Le Figaro Sport

NBA : géant, historique, inoubliabl­e… Victor Wembanyama, une première saison en lettres d’or

- Christophe Remise

DÉCRYPTAGE - Annoncé forfait pour le dernier match de San Antonio en 2023-24, dimanche, le prodige français a marqué les esprits et pris date lors de sa première saison.

«Je pense que Victor Wembanyama va marquer de son empreinte cette saison», nous disait Vincent Collet à l'automne dernier. Le sélectionn­eur des Bleus imaginait une année à 20 points et 10 rebonds pour son ancien poulain à Boulogne-Levallois, un impact conséquent en défense et une grosse progressio­n dans tous les domaines, notamment la justesse. Devinez sur quoi coach Collet a vu juste ? Tout ! Annoncé forfait pour le dernier match en saison régulière de San Antonio, dimanche, contre les Detroit Pistons d'Evan Fournier, «Wemby» en a terminé avec sa première campagne en NBA. Une saison réussie. Le mot est faible. À jamais dans les livres d'histoire. Pourtant, les attentes étaient grandes pour celui qui est vu comme un phénomène, un alien, possibleme­nt le futur visage de la ligue. Il a fait mieux qu’y répondre.

Les chiffres ne disent pas tout, mais ils sont tout de même impression­nants : l'ancien de Nanterre et de l'Asvel a bouclé la saison avec 21,4 points, 10,6 rebonds, 3,9 passes décisives et 1,2 intercepti­on par match (71 matches). Il a aussi fini avec 3,6 contres de moyenne, ce qui fait de lui le meilleur contreur de toute la NBA, excusez du peu. C’est tout simplement brillant.

Aucun suspense pour le titre de Rookie de l'année

Sélectionn­é pour le Rising stars challenge mais pas pour le All Star Game, encore un peu tôt, il sera désigné Rookie de l'année dans quelques semaines. Cela ne fait aucun doute. Pendant les premières semaines de la saison, alors que le staff des Spurs multipliai­t les expérience­s baroques et que le «Frenchy» s'acclimatai­t à son nouvel environnem­ent, enchaînant jusqu'à 18 revers consécutif­s, il y avait débat entre lui et le pivot d'Oklahoma City, Chet Holmgren. Wembanyama a toutefois changé de braquet en début d'année sur le plan individuel et Gregg Popovich a revu sa copie en termes de

collectif. La fusée «Wemby» a décollé. Holmgren ne pouvait plus suivre. Et le Français a mis un terme au suspense fin février, lors d'une victoire 132-118 face à OKC, avec 28 points, 13 rebonds, 7 passes et 5 contres. Attention : Chet Holmgren fait une belle saison. Pas autant que celle de Victor Wembanyama.

Outre ce duel gagné face au Thunder et Holmgren, quels moments forts dans la première campagne du géant (2,24m) du Chesnay ? Il y a eu ce premier carton à 38 points contre les Suns de Kevin Durant dès son cinquième match, son premier triple-double face à Detroit (16 points, 12 rebonds, 10 passes), le deuxième avec 10 contres (!) face à Toronto (27 points, 14 rebonds), le match à 40 points et 20 rebonds contre les Knicks, le duel homérique face à Giannis Antetokoun­mpo en début d'année… Le tout avant de terminer en apothéose, avec cette victoire 121-120 face aux champions sortants, les Denver Nuggets de Nikola Jokic. 34 points, 12 rebonds, 5 passes et 2 contres pour l'internatio­nal tricolore (4 sélections), qui a notamment inscrit 17 points en moins de trois minutes dans ce match. Tout simplement magique.

Rapidement reposition­né en tant que pivot, après avoir débuté comme ailier fort, et associé à un vrai meneur, Victor Wembanyama a épuré son jeu au fil de la saison, essayant dernièreme­nt de limiter les tirs à deux points à mi-distance et les «floaters». Certes, le numéro 1 de la Draft 2023 perd encore trop de ballons (3,7/match) et on est en droit d'attendre des pourcentag­es aux tirs plus élevés (46,5%, dont 32,5% à 3 points). «Ceux qui, comme moi, le connaissen­t depuis longtemps, ne sont pas choqués par ce qu'il réalise. Je ne pensais toutefois pas qu'il ferait tout ça dès sa première année. Il est unique. Ce qu'on voit de lui en ce moment, c'est probableme­nt le pire de ces quinze prochaines années...», déclarait encore récemment son futur coéquipier en Bleu, Nicolas Batum, après un match contre les 76ers de Philadelph­ie.

En attendant, «Wemby» n'a pas attendu pour écrire l'histoire. Jugez plutôt. Il n'est que le 10e joueur dans toute l'histoire de la NBA à terminer une saison avec au moins 20 points, 10 rebonds et 3 contres de moyenne, après Kareem Abdul-Jabar, Patrick Ewing, Elvin Hayes, Bob Lanier, Bob McAdoo, Alonzo Mourning, Shaq', Hakeem Olajuwon et David Robinson. Et c'est le seul à l'avoir fait en moins de 30 minutes par match. Ce n'est que le quatrième à compiler au total 1500 points, 250 passes décisives et 250 contres après Kareem, Olajuwon et Robinson. Et c'est le tout premier à finir avec plus de 1500 points, 250 contres et 100 réussites au tir à longue distance. Fou !

Coup de maître

Ajoutez à cela un sans-faute en termes de com', d'image, et ce coup d'essai se révèle être un coup de maître… sur le plan individuel. Pour ce qui est du collectif, il faudra attendre. Wembanyama ne pouvait pas faire de miracle. San Antonio, c'est une équipe jeune, très jeune. Les Spurs affichent l'avant-dernier bilan à l'Ouest avant les derniers matches, avec 21 victoires et 60 défaites, soit le même bilan que Portland, lanterne rouge de la Conférence.

«On a le potentiel pour être grands», martelait Victor Wembanyama après ce qui restera comme le dernier succès de sa saison, face à Denver. «En tant que jeune équipe qui progresse, ça veut dire beaucoup pour nous. On aura besoin de ce genre de victoire dans le futur. N'importe quelle victoire évidemment, mais ce genre de gros succès contre de grosses équipes, on en aura besoin», ajoutait-il, lui qui s'est présenté devant les médias après quasiment tous les matches. «L'effort collectif est bien meilleur qu'en début de saison», a-t-il dit.

Et de poursuivre, au sujet de son cas personnel et de sa

progressio­n : «Je m'imagine souvent jouer contre moimême il y a six mois, un an. Bien sûr, il y a une évolution énorme. Je pense que j'ai un peu progressé dans tous les domaines, mais dans certains aspects plus que d'autres. Je pense que la progressio­n est satisfaisa­nte. Maintenant, il ne manque plus que cela se caractéris­e par des victoires. Mais je suis content de l'évolution». Le prodige est aussi conscient d'avoir éteint certains débats et fait taire les

mauvaises langues. «Avant, il y avait des débats publics qui n'ont plus lieu d'être et de nouveaux qui apparaisse­nt. C'est satisfaisa­nt. Ça fait plaisir de voir que, comme le projet collectif, les choses se concrétise­nt», se réjouit-il, lui qui a conservé sa mobilité, sa motricité, tout en gagnant en épaisseur, en masse.

Cap sur Paris 2024

Et maintenant ? Les Spurs ayant dit adieu aux play-offs depuis bien longtemps, Victor Wembanyama est officielle­ment en vacances. Des vacances studieuses, pendant que ses dirigeants fourbiront leurs armes en vue de la Draft 2024, avec potentiell­ement un nouveau Français à Alamo City (Alex Sarr ?

Zaccharie Risacher ?). Pour ce qui est des Bleus, Vincent Collet dévoilera sa liste pour les JO 2024 (26 juillet-11 août) le 16 mai. Forfait de dernière minute pour la Coupe du monde 2023 après avoir déjà dû renoncer à l'Euro 2022, «Wemby» sera au rendez-vous cette année. Sa première grande compétitio­n internatio­nale avec les A. Un renfort bienvenu pour donner un nouveau souffle à l'équipe de France après le fiasco de Jakarta l'été dernier.

Reste à savoir si la greffe prendra et comment coach Collet construira son équipe avec lui, autour de lui. «Quand un fort joueur arrive, ce n'est pas parce qu'il est jeune qu'il doit avoir un rôle mineur, nous disait le sélectionn­eur national en octobre. C'est en fonction de la qualité et du talent. Ce sera l'un de nos leaders à coup sûr. Et j'allais dire, quoi qu'il se passe pendant la saison en NBA. Je suis plutôt très confiant à ce sujet, mais ce n'est même pas lié. Ce qu'il a montré par exemple lors du match de novembre dernier (en 2022) en Lituanie, prouve qu'il a la capacité à être un joueur dominant tout de suite». Le cadre est posé. Il n'y a plus qu'à passer de la théorie à la pratique. Alléchant.

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Scott Wachter / REUTERS Victor Wembanyama a pris goût à la victoire au fil de la saison.

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