LES GRANDS ENFANTS TRISTES
★★★ La Mémoire de nos rêves, de Quentin Charrier, Grasset, 314 p., 22 €.
Les années passent, les jeunesses changent de décennies. Il y a eu des romans plantés dans les années 1980 – par pitié, plus de livre sur les nuits au Palace –, désormais, ce sont les années 1990 qui émergent. Pour son entrée en littérature, Quentin Charrier plante son histoire entre aujourd’hui et hier, il y a plus de vingt ans. Simon, enseignant, apprend la mort sordide de Franck, son ancien meilleur ami. Simon est fils de médecin, Franck était à moitié gitan. Le premier est devenu sage, le second s’est lancé dans des deals peu honnêtes et est passé par la case prison. Ces deux-là ont passé leur jeunesse avec Clarisse, jeune fille sensible au père alcoolique. Simon l’a aimée et ne parvient pas à l’oublier même s’il aurait pu poursuivre sa vie avec elle, mais en a décidé autrement : « Clarisse était là. Rien ne l’effaçait, alors que leur liaison se résumait à quelques jours que l’on aurait pu compter sans effort : dix semaines de printemps, la cour du collège Guyde-Maupassant dilatée par la lumière et le bruit. » Simon appelle Clarisse pour lui apprendre la mort de leur vieil ami. Ensemble, ils partent à la rencontre de l’ancienne campagne de Franck, les souvenirs jaillissent, l’histoire multiplie les allers-retours entre les époques dans un style lumineux… Le premier roman de Quentin Charrier est d’une beauté poignante. Son titre, La Mémoire de nos rêves, évoque cette éternelle question : faut-il se souvenir de nos rêves ou est-il préférable de les effacer pour mieux continuer à vivre ? Le livre ne tranche pas, mais donne à réfléchir.