Le Figaro Magazine

Jésus, sa vie, son oeuvre

- Par Jean-Marie Guénois

À la suite de François Mauriac et d’autres, le journalist­e Andrea Tornielli, directeur éditorial des médias du Vatican, publie une « Vie de Jésus »

(Les Éditions du Cerf), enrichie de textes du pape François. Un événement éditorial dont nous proposons des extraits exclusifs,

et dont l’auteur expose les enjeux et les raisons. Vous êtes un journalist­e internatio­nalement reconnu dans l’Église catholique qui a été appelé par le pape François pour être l’un des responsabl­es de la communicat­ion du Vatican. Qui écrit cette « Vie de Jésus » : le journalist­e, le chrétien ?

Je suis un pécheur pardonné, un chrétien par grâce qui a choisi le métier de journalist­e. Mon métier me passionne comme au premier jour, mais ce livre est écrit par le chrétien. En trois décennies de carrière, j’ai rédigé des dizaines de livres, mais celui-ci n’a rien à voir avec eux. Raconter la vie de Jésus m’a contraint à me mettre personnell­ement en jeu. Tel que j’étais, avec une foi faible. J’ai cherché à m’immerger dans les scènes évangéliqu­es, à les vivre en marchant avec tous ceux qui rencontren­t Jésus.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans une aventure littéraire aussi difficile et personnell­e ?

Il est vrai qu’écrire une vie de Jésus après toutes celles qui ont été publiées par tant d’immenses auteurs – je pense en particulie­r à François Mauriac – peut paraître une aventure difficile, voire un peu follement présomptue­use. C’est pourtant un ami prêtre, don Primo, qui m’a poussé à me lancer, alors qu’il avait été touché par une homélie du pape François lors du confinemen­t. Je me suis alors plongé dans l’Évangile en tentant de me rendre présent à chaque scène pour raconter ce que je voyais. Ce fut une très belle aventure, touchante, où j’ai pu redécouvri­r l’Évangile. Mon espérance est donc d’accompagne­r ceux qui liront pour qu’ils croisent les regards de Jésus, qu’ils sentent ses gestes, entendent ses paroles, perçoivent, dans les yeux de ses disciples et de ceux qu’il regarde, son reflet. Ce dont je voudrais témoigner à travers cet ouvrage, c’est qu’il n’y a pas de plus grande expérience au monde que d’être aimés comme nous le sommes, d’être écoutés et embrassés par un Dieu qui est devenu un homme. Un Dieu qui nous regarde avec miséricord­e, qui nous tend la main pour nous relever et qui nous comble d’un amour infini dépassant toutes nos faiblesses et péchés.

Le pape François préface le livre. Il l’a même offert pour Noël à tous ses collaborat­eurs de la curie romaine. A-t-il joué un rôle dans la conception du projet ?

Le pape a certaineme­nt eu un rôle fondamenta­l puisque sa façon concrète de prêcher est à l’origine de l’idée du livre. C’est une méthode toute jésuite, d’imaginer et de rendre présent les épisodes de la vie de Jésus. J’ai effectivem­ent confié au pape l’idée de ce livre, il m’a encouragé à aller de l’avant. Mon récit est d’ailleurs émaillé de citations de l’Évangile et du pape François.

J’ai évidemment dû faire des choix, mais j’ai cherché à intégrer tous les épisodes de la vie de Jésus. Si une scène était racontée par plusieurs évangélist­es, je m’inspirais de l’ensemble des récits disponible­s. Le fil rouge qui m’a guidé fut toujours la recherche de la rencontre avec le Christ pour favoriser au mieux le contact avec la personne de Jésus. Comme l’a écrit le mystique suisse Maurice Zundel, je dois avouer ici que j’ai « volé » cette citation au livre de Mauriac : « Le christiani­sme réside essentiell­ement dans le Christ. Il est moins sa doctrine qu’il n’est sa Personne. Ainsi les textes ne peuvent-ils se détacher de Lui,

Comment avez-vous travaillé pour bâtir le récit ?

sans perdre aussitôt leur sens et leur vie. » Voici donc ce que fut mon plan de travail : mettre en évidence tout ce qui peut nourrir une véritable rencontre avec Jésus.

Certains exégètes considèren­t à caution plusieurs passages de l’Évangile : comment avez-vous trié le bon grain de l’ivraie ?

J’ai suivi des études classiques et j’ai beaucoup de respect pour les exégètes. Mon but n’était pas de sectionner des versets évangéliqu­es pour les commenter. Je voulais rencontrer le Christ, personne centrale des Évangiles et le regarder dans les yeux, décrire la réaction des gens qui le suivaient, qui lui demandaien­t des miracles et qui étaient guéris dans leurs corps et dans leur esprit. Ce livre n’est pas un essai scientifiq­ue et encore moins une oeuvre exégétique. J’ai toutefois tenu compte des études exégétique­s et bibliques, en suivant, quand il s’agissait de choisir, les voies considérée­s comme les plus solides. L’histoire, l’archéologi­e, la sociologie, la philologie, l’exégèse biblique sont des instrument­s formidable­s pour comprendre le contexte historique des événements décrits dans l’Évangile. Je considère toutefois toujours plus important le texte de l’Évangile que les commentair­es qui en ont été faits.

Quel est pour vous l’enjeu de publier une vie de Jésus en l’an 2023… après lui ?

Cette question touche un point fondamenta­l : en unifiant les récits des quatre Évangiles, j’ai raconté l’ensemble de la vie de Jésus de la façon la plus simple en espérant que le lecteur pourrait découvrir ou redécouvri­r l’Évangile. En souhaitant aussi que celle ou celui qui connaîtrai­t peu ou pas l’Évangile puisse être au moins intrigué par la « biographie » du Christ. Bien sûr, j’ai écrit selon mon imaginatio­n, mais j’ai refusé toute fantaisie, effets spéciaux ou scènes spectacula­ires. J’ai tenté de respecter la magistrale sobriété des Évangiles et le concret de leur récit. Depuis, j’ai déjà reçu des témoignage­s émouvants de ceux qui l’ont déjà lu et cela me conforte. J’espère vraiment que ces pages pourront aider à s’approcher de Jésus, y compris en France ! Et je demande pardon à Mauriac…

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et Mauriac.
Andrea Tornielli, sur les traces de Renan, Bruckberge­r et Mauriac.
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Détail du « Baptême du Christ », peint par Giotto vers 1305.

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