« Pompe funèbre » à l’Élysée
Le Havre a donné deux présidents à la République française : Félix Faure et René Coty. Le premier est mort dans d’étranges circonstances durant son mandat, au palais de l’Élysée.
Félix Faure est bien havrais, mais d’adoption. Né à Paris en 1841 dans un milieu très modeste, il s’installe à la Porte Océane et y fait fortune dans le commerce des peaux. Il participe à la défense de la ville contre les Prussiens en 1870, puis entame une carrière politique. Député en 1881, il occupe plusieurs postes gouvernementaux à compter de 1883. Élu Président de la République en 1895, il entre à l’Élysée avec à son bras Berthe, son épouse. Il possède alors encore une belle villa au Havre, sur la côte d’Ingouville, symbole de sa réussite sociale.
Une mort, deux versions
Le 16 février 1899, vers 6 heures du soir, il appelle à l’aide M. Le Gall, secrétaire général de la présidence : il est pris d’un malaise et ne se sent pas bien. On l’allonge sur un canapé en attendant qu’un médecin arrive à son chevet. Mais son état de santé se dégrade et il s’éteint dignement vers dix heures. Enfin ça, c’est la version officielle, celle que la plupart des journaux reprendront pour ne pas trop choquer l’opinion publique. Car très vite circule une tout autre histoire : au moment de son attaque, Félix Faure se trouvait dans le salon Bleu du palais, pantalon baissé, en compagnie de la belle Marguerite Steinheil — paraît-il — agenouillée devant lui…
Jeux de mots
À l’Assemblée nationale et au Sénat, on ne jase plus que sur cela. Sans parler des commentaires de la rue… Marguerite achève d’asseoir sa réputation de « demi-mondaine » (courtisane), comme on disait alors, et y gagne le surnom de « pompe funèbre ». Les humoristes s’en donnent à coeur joie : « Il a voulu vivre en César et il est mort Pompée ». Quant aux ennemis politiques de Faure, ils se déchaînent. Georges Clemenceau notamment, expert en formules assassines, qui le qualifiait de « nullité » et de « plus beau parvenu de son temps », dira: « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui ». Et il ajoutera: « Cela ne fait pas un homme de moins en France. Néanmoins, voici une belle place à prendre. » Le Havrais Félix Faure repose au cimetière du PèreLachaise, à Paris.
De notre correspondant SWG