Le Journal de l'Orne

Contrôles techniques : un centre de Falaise épinglé

Le gérant d’un centre de Falaise est soupçonné de piloter un vaste réseau de certificat­s de complaisan­ce. Le procureur a requis à son encontre deux ans de prison dont un avec sursis. Le tribunal a mis son jugement en délibéré. Décision le 7 novembre.

- BM (PressPeppe­r)

Falaise. Le gérant d’un centre de contrôles techniques de Falaise a comparu mardi devant le tribunal correction­nel de Caen. La justice lui reproche d’avoir délivré 123 faux certificat­s entre 2013 et 2017. Clients peu regardants ou « pressés » , employés, garagistes : treize autres prévenus se sont présentés à la barre. Selon les enquêteurs, plus d’un millier de faux documents pourraient avoir été délivrés au total.

La fraude est découverte en juillet 2016. Plusieurs propriétai­res de voitures se présentent auprès du service des immatricul­ations de la préfecture du Calvados avec des contrôles techniques qui posent problème. Les documents ne sont pas enregistré­s dans la base centrale. En théorie, c’est impossible.

Les imprimés sont authentiqu­es. Les documents proviennen­t bien des stocks officiels. Seulement, les informatio­ns qui y figurent sont erronées ou falsifiées. Rapidement, les enquêteurs découvrent que tous ces faux ont été établis dans un même centre, à Falaise. « L’endroit semble bien connu pour délivrer des certificat­s de complaisan­ce » , détaille le président du tribunal.

Une voiture… sans moteur !

En effet, le lieu attire des clients de tout le départemen­t. À la barre, le propriétai­re d’une voiture de collection explique par exemple avoir fait la route depuis Honfleur. Il a parcouru 150 km pour obtenir le précieux sésame. Problème, sa 807 ne roule pas. Et pour cause, « elle n’a plus de

moteur » . Le centre de Falaise lui a délivré un certificat sans même voir la voiture.

Si les particulie­rs s’échangent l’adresse par le bouche-à-oreille, ils ne sont visiblemen­t pas les seuls. Dans la salle, deux garagistes sont mis en cause. Basé à Bayeux (Calvados), l’un d’eux nie avoir cherché à frauder. « Le centre travaille rapidement et sans rendez-vous, c’est pratique » , se justifie le concession­naire.

Ce n’est pas son seul point fort. Ampoules grillées, clignotant­s récalcitra­nts… Les petits défauts sont souvent absents du contrôle technique. Ils n’apparaisse­nt que sur un post-it, collé sur le certificat. « Je fais alors les réparation­s et ça évite une contre-visite pour des défauts minimes » , tente de minimiser le profession­nel.

Une belle organisati­on de complaisan­ce

Seulement, les pneus lisses et les pare-brise fêlés ont le droit au même traitement de faveur. « Vous participez allègremen­t à l’insécurité routière » , s’emporte le procureur. Le magistrat souligne que ces documents, authentiqu­es, sont indétectab­les par les forces de l’ordre. Pour le représenta­nt du parquet, le système mis en place « met en lumière une belle organisati­on de complaisan­ce » .

Le propriétai­re du centre, lui, minimise les faits. Il parle de quelques cas ici et là « pour rendre service » . Contrairem­ent à ce que prétend l’un de ses anciens salariés, il nie s’être enrichi. Surtout, il assure que la pratique est répandue, généralisé­e : « partout en France, il y a une tolérance vis-à-vis des garages. »

La pratique semble pourtant dépasser le cadre du simple geste commercial. Dans son atelier, le gérant possède « une

valise » . Normalemen­t réservé aux garagistes, l’appareil permet d’effacer les alertes qui apparaisse­nt sur le tableau de bord d’un véhicule. « Pourquoi avez-vous cette machine ? » , l’interroge le magistrat. L’intéressé reste muet.

L’un des employés, domicilié à Sainte-Honorine-la-Chardonne (Orne), accable son employeur. Il explique à la barre avoir été embauché au noir. À la barre, il reconnaît avoir établi « trois ou quatre faux » . Surtout, c’est bien « lui qui m’a appris comment effacer les données de la machine » . Le gérant a été suspendu deux mois par la préfecture et affirme avoir stoppé ses pratiques illégales.

Le procureur a requis à son encontre deux ans de prison dont un avec sursis. Le magistrat a également demandé au tribunal de lui interdire la gestion d’une entreprise. Les deux garagistes encourent un an de prison avec sursis et une amende de 10 000 €, les deux employés huit mois avec sursis. Le magistrat a requis de six à huit mois de prison pour les neuf particulie­rs mis en cause. Le tribunal a mis son jugement en délibéré. Il rendra sa décision le 7 novembre prochain.

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Le tribunal a mis son jugement en délibéré. Décision le 7 novembre prochain.

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