PATRICK BESSON, LE SCANDALE HEBDOMADAIRE
Une décennie de chroniques du « Point » de Patrick Besson réunies en un volume : une très bonne affaire.
Les recueils d’articles ne se vendent pas. Je ne comprends pas pourquoi. Le livre rassemblant les chroniques du Point de Patrick besson est une excellente affaire. Faites le calcul. si vous aviez dû acheter Le Point chaque semaine, du 11 novembre 2010 au 17 décembre 2020, en arrondissant à 5 € le numéro, il vous en aurait coûté au moins 2 500 €. Or Est-ce ainsi que les hommes vivent ? est vendu 22,90 €, ce qui représente une économie de 2 477,10 €. On peut parler d’une aubaine ! D’autant que la relecture de ces textes procure des sensations multiples. sur le moment, on s’amusait, on se choquait parfois, on approuvait souvent, on s’agaçait tout le temps. Quand Franz-Olivier Giesbert a embauché Patrick besson pour une pleine page hebdomadaire, ce dernier a négocié une liberté totale. il faut dire qu’il venait de L’Idiot international. C’était un sacré pari pour un « news magazine » que d’engager un trublion pareil. il n’existe pas beaucoup d’éditoriaux aussi incontrôlés que celui de besson dans Le Point.
Certaines semaines, il en abuse : il dresse des listes, publie ses pensées de voyage, note tout ce qui lui passe par la tête, bref, se fout du monde, de façon assumée. sa page est la plus décalée de la presse française. Patrick besson raisonne en romancier et non en journaliste : l’actualité est ce qu’il décrète comme telle. Cela peut être une série télévisée, un bouquin acheté d’occasion, la liste (fictive) des candidats aux primaires du Parti socialiste, un délire sur Oussama ben Laden, une page sur la météo, une autre sur sa famille, des extraits d’un roman inédit (« Le sperme bleu »), un pastiche de plateau télé.
Ce qui fait l’intérêt de ces chroniques, c’est uniquement la liberté de leur auteur. besson impose sa subjectivité dans un environnement qui fait semblant d’être objectif. Or, l’objectivité n’existe pas. La littérature s’invite dans la presse pour énoncer ses quatre vérités, comme un invité bourré dans un dîner guindé. il y a toujours une phrase à retenir. Par exemple : « Le monde, c’est les femmes ; l’immonde, les hommes. » Ou bien : « Les jeunes vivent dans le futur, les vieux dans le présent et les imbéciles dans le souvenir. » On n’est pas forcément d’accord, mais besson fait toujours réagir. C’est une bonne idée, dans un journal comme dans un livre, d’écrire pour provoquer une réaction de colère, de joie ou de mélancolie. Les auteurs qui ne provoquent rien sont très majoritaires dans notre pays. Cela va devenir un problème. Que dis-je ? C’est déjà notre plus grave problème.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?,
Albin Michel, 473 p., 22,90 €.