La Catalogne sous pression
Le référendum d’autodétermination s’est déroulé dans un climat tendu marqué par les violences policières. 90 % des 2,2 millions de votants ont dit oui à l’indépendance mais la Catalogne reste sous pression et l’espagne s’enlise dans une profonde crise politique. Envoi massif de forces de l’ordre, bureaux de vote mis sous scellés, saisie de bulletins de vote, menaces de poursuites judiciaires des élus locaux... Le gouvernement espagnol aura tout tenté pour mettre des bâtons dans les roues du référendum d’autodétermination en Catalogne. Pourtant, en ce dimanche 1er octobre, des milliers de personnes se sont massées dès 6 heures du matin devant les bureaux de vote restés opérationnels. Sur les 5,3 millions d’électeurs catalans, 2,2 millions ont participé au scrutin jugé illégal par Madrid, le Oui à l’indépendance recueillant 90 % des suffrages. S’appuyant sur une identité forte de traditions, une culture, une langue et un drapeau, cette volonté d’indépendance jusqu’alors minoritaire s’est renforcée en 2010, lorsque le tribunal constitutionnel espagnol a rejeté l’élargissement de l’autonomie de la Catalogne, pourtant approuvé par les parlements espagnol et catalan. Ressentie comme une trahison, cette décision a donné lieu à d’impressionnantes manifestations (photo), dopées par la crise économique. Quatre ans plus tard, une consultation symbolique a mobilisé un tiers du corps électoral se prononçant à 80 % pour l’indépendance. Vainqueurs des élections régionales en 2015, les indépendantistes ont appelé au référendum d’autodétermination, approuvé par la majorité du parlement catalan. Sans surprise, Madrid a durci le ton. Les images des charges policières pour évacuer les bureaux de vote et réprimer les manifestations ont fait le tour du monde : personnes âgées déplacées manu-militari, femmes aux visages ensanglantés, cordon de pompiers protégeant la foule... Dès la mi-septembre, l’écrivain Josep Ramoneda redoutait dans L’obs « qu’en réagissant par la manière forte après avoir laissé pourrir la situation au lieu de chercher une solution, le premier ministre Rajoy risque de se transformer en pompier pyromane ». Les médias européens en ont été témoins, à l’image du journal suisse Le Temps relevant « l’impact dévastateur des images violentes en Catalogne. » Le bilan de la journée fait état de 840 personnes ayant reçu une assistance médicale, 90 blessés dont deux gravement. « La répression violente et disproportionnée à l’encontre des votants a déjà fait perdre la bataille de l’image au gouvernement minoritaire du conservateur Mariano Rajoy » , estime La Tribune. Lors de la grève générale du 4 octobre, 700 000 personnes sont descendues dans la rue à Barcelone. Sur place, la journaliste de France 2, Anne-charlotte Hinet, constate : « Malgré les apparences, l’indépendance de la Catalogne reste une cause minoritaire mais la brutalité policière, elle, rassemble bien au-delà des indépendantistes. » Le président catalan, Carles Puigdemont, est pourtant loin d’avoir gagné la partie. Car le chef du gouvernement espagnol n’en démord pas, affirmant lors d’une allocution télévisée « qu’il n’y a pas eu de référendum d’autodétermination en Catalogne. L’état de droit reste en vigueur avec toute sa force. » Avec aussi, l’appui du roi Felipe VI d’espagne, fustigeant « la conduite irresponsable » des dirigeants catalans dont « certains ont, depuis quelques temps, porté systématiquement atteinte à la législation. » Malgré des appels à la médiation internationale, la commission européenne ne bronche pas et déclare sa « confiance » en Mariano Rajoy « pour gérer ce processus délicat » . Estimant « qu’il s’agit d’une question interne à l’espagne » , elle menace toutefois : « Si un référendum était organisé d’une façon qui serait conforme à la Constitution espagnole, cela signifierait que le territoire qui partirait se retrouverait en dehors de l’union européenne ». « A Bruxelles, comme à Paris ou Berlin, pas question, malgré la profondeur de la crise et la rigidité de Madrid, de légitimer une vélléité d’indépendance, de peur d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications régionales. Le pari des dirigeants européens, c’est qu’à force de recevoir des messages l’assurant de son isolement, Carles Puidgemont va renoncer à une déclaration unilatérale d’indépendance », analyse Le Monde. En attendant, l’instabilité politique effraie les milieux d’affaires. Deux grandes banques catalanes annoncent le transfert de leur siège social en dehors de la Catalogne et le gouvernement espagnol prend un décret pour faciliter le déménagement rapide des entreprises. La pression monte aussi sur le plan économique.