Les mésanges noires arrivent en force
Les guides du Parc du Marquenterre notent actuellement une invasion de Mésanges noires. Elles sont surtout observées dans le vaste massif dunaire du Marquenterre
Conditions météo défavorables. Parties voilà peu, les masses d’hirondelles de rivage, de fenêtre ou rustiques sont bien contrariées dans leurs déplacements vers le sud. Le vent les bloque dans leur migration et les empêche de capturer les insectes volants. Le choix est simple soit attendre et voler au ras du sol pour tout de même se nourrir, soit forcer le passage pour trouver de meilleures conditions plus au sud au risque de mourir d’épuisement du fait de la perte énergétique.
Certains partent, d’autres arrivent. Cette année on assiste à une nouvelle invasion prometteuse de Mésanges noires. Elles sont surtout notées dans le vaste massif dunaire du Marquenterre avec ces plantations de pins laricios mais aussi dans les jardins avec des conifères à Rue, Quend… Cette petite mésange de 9 grammes à la tache blanche à la nuque nous vient des grandes forêts de conifères de la Baltique de la Pologne à la Russie. Les années à forte reproduction, la population se trouve temporairement en surnombre surtout si la disponibilité des ressources alimentaires n’est pas en adéquation. Le résultat est un stress alimentaire provoquant un exode en masse d’oiseaux vers le sud ouest, principalement des jeunes de l’année. Ce sont ainsi plusieurs centaines de milliers d’individus qui se déversent sur la France à partir de septembre et qui y séjournent jusqu’en mars. Ces migrations invasionnelles rampantes (de massifs forestiers en massifs forestiers) sont connues depuis très longtemps mais leur cycle semble avoir été bien modifié.
20 000 oiseaux en deux ans et demi
Entre 1963 et 1970, on note deux grandes invasions. Pour les années 1990, quatre grandes invasions ont eu lieu en 1991, 1993, 1996 et 1997. De 2005 à 2016 ce sont 6 invasions qui ont eu dont une particulièrement spectaculaire en 2008 et 2010. Près de 20 000 oiseaux ont été alors comptés de début septembre à mi-novembre 2010 sur le littoral nord de la baie de Somme. D’un cycle tous les 4 à 5 ans voir plus on est passé sur un cycle de pratiquement tous les deux ans peut être en lien avec les changements climatiques ou les pluies acides qui portent atteintes à la fructification des conifères dans la taïga. Les Mésanges noires sont fort habiles à décortiquer les graines ou capturer les petits insectes à l’extrémité des rameaux de bouleaux, et consomment nombre de graines de pins, aulnes et hêtres. Elles sont réputées, pour les hivernantes, à faire des provisions en prélevant des graines (sauvages ou de tournesol dans les mangeoires !) et à les cacher dans les aiguilles du bout des rameaux. Ces réserves sont utilisées en cas de pénurie.
Seulement 10 à 20 % survivront
Mais une bonne partie des masses de migrateurs va continuer dans tout l’ouest de la France et relativement peu d’entre eux va hiverner chez nous. Des oiseaux commencent à être bagués dans le Pas-de-Calais et sur la station de baguage du Parc du Marquenterre. En 2005 sur ce site protégé 696 Mésanges noires y avaient été baguées et des oiseaux porteurs de bagues lituaniennes avaient été contrôlés (station de baguage de Ventes Ragas sur une presqu’île lagunaire au nord de la ville russe de Kaliningrad anciennement Königsberg). On estime que seules 10 à 20 % de ces petites boules de plumes retourneront vers leurs terres d’origine, dure loi de la migration qui va ainsi rééquilibrer les populations au printemps.
La Mésange noire niche peu et récemment en plaine (profitant des enrésinements du XXe siècle) en France mais plus dans les forêts de montagne. Les pluies et coups de vent de cette dernière semaine lessivant les sources alimentaires dans les pinèdes n’ont pas aussi été favorables à ces nouveaux arrivants.
Philippe Caruette Parc du Marquenterre parcdumarquenterre.fr