Le Havre de Maupassant
En 1888, l’auteur cauchois publie son roman Pierre et Jean, l’histoire d’une fratrie déchirée par une question d’héritage. L’intrigue se déroule au Havre et dans les environs.
Nés dans cet ordre, Pierre et Jean sont les fils du couple Roland, des bijoutiers parisiens venus passer leur retraite au Havre parce que monsieur se passionne pour la mer et adore la pêche. Tout paraît dissocier les frères: médecin, l’aîné est brun, irritable, irréfléchi quoique intelligent; blond comme les blés, diplômé en droit, le cadet affiche un tempérament doux et pondéré. Pour couronner le tout, le premier se montre volontiers jaloux des succès du second. Et voici que l’un des amis de la famille lègue sur son lit de mort l’intégralité de sa fortune à Jean. Pas un centime pour Pierre ! Pourquoi un tel favoritisme? Ça, on vous laisse le plaisir de le découvrir par vous-même… Invitation à lire et relire le texte.
Peinture à l’encre
Ah! La plume de Maupassant, à la fois sobre et tranchante, toujours haute en couleur. Entre les errances de ses héros, les querelles familiales, la mesquinerie de certaines âmes humaines, c’est tout un Havre perdu qui ressuscite, peuplé de brasseries et de bars où les marins s’échangent des histoires du bout du monde, accoudés sur des tables en chêne, devant un verre d’absinthe ou de vermouth. Les pharmaciens tiennent plutôt de l’herboriste et du chimiste, fabriquant au fond de leur officine leurs propres décoctions sur la base des instructions des médecins. La rue de Paris retrouve son dynamisme, avec ses innombrables boutiques « de mode ou d’orfèvrerie » et l’on s’y adonne au lèche-vitrines « pour contempler un chapeau ou bien un bijou ». À la nuit tombée, les réverbères au gaz éclairent timidement les artères, pendant qu’un brouillard dense et pénétrant monte du large.
Voiles à la ville
Depuis la place de la Bourse, avec sur la droite la silhouette du Grand Théâtre, le bassin du Commerce apparaît « plein de navires, prolongé par d’autres bassins, où les grosses coques, ventre à ventre, se touchaient sur quatre ou cinq rangs […] Tous les mâts avec les vergues, les flèches, les cordages donnaient à cette ouverture au milieu de la ville l’aspect d’un grand bois mort. » L’Armada au quotidien, installée au coeur même de la cité.
De notre correspondant SWG