JO Paris 2024 : face aux risques d’attentats, Emmanuel Macron joue la stratégie du «château fort»
DÉCRYPTAGE - Emmanuel Macron a dévoilé deux scénarios alternatifs en cas de crise majeure. Outre le Trocadéro, un repli au Stade de France est désormais officiellement envisagé.
La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris, qu’Emmanuel Macron veut grandiose et inédite dans l’histoire, pourrait réduire sa voilure en cas de crise sécuritaire majeure, de type attentat. Le sujet de scénarios alternatifs à la parade fluviale prévue le 26 juillet prochain, longtemps resté tabou pour ne pas contrarier le dessein présidentiel, est désormais sur la table. Cent jours avant que l’événement planétaire soit lancé sous le regard de 1 milliard de téléspectateurs, le chef de l’État a lui-même évoqué lundi sur BFMTVRMC l’hypothèse d’une parade d’athlètes avec drapeaux « limitée au Trocadéro », voire « rapatriée dans le Stade de France », « parce que cela se fait classiquement ».
« Il y a des plans B et même des plans C » a lâché l’hôte élyséen depuis le chantier du Grand Palais, qui doit accueillir plusieurs épreuves, avant de concéder « on les prépare en parallèle ». Même s’il se murmure qu’elle a surpris jusqu’au sein du Cojo, où l’on garde en mémoire que le Stade de France doit en théorie accueillir les épreuves de rugby à sept dès le 24 juillet, cette annonce n’est pas vraiment une surprise. « Le président de la République nous a demandé de réfléchir à des situations exceptionnelles, comme une série d’attentats qui arriveraient à quelques jours de la cérémonie d’ouverture », a soufflé Gérald Darmanin, le 9 janvier dernier à la Direction générale de la sécurité intérieure, avant de répéter que le « scénario principal reste celui d’une cérémonie sur la Seine » puisque les « agents du ministère de l’Intérieur, qui y travaillent depuis trois ans, sont tout à fait capables de l’organiser ».
Trois mois auparavant, l’ancien judoka et ex-ministre des Sports David Douillet avait émis de sérieuses réserves : « Si la veille, les voyants sont rouge cramoisi quant aux risques d’attentat, il faudra un plan B pour la cérémonie d’ouverture », avait-il assuré. Dans l’esprit de beaucoup, l’idée était déjà de déplacer l’événement au Stade de France. « On n’a pas de plan B, on a un plan A dans lequel il y a plusieurs plans bis », avait de son côté affirmé, dans un style byzantin, la ministre des Sports et des JO, Amélie Oudéa-Castéra. En cas de risque très élevé, des « variables d’ajustement sont dans le tuyau » avait glissé de son côté une source gouvernementale.
La stratégie du château fort
Emmanuel Macron, luimême, a déjà laissé entendre que les services de sécurité planchaient sur des solutions alternatives. Mais sans jamais en fournir, jusqu’ici, le moindre détail. Face à la menace qui ne faiblit pas depuis le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine le 24 février 2022, le raid sanglant des terroristes du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier et enfin les attaques de drones lancées par l’Iran samedi dernier, l’exécutif est rattrapé par un principe de réalité. « On fera une analyse en temps réel », a insisté lundi Emmanuel Macron.
Dès la fin janvier, Gérald Darmanin avait annoncé une réduction de la jauge des spectateurs qui pourront assister à la cérémonie d’ouverture depuis les quais hauts et bas de la seine à 326.000 personnes. « Soit quatre fois la capacité du Stade de France », a lancé le ministre de l’Intérieur. Et, serait-on tenté d’ajouter, la moitié de ce qui avait été claironné à l’origine. « Les autorités ont pris en compte la situation sécuritaire actuelle et je suis rassuré de voir que des solutions alternatives sont à l’étude, s’est félicité lundi Frédéric Péchenard, vice-président de la région Île-de-France. Il serait bien plus facile de protéger 80 000 personnes dans une enceinte sportive fermée telle que le Stade de France, où les fouilles sont systématiques, que sur douze kilomètres de berges surplombées par des centaines d’immeubles. » « En clair, quand la menace est là, on se sent plus en sécurité dans un château fort qu’en rase campagne et à ciel ouvert », résume l’ancien directeur général de la police nationale, qui rappelle que « chaque conflit au MoyenOrient ou au Maghreb s’est traduit par des répercussions violentes sur le sol français ».
L’ex-grand flic rappelle les vives tensions avec l’Iran, à l’origine de l’attentat de la rue de Rennes, orchestré par le Hezbollah en 1986, mais aussi la guerre civile en Algérie, qui a mené à la vague d’attaques du Groupe islamique armé en 1995, ou encore la guerre dans la région irako-syrienne qui a débouché sur les tueries de Charlie et du Bataclan.
Des gages qui ne rassurent pas
Pour heure, c’est bel et bien encore le projet fluvial qui reste privilégié. « Cette cérémonie est une première au monde. On peut le faire et on va le faire », a martelé le président de la République, qui persiste dans le pari de l’audace : à 20 h 24, une centaine de bateaux embarquant plus de 10.000 athlètes descendront six kilomètres de Seine d’est en ouest, entre les secteurs de la Bibliothèque François Mitterrand et de la tour Eiffel.
Sur fond de soleil couchant et de tableaux historiques, la parade fluviale est censée s’achever devant une centaine de chefs d’État réunis au Trocadéro. « On s’est donné les moyens. On a des moyens de renseignement et d’intelligence totalement mobilisés pour cette cérémonie. On va mettre en place tout un périmètre de sécurité tout autour de la cérémonie des jours avant, je dirais même des semaines avant cette cérémonie. On va cribler tous les gens qui entrent et qui sortent (du périmètre), on va beaucoup restreindre la circulation, a enfin tenté de rassurer Emmanuel Macron. Huit jours avant, ça va être complètement bouclé. » Mais ces gages ne rassurent pas les Français. Le baromètre sur la sécurité des Français Fiducial-Odoxa pour Le Figaro révélait le 26 janvier que 48 % de nos concitoyens estiment qu’il faut changer le format du grand show inaugural. Soit un bond de 10 points en neuf mois.