la souveraineté et l’intégrité de son pays, le roi Hussein déclenche l’opération « septembre noir » en 1970 et expulse l’oLP, laquelle choisira le Liban comme nouveau sanctuaire.
2 AU CENTRE DES FRACTURES RÉGIONALES
« Tout État fait la politique de sa géographie », affirmait napoléon ier. c’est encore plus vrai dans le Procheorient compliqué. La Jordanie contemporaine se situe au carrefour des tensions qui fracturent la région et en font une véritable poudrière. Qu’on en juge : à l’ouest, israël et la Palestine ; à l’est, l’irak ; au nord, la syrie ; au sud, l’arabie saoudite. difficile d’imaginer un voisinage plus encombrant. soucieuse de sa sécurité, notamment grâce au parapluie américain et au soutien de l’occident, la monarchie jordanienne ne peut toutefois rester complètement indifférente aux convulsions de son entourage proche. c’est ainsi qu’elle accueille actuellement 2 millions de réfugiés syriens et autant de réfugiés palestiniens. effectifs qui représentent 40 % de sa population ! en plaçant en résidence surveillée son demi-frère cadet, le prince Hamza, le roi abdallah ii ne l’a pas seulement accusé d’un « complot maléfique » mais il a aussi cité les manigances d’un « acteur extérieur » jamais nommé (le Mossad ou les services saoudiens ?). il est toujours plus facile de désigner un bouc émissaire que de procéder à un mea culpa…
3 UNE STABILITÉ REMISE EN CAUSE
en vérité, la crise résultant du putsch supposé du prince Hamza et de plusieurs membres de la cour ne se résume pas à un « Game of thrones » levantin. derrière cette pseudorévolution de palais, qui serait instrumentalisée de l’extérieur, il y a aussi et surtout une hostilité grandissante à la gouvernance d’abdallah ii. une opposition incarnée par le prince Hamza, sosie frappant du défunt et aimé roi Hussein, dont il était le rejeton préféré. eût-il été plus âgé, c’est lui qui aurait succédé à son père en 1999, prétendent les chroniqueurs de la monarchie. conscient d’avoir un rival sérieux, abdallah ii lui a, du reste, prudemment retiré son titre de prince héritier en 2004. il est vrai que le sémillant Hamza ne ménage pas ses critiques du pouvoir, dénonçant en particulier la corruption et le népotisme. une musique qui séduit une population de moins en moins docile, touchée par la crise économique et une pandémie mal gérée. avec cette affaire, qui passionne les réseaux sociaux mais que les médias ont pour consigne de ne traiter qu’avec l’imprimatur royal, la « stabilité » tant vantée du royaume hachémite apparaît bien fragilisée.