LES RÊVERIES D’UN GOUROU SOLITAIRE
Soyez maudit » ! Cet anathème fut jeté par Jean-Luc Mélenchon lors d’un discours clôturant une manifestation contre la réforme des retraites. Cette imprécation crypto-religieuse ne laisse pas que de surprendre. À quelles forces obscures notre Savonarole d’un jour pensait-il ainsi faire appel ? À celles, transcendantes, d’une divine Providence qui viendrait châtier la réaction satanique en soutenant l’angélique pureté progressiste de ses légions d’élus ? Pour que cela soit, il faudrait supposer l’existence d’une divinité convertie au marxisme après lecture du Capital. Il est permis d’en douter. Mais alors, quelle serait la nature des esprits ici invoqués ? S’agirait-il de puissances chtoniennes immanentes à la matière qui viendraient l’animer d’intentions vengeresses et d’une soif inextinguible de justice mondaine ? Si tel était le cas, il y aurait donc des âmes sises au coeur de la nature, des êtres, des choses, des marchandises. Des esprits moteurs qui, correctement invoqués, pourraient se plier à tous nos désirs.
Une telle fétichisation du monde dérouterait tout marxiste conséquent. Mais pas Mélenchon. Tel un marabout emporté par sa transe insoumise, il conclura son appel au peuple par un ahurissant : « À bas la mort ! » Improbation qui, pour un matérialiste convaincu, n’a ni plus ni moins de sens qu’un cercle carré. Épicure en son temps l’avait démontré :
« La mort n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc la mort n’existe ni pour les vivants ni pour les morts. »