Les Havrais et le drame de Tavannes
Si les opérations militaires terrestres de la Grande Guerre se sont déroulées loin de notre ville, il ne faut pas oublier que les Havrais payèrent un lourd tribut au conflit.
La Guerre 14-18 a englouti environ 10 millions de vies, un nombre tellement abstrait par son énormité qu’il faut, de temps à autre, se remémorer quelques cas plus particuliers, pour mettre des visages sur le premier suicide collectif des Nations européennes du XX e siècle. Par les temps qui courent, mieux vaut garder cela en mémoire… À la fin de l’été 1916, la bataille fait rage dans le secteur de Verdun. Les Français s’acharnent à reprendre les positions perdues lors de l’offensive allemande de l’hiver précédent.
Un endroit infâme
À proximité du fort de Tavannes, non loin du front, il existe un tunnel ferroviaire où passait avant les hostilités la ligne Verdun-Metz. Long d’environ 1 400 m, il sert d’abri temporaire aux unités françaises en transit. Pas exactement le paradis sur terre : un cloaque immonde où hommes et bêtes s’entassent dans une puanteur indescriptible, harcelés par des nuages de mouches, où l’on s’électrocute avec des fils à haute tension dénudés et où l’on attrape toutes sortes d’infections. Un témoin résume : « Dehors, on risque une balle ; ici, on ris- que la folie ».
Un drame oublié
Le 4 septembre au soir, les 5 e et 6 e compagnies du 24 e régiment d’infanterie territorial du Havre effectuent une pause dans le tunnel. Vers 21h, un convoi de ravitaillement arrive à l’entrée. L’une des mules porte des fusées qui s’embrasent pour une raison inconnue. Affolé, l’animal s’enfonce sous la voûte, déclenchant l’explosion d’un stock de munitions et l’incendie de barils d’essence. L’artillerie allemande a repéré les flammes et pilonne le secteur, augmentant la panique. Environ 500 hommes se retrouvent prisonniers de ce piège mortel. Le sinistre dure plusieurs jours et les secours n’accèdent à la zone qu’après une semaine. Le Journal de marche du 24 e RIT mentionne les noms de 193 disparus, pour la plupart originaires du Havre, de Montivilliers, de Rolleville… Ils s’appelaient Henri David, Émile Basile… La nouvelle sera censurée et on signalera aux familles que leurs proches ont « disparu ». Sur place, rien ne rappelle ce tragique événement : ni plaque ni stèle. Dommage…
De notre correspondant SWG