Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Accusé de sédition par le roi Abdallah II, le prince Hamza, son demi-frère cadet, a été placé sous surveillan­ce une semaine avant le centenaire de la monarchie. Des tensions qui révèlent la fragilité du royaume hachémite.

- Par Jean-Louis Tremblais

1 UN ÉTAT DE CONSTRUCTI­ON RÉCENTE

La Jordanie actuelle est fille de la Grande Guerre. en effet, l’« émirat hachémite de transjorda­nie » a été créé en 1921 suite à un accord passé entre Londres et les princes arabes de la dynastie éponyme en échange de leur révolte armée contre les ottomans pendant le premier conflit mondial. Placé sous protectora­t britanniqu­e jusqu’en 1946, il devient ensuite indépendan­t sous le nom de royaume hachémite de transjorda­nie. après la guerre israélo-arabe de 1948-1949 et les gains territoria­ux obtenus (la cisjordani­e et Jérusalem-est), il se rebaptise royaume hachémite de Jordanie, dénominati­on toujours en vigueur aujourd’hui. La victoire israélienn­e de 1967 ramène pourtant ses frontières de l’autre côté du Jourdain et le chasse de la Ville sainte ; 300 000 réfugiés palestinie­ns s’installent alors dans le petit royaume, qui se transforme en base arrière pour les fedayins de l’organisati­on de libération de la Palestine (oLP). inquiet pour la souveraine­té et l’intégrité de son pays, le roi Hussein déclenche l’opération « septembre noir » en 1970 et expulse l’oLP, laquelle choisira le Liban comme nouveau sanctuaire.

2 AU CENTRE DES FRACTURES RÉGIONALES

« Tout État fait la politique de sa géographie », affirmait napoléon ier. c’est encore plus vrai dans le Procheorie­nt compliqué. La Jordanie contempora­ine se situe au carrefour des tensions qui fracturent la région et en font une véritable poudrière. Qu’on en juge : à l’ouest, israël et la Palestine ; à l’est, l’irak ; au nord, la syrie ; au sud, l’arabie saoudite. difficile d’imaginer un voisinage plus encombrant. soucieuse de sa sécurité, notamment grâce au parapluie américain et au soutien de l’occident, la monarchie jordanienn­e ne peut toutefois rester complèteme­nt indifféren­te aux convulsion­s de son entourage proche. c’est ainsi qu’elle accueille actuelleme­nt 2 millions de réfugiés syriens et autant de réfugiés palestinie­ns. effectifs qui représente­nt 40 % de sa population ! en plaçant en résidence surveillée son demi-frère cadet, le prince Hamza, le roi abdallah ii ne l’a pas seulement accusé d’un « complot maléfique » mais il a aussi cité les manigances d’un « acteur extérieur » jamais nommé (le Mossad ou les services saoudiens ?). il est toujours plus facile de désigner un bouc émissaire que de procéder à un mea culpa…

3 UNE STABILITÉ REMISE EN CAUSE

en vérité, la crise résultant du putsch supposé du prince Hamza et de plusieurs membres de la cour ne se résume pas à un « Game of thrones » levantin. derrière cette pseudorévo­lution de palais, qui serait instrument­alisée de l’extérieur, il y a aussi et surtout une hostilité grandissan­te à la gouvernanc­e d’abdallah ii. une opposition incarnée par le prince Hamza, sosie frappant du défunt et aimé roi Hussein, dont il était le rejeton préféré. eût-il été plus âgé, c’est lui qui aurait succédé à son père en 1999, prétendent les chroniqueu­rs de la monarchie. conscient d’avoir un rival sérieux, abdallah ii lui a, du reste, prudemment retiré son titre de prince héritier en 2004. il est vrai que le sémillant Hamza ne ménage pas ses critiques du pouvoir, dénonçant en particulie­r la corruption et le népotisme. une musique qui séduit une population de moins en moins docile, touchée par la crise économique et une pandémie mal gérée. avec cette affaire, qui passionne les réseaux sociaux mais que les médias ont pour consigne de ne traiter qu’avec l’imprimatur royal, la « stabilité » tant vantée du royaume hachémite apparaît bien fragilisée.

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