Les octrois du Havre
Depuis la nuit des temps, les pouvoirs publics rivalisent d’astuce quand il s’agit d’engranger les taxes. Les octrois témoignent de cette imagination débordante.
Les sociétés d’autoroutes et autres concessionnaires d’infrastructures à péages n’ont rien inventé : au Moyen Âge déjà, et même dès l’époque romaine, il était courant d’acquitter un droit pour emprunter un pont, voire un quelconque chemin seigneurial. Dans les villes, on ciblait les marchandises : les cités étant fortifiées, il suffisait de placer un agent chargé du recouvrement à chaque porte et le tour était joué. On parlait alors de tonlieu.
Après la ville forte
Au XVIIe siècle, Le Havre est une ville forte et l’on continue d’y appliquer cette recette juteuse, même si l’on utilise plutôt le terme d’octroi. Lorsque les remparts sont abattus et que la ville s’étend vers Sanvic, Ingouville et Graville-Leure, dans les années 1850, on recherche une solution pour pérenniser la perception de la taxe. Sur des plans de l’architecte municipal Charles BrunetDebaines, on construit donc sur tous les axes stratégiques des bureaux d’octroi. On en compte ainsi une quinzaine à la périphérie de la cité, mais aussi une bonne dizaine disséminée sur l’ensemble du port, Le Havre présentant cette particularité de recevoir aussi des denrées par voie maritime. On cible des marchandises spécifiques, comme par exemple le vin ou les eaux-devie.
Un réseau bien étudié
Parmi les principaux octrois terrestres, citons celui dit « de la barrière d’or », dont le nom suffit à rappeler la rentabilité. Il coupe la route de Rouen au niveau de l’intersection entre le boulevard de Graville et la rue de Normandie (aujourd’hui Aristide-Briand). Le bâtiment existe encore de nos jours : il s’agit du bureau de poste de Montmorency et l’on déchiffre – difficilement – les mots « Octroi de Rouen » sur le cartouche de la façade nord. L’octroi Cochet, situé au numéro 34 de la rue du même nom, aisément reconnaissable à sa jolie facture alternant brique rouge et jaune, a également traversé le temps. Tous les autres bureaux ont en revanche disparu, détruits après la suppression de la taxe en 1943. Adieux donc les octrois du boulevard Albert-Ier, de la rue Sadi-Carnot ou de la rue Bégouen.
De notre correspondant SWG