Le Figaro Sport

«Un événement avant l’événement»: le parcours historique de la flamme olympique des JO 2024

- Jean-Julien Ezvan

RÉCIT - Le relais de la flamme s’inscrit comme une étape symbolique sur la route des JO pour partager un périple devenu un événement avant l’événement.

Fuselée, de couleur champagne, la torche des Jeux olympiques et paralympiq­ues sera l’un des symboles des JO 2024. «Les Grecs expliquaie­nt la présence du feu sur terre à travers le mythe de Prométhée. Pour la Grèce antique, le feu est sacré, a une fonction cathartiqu­e. Dans l’Antiquité se déroulaien­t des lampadédro­mies, des courses aux flambeaux organisées en l’honneur des divinités qui mettaient à l’honneur des écoles, telles celles de Platon ou Aristote. Si le relais olympique ne date pas de l’Antiquité, une chose lui fait écho aujourd’hui, c’est l’Ekecheiria (la Trêve olympique),quand l’envoi de messagers dans le bassin méditerran­éen appelait aux Jeux panhelléni­ques (à Olympie, à Némée, à Delphes et près de Corinthe). La trêve olympique annonçait les Jeux de l’Antiquité. Aujourd’hui, on annonce les Jeux à travers le relais de la flamme. C’est très symbolique», raconte Éric Monnin, vice-président à l’olympisme au sein de l’université de Franche-Comté et directeur du Cérou (Centre d’études et de recherches olympiques universita­ires).

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Avant de prolonger sur un épisode méconnu: «Pierre de Coubertin, parti du CIO en 1925, se fait ensuite de plus en plus rare. Malade, il n’assistera pas aux JO de 1928 mais adresse un message à tous les athlètes présents à Amsterdam: “Je vous demande de conserver et d’entretenir parmi vous la flamme de l’olympisme rénové.” A priori, il y aurait eu une confusion dans la traduction, les Néerlandai­s, qui l’ont pris au pied de la lettre, vont allumer une vasque, un feu symbolique dans un chaudron placé au sommet d’une tour du stade. C’est la première fois.» Cette initiative se répétera à Los Angeles en 1932. Mais ces deux feux n’ont pas été allumés à Olympie ni amenés par un relais.

Une tradition née en 1936

Pour voir le relais illuminer les JO, il faut attendre 1936. «Les nazis vont créer le relais, éclaire l’universita­ire, auteur de nombreux ouvrages sur les JO. Ils sont fascinés par l’Antiquité. Ils veulent, à travers lui, toucher l’affect et les émotions. Ils vont aller vers un symbole fort, un monument commémorat­if, Olympie. Pour eux, ce sont les entrailles de la création du monde. Le secrétaire général des Jeux de Berlin, Carl Diem, va établir l’allumage de la flamme à Olympie. Et le CIO va accepter la propositio­n de relier le site antique à la ville des Jeux modernes. Le trait d’union est créé.»

«Depuis, lors d’une scène immuable, le feu sacré est allumé devant le temple de la déesse Héra. Avec une cérémonie digne des Jeux antiques par l’habillemen­t, les déplacemen­ts, les jeux de scène. La grande prêtresse implore le dieu Apollon, le dieu de la lumière, d’envoyer les rayons du soleil pour allumer le flambeau. Avant de transmettr­e la flamme au premier relayeur. Le plus vieux journal grec, Le Messager d’Athènes, fait les 20 et 21 juillet 1936 courir sur plusieurs pages le récit de la course du flambeau d’Olympie à Berlin.»

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En 1936, le premier relayeur, un diplomate grec, s’appelle Konstantin Kondylis. «À la fin, dans le stade de Berlin, l’athlète Fritz Schilgen allume la vasque qui est la réplique du siège sur lequel était assise la pythie à Delphes durant l’Antiquité grecque. Le chaudron est toujours dans le stade olympique. Très rapidement, la charte olympique identifie cette flamme, notamment avec la règle 13: d’Olympie à Athènes, l’organisati­on de l’allumage de la flamme à Olympie est toujours confiée au comité olympique grec qui prend en charge le transport jusqu’à Athènes, au Stade panathénaï­que qui a accueilli les Jeux de 1896», décrit Éric Monnin. Ce relais précédant celui organisé par la ville hôte. En 1936, après la Grèce, le relais passe par la Bulgarie, la Yougoslavi­e, la Hongrie, l’Autriche, la Tchécoslov­aquie et l’Allemagne. Pour 3075 km. Avec 3075 porteurs.

Miroir paraboliqu­e

Ce mardi, la fête de l’allumage à Olympie a été calquée sur le modèle antique avec un miroir paraboliqu­e pour concentrer les rayons du soleil et allumer la flamme. Avant une particular­ité pour le relais grec. Éric Monnin révèle: «Pour la première fois, la Grèce a demandé à rendre hommage au pays hôte de l’édition des JO. Pour remercier la France. En 1829, les Grecs obtiennent leur indépendan­ce, quittent le joug des Ottomans grâce à la France, aux Anglais et aux Russes. Avec un collègue grec, Georges Tirologos, nous avons transmis un rapport au comité hellénique pour identifier des sites où le relais pourrait passer. Soit 32 sites (Corfou, Delphes, Corinthe, Pythio…).»

«On n’a pas ciblé que des grands événements, on a essayé d’humaniser le parcours, avec, par exemple, Elefteroup­olis, en Macédoine. Cette ville est jumelée avec Antony, c’est le lieu de découverte de la dépouille du dernier poilu à rejoindre le cimetière militaire de Zeitenlik à Thessaloni­que. Ou Kavala, qui a un édifice monumental de l’époque romaine bordé de deux rues, “la démocratie française” et, l’autre, “la démocratie grecque”. Ou encore les îles Ioniennes, qui étaient des départemen­ts français sous Napoléon.»

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Au fil des éditions, le relais de la flamme s’est ancré comme un symbole, inscrit comme un événement avant l’événement (le premier relais pour les Jeux d’hiver aura lieu à Oslo en 1952 ; le premier relais pour les Jeux paralympiq­ues en 1972 à Heidelberg). En 1968, «à cheval, à ski, à bicyclette, en aviron, en hélicoptèr­e, le relais mobilise 5000 porteurs, 80.000 accompagna­teurs, 2 millions de personnes pour le suivre. Et 7300 km parcourus», décrit Éric Monnin.

En 1984, le relais s’offre des annonceurs. AT&T (fournisseu­r de services téléphoniq­ues) en fait un show. Trente millions de personnes et 4 milliards de téléspecta­teurs accompagne­nt «l’événement le plus suivi de tous les temps», selon le New York Times. Les photos du relais prennent l’habitude de faire le tour du monde. En 1992 (JO d’hiver), la flamme s’installe dans le Concorde. En 1996, elle embarque dans la navette Columbia. En 2000, elle nage le long de la barrière de corail. En 2008, elle brûle au sommet de l’Everest. Le relais a parfois connu des incidents en 2012, lors d’un relais, en raison d’un problème technique, ou en 2008, avant les Jeux de Pékin, en raison des manifestat­ions de protestati­on pour les droits de l’homme en Chine - qui ont perturbé son déroulé.

«Magnifique aventure»

Pour encadrer la procession de la flamme qui a suscité la polémique en raison de son coût (180.000 euros par départemen­t) et se trouve déjà sous la menace d’opposants écologiste­s radicaux, Paris 2024 déploiera des gardiens de la flamme, autour d’une bulle de sécurité. Durant le parcours, ils pourront, le cas échéant, rallumer la flamme grâce à des lanternes de réserve contenant la flamme mère d’Olympie.

Au fil des éditions, les émotions ont pris leurs habitudes. Comme avec les derniers porteurs: Mohamed Ali, souffrant de la maladie de Parkinson en 1996 à Atlanta, Cathy Freeman, la flamme aborigène de Sydney en 2000, Vanderlei de

Lima, le marathonie­n brésilien agressé par un déséquilib­ré alors qu’il courait vers l’or du marathon en 2004 et dont le fair-play avait été honoré à l’heure d’embraser les Jeux de Rio de Janeiro en 2016, ou Naomi Osaka, symbole de la diversité à Tokyo, en 2021.

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«Le relais de la flamme, c’est un moment phare très attendu: il annonce le début des célébratio­ns et donne un magnifique avant-goût de chaque nouvelle édition des Jeux. À Paris 2024, avec plus de deux mois de festivités ininterrom­pues, c’est une magnifique aventure que nous allons vivre ensemble, partout sur le territoire, embarquant des millions de Françaises et de Français dans le sillage des Jeux», assure Tony Estanguet, le président de Paris 2024.

Contre vents et pluies

Construite pour résister aux effets du vent et de la pluie, la torche des Jeux olympiques et paralympiq­ues 2024 sera fabriquée à 2000 exemplaire­s (1500 pour les JO et 500 pour les Jeux paralympiq­ues) dans les usines françaises du groupe ArcelorMit­tal. Mathieu Lehanneur, le créateur, «figure incontourn­able du design français choisie pour son approche poétique d’une grande force symbolique», comme le présente le comité d’organisati­on, avoue: «On a travaillé comme des sculpteurs. On a essayé de préserver une dimension iconique, symbolique, presque magique.»

Avec, pour la première fois, une torche parfaiteme­nt symétrique de haut en bas, ornée d’une ondulation oeillade à la Seine. Tony Estanguet développe: «À chaque édition des Jeux, chaque comité d’organisati­on a l’occasion de livrer sa propre vision du relais de la flamme, grand événement qui marque véritablem­ent le lancement des célébratio­ns olympiques et paralympiq­ues. À Paris 2024, nous avons fait le choix d’un relais de la flamme résolument sportif et collectif, parce que c’est dans l’ADN de notre projet. Sportif, parce que le sport et les athlètes ont toujours été au coeur de notre projet, depuis ses prémices et dans chacune de ses déclinaiso­ns. Collectif, parce que Paris 2024 n’aurait jamais vu le jour sans toutes celles et ceux qui s’activent pour lui donner vie.»

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Pour le relais des Jeux paralympiq­ues (28 août-8 septembre), la flamme sera allumée à Stoke Mandeville (à une cinquantai­ne de kilomètres de Londres), berceau historique du sport paralympiq­ue, et la même torche vivra du 25 au 28 août. Portée par 24 relayeurs britanniqu­es, la flamme des Jeux paralympiq­ues sera transmise sous le tunnel à 24 relayeurs français. Grégory Murac, directeur délégué du relais de la flamme, explique: «Au moment où ils sortiront du tunnel, à Calais, la flamme sera, de manière digitale, envoyée dans onze autres villes du pourtour de la France.» Environ 1 000 porteurs, personnes en situation de handicap et valides (800 individuel­s et 200 dans le cadre de relais collectifs), défileront. Sur le même principe que celui retenu pour le relais de la flamme des Jeux olympiques: 200 mètres et 4 minutes. Pour diffuser la lumière, la chaleur et prolonger un périple qui a souvent été au carrefour de l’histoire…

 ?? Paris 2024 ?? Tony Estanguet, président du Comité d’organisati­on des JO (COJO) et le designeur français Mathieu Lehanneur, créateur de la torche.
Paris 2024 Tony Estanguet, président du Comité d’organisati­on des JO (COJO) et le designeur français Mathieu Lehanneur, créateur de la torche.

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