LA PAGE HISTOIRE de Jean Sévillia
Banalisée, l’accusation de fascisme devient vide de sens. Qu’est-ce que le fascisme ? Réponse d’un universitaire américain.
Alors que le régime mussolinien et le national-socialisme ont disparu en 1945, l’étiquette « fasciste » est accolée à toutes sortes de mouvements et de personnalités, perpétuant un antifascisme dont l’objet est fluctuant. Paul Gottfried, un professeur américain qui a enseigné les sciences politiques à l’université elizabethtown, publie à cet égard une synthèse éclairante sur le concept de fascisme. Historiquement, rappelle-t-il, le fascisme mussolinien, inventeur du mot et de la chose, se différencie assez substantiellement du système hitlérien. Les deux régimes, néanmoins, présentent de fortes parentés : prise du pouvoir dans des nations d’unité politique récente par un chef d’origine modeste, qui use de la violence verbale et physique et s’appuie sur un parti unique à sa botte afin de contrôler toute la société dans une perspective totalitaire. Le fascisme, au sens générique, se sert du communisme comme repoussoir, mais la réciproque est vraie et devient une stratégie quand, à partir de 19341935, les partis communistes reçoivent consigne de Moscou de s’allier aux socialistes afin de contrer le fascismenazisme, stratégie levée de 1939 à 1941 lors de l’alliance germano-soviétique, puis reprise au temps de la guerre froide, quand la propagande communiste qualifiait tout antisoviétique de fasciste. Gottfried passe en revue les grands analystes du fascisme (concernant la France, malheureusement, ses connaissances sont parfois floues) en replaçant leur point de vue dans le contexte politique et culturel des pays occidentaux depuis les années 1950. L’auteur montre que la gauche a utilisé l’antifascisme comme un paravent qui lui a permis de stigmatiser des courants de pensée et des tendances appartenant à la droite ou à des courants conservateurs, mais n’ayant rien à voir avec le fascisme. Ce mécanisme d’intimidation a été efficace, car nul n’a envie d’être comparé ou assimilé à Hitler, mais il relève du terrorisme intellectuel. savoir identifier le fascisme dans sa nature véritable, qui contient une part d’esprit révolutionnaire, est donc nécessaire pour déjouer la manipulation des mots et des concepts à travers laquelle certains cherchent à imposer leur idéologie progressiste.
Fascisme, histoire d’un concept, de Paul Gottfried,
L’Artilleur, 462 p., 23 €.