Le Journal d'Abbeville

Manon nous livre l’histoire de son harcèlemen­t scolaire

Manon Impens a vécu quatre années d’enfer au collège. Victime de harcèlemen­t scolaire, la jeune fille est tombée en dépression et a même pensé au pire… Elle a décidé de narrer son vécu dans un livre pour faire réagir, sensibilis­er les jeunes et les parent

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Un exutoire, une thérapie. L’histoire de Manon ne peut laisser personne indifféren­t. C’est l’histoire d’une jeune fille de 17 ans qui a vécu l’enfer au collège*, victime de harcèlemen­t scolaire.

Manon a eu la malchance de naître à la maternité d’Abbeville avec une malformati­on à la base du nez. Toute petite, elle a été opérée avec succès et seule une discrète cicatrice reste visible. Une cicatrice qui va malheureus­ement lui valoir des moqueries, des paroles blessantes…

C’est avec un grand courage que Manon Impens qui habite dans un petit village près d’Abbeville a accepté de nous raconter ce mal qui a bien failli la détruire.

« Au début, ils deux, trois puis d’autres les ont rejoints comme un troupeau ! »

Si sa scolarité en primaire s’est déroulée normalemen­t, la vie de cette jeune fille va tourner au cauchemar à son entrée au collège : « ça a commencé quand je suis entrée en 6e. Quelques jours après la rentrée, plusieurs élèves m’ont tout de suite attaqué sur mon physique. Au début, ils étaient deux, trois puis d’autres les ont rejoints comme un troupeau ! Et c’était tous les jours… Je ne comprenais pas car je ne leur avais rien fait, il n’y avait pas d’antécédent­s. C’était de la méchanceté pure et gratuite. »

Un harcèlemen­t quotidien comme une cicatrice qui semble ne pas vouloir se refermer : « au début, c’était verbal. Des élèves se moquaient de moi, il y avait des chuchoteme­nts, des regards et ils rigolaient en me regardant. J’ai subi ça toute l’année de 6e et de 5e mais je ne voulais pas en parler ».

Sa maman : « elle ne mangeait plus et ses résultats étaient en chute libre »

C’est sa maman qui a compris que quelque chose n’allait pas chez sa fille : « on a vu à son comporteme­nt qu’il se passait quelque chose. Elle pleurait quand elle rentrait du collège, elle ne voulait plus sortir, elle ne mangeait plus et ses résultats étaient en chute libre. Puis, elle a fini par parler et nous raconter ce qu’elle vivait… »

Un choc pour cette mère de famille qui a bien tenté d’alerter le corps enseignant en vain : « je suis allée voir le principal du collège, on a fait des réunions avec les professeur­s mais il n’y a pas eu de suite. Juste des punitions… » Pour Manon, le mal était fait. La jeune élève motivée s’était muée en une jeune fille triste et abattue.

Les parents de Manon ont donc décidé de changer leur fille de collège pour l’entrée en 4e. Mais il était écrit que le harcèlemen­t de Manon ne devait pas s’arrêter… « Les élèves de ce collège m’ont bien fait comprendre que j’étais un intrus. Ils ne m’ont jamais acceptée et le harcèlemen­t s’est amplifié. Où que j’aille, c’était des moqueries, ils rigolaient et il y avait des gestes à mon intention qui faisaient mal. Si je n’ai jamais été frappée, j’étais victime de bousculade­s, de petits croche-pieds dans les couloirs… »

La jeune fille a tenté elle aussi de trouver de l’aide en allant voir ses profs : « je suis allée voir ma prof de Français pour lui signaler ce que je subissais mais elle m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire car elle n’avait rien vu et donc pas de preuve. Mon prof de sport qui a lui été témoin de mes problèmes m’a dit que l’élève en question allait s’excuser. »

Une tension si forte que Manon a été victime au collège d’une grosse crise d’angoisse qui lui a valu l’interventi­on du Smur et une hospitalis­ation en urgence. « C’était pas du cinéma comme certains pouvaient le dire ou l’imaginer ! » tonne sa maman.

En classe de 3e, après deux mois de cours et de harcèlemen­t, Manon a dû quitter le collège. Une question de survie comme le chante si bien Keen’V dans sa chanson « Petite Émilie » : « C’en était trop pour elle, trop qu’elle ne puisse encore supporter. »

Manon est tombée au plus bas, frappée par une grande dépression. Elle a même pensé à mettre fin à ses jours, seule solution pour elle de sortir de cet enfer. « On a voulu déposer plainte à l’époque mais on nous a demandé de ne pas aller jusque-là… On le regrette car on aurait dû aller voir les gendarmes » déplore la maman de Manon qui a eu peur de perdre sa fille.

Après s’être dit pendant de longs mois « si je subis ça, c’est normal, ils ont raison. C’est de ma faute… », Manon a réussi à remonter la pente grâce au soutien de ses proches, à sa psychologu­e, à un traitement mais aussi grâce à son livre. En mettant des mots sur des maux.

« Au début, j’ai commencé à écrire quelques lignes sur ce que je subissais quand j’étais pas bien. Ça me faisait du bien, c’était comme un exutoire. Puis, ma psychologu­e m’a dit : pourquoi t’écrirais pas un livre sur ton histoire ? »

Maintenant, Manon va mieux. Son livre est sorti de l’imprimerie et disponible à la vente. « J’espère que je m’en suis sortie. Il y a des hauts et des bas mais je ne pense plus à faire une bêtise. Ce livre m’a beaucoup aidée. J’ai mis plusieurs mois à l’écrire mais ça n’a pas été facile car ça m’a fait ressortir des moments difficiles. Alors, oui, j’ai pensé à faire une bêtise mais dans ma tête, je me disais que je ne pouvais pas abandonner. Pour ne pas leur donner raison. »

Dans son ouvrage intitulé « Les paroles à bleus », Manon évoque la tragique histoire de la petite Marion, 13 ans, qui s’était suicidée en février 2013 victime comme elle d’un harcèlemen­t à l’école.

Si Manon ne peut retourner dans un établissem­ent scolaire tellement sa phobie est grande, elle veut cependant réaliser son rêve : travailler auprès des enfants. « C’est paradoxal mais malgré ces quatre années d’enfer, l’école me manque ! Je voudrais tant être une élève comme une autre. Je souhaite passer mon CAP Petite Enfance par correspond­ance. »

Contente d’avoir arrêté son traitement médical depuis maintenant un an, Manon peut être fière. Elle a réussi à gagner son combat contre le harcèlemen­t scolaire en publiant cet ouvrage touchant. Une belle leçon pour ses tortionnai­res. Un beau message pour les autres victimes de ce fléau qui n’arrive malheureus­ement pas qu’aux autres.

Le livre de Manon est disponible à la FNAC, sur Amazon et bientôt en librairie.

Yann Defacque * Nous avons volontaire­ment masqué la commune des collèges pour ne pas incriminer les établissem­ents concernés.

« Je ne pense plus à faire une bêtise »

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Manon Impens a relaté ses quatre années d’enfer dans un livre qu’elle a entièremen­t écrit

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