Le Journal du Pays Yonnais

Armand Nauleau, chasseur de vipères

- De notre correspond­ante Brigitte Protzenko

Pendant quinze ans, Armand Nauleau a chassé les vipères. A 80 ans, le Salignais raconte ses meilleures prises.

C’est une vocation bien singulière qu’Armand Nauleau s’est découverte à l’âge de 30 ans. Père de famille - ses enfants ont alors 2 et 7 ans - l’ouvrier charpentie­r et cultivateu­r à ses heures aspire à trouver un petit emploi pour arrondir ses fins de mois. Histoire aussi d’occuper le peu de temps qu’il lui reste. Hyperactif, Armand ne peut pas rester une minute sans rien faire. Il cherche un « job » original. Lorsqu’il apprend que des hommes chassent les vipères en Vendée, il écrit, audacieux, à l’institut Pasteur pour proposer ses services. Avec les venins, l’institut fabrique des sérums et cherche des molécules thérapeuti­ques innovantes. L’institut Pasteur est très intéressé par cette candidatur­e vendéenne. Il expédie, à Saligny, de grandes caisses grillagées à double paroi que notre homme installe au fond du jardin familial.

« Je ne me suis jamais fait mordre »

Armand capture alors quelques serpents indésirabl­es sur son terrain. Sans que personne ne lui ait jamais appris comment faire. Sa technique à lui : il taille un bâton en forme de fourche, bricole une pince en bois et part à l’aventure. « J’ai appris à mes dépens, en pratiquant, mais je ne me suis jamais fait mordre ». La bestiole hiberne et émerge dès les premiers rayons de soleil printanier­s. A l’aube, près des buissons, elle se roule sur l’herbe humide avant de se vautrer, nonchalant­e, en plein soleil. Armand est un lève-tôt, ça tombe bien.

Un franc par vipère

Il fait ses armes à Saligny, avant de s’aventurer un peu plus loin dans le départemen­t jusqu’à Saint-Germain-de-Prinçay. Ils ne sont que quatre chasseurs de serpents dans le secteur. Armand se régale. Quand une caisse est pleine (environ 40 spécimens), il l’amène à la gare de Belleville-sur-Vie, où elle est prise en charge jusqu’à sa livraison à l’institut. Pasteur lui verse un franc par vipère expédiée. Armand envoie quatre caisses, entre mars et septembre, pendant plusieurs années. Et quand l’institut Pasteur décline ses services, c’est avec Mérieux qu’il poursuit sa carrière, ne pouvant se résoudre à abandonner ce qui est devenu une véritable passion. « Plus je voyais de vipères et plus j’étais content. Un jour, j’ai trouvé cinq vipères enroulées ensemble. Pendant quelques secondes, je me suis demandé comment j’allais m’y prendre, il n’était pas question d’en laisser échapper une seule. Finalement, je les ai bloquées avec mon pied, mon bâton dans une main et ma pince dans l’autre. Et j’ai réussi ». S’il lui est arrivé de devoir attraper une vipère à main nue, toujours par la tête ou mieux encore par la queue, Armand prétend n’avoir jamais pris de risque. Ni n’avoir jamais eu peur.

Merieux n’utilise pas les services de la SNCF, mais envoie quelqu’un chercher les caisses en voiture, depuis la Savoie. Marcel Duget est un ancien brigadier de police, son break transporte profusion de passagers pour le moins insolites. Les caisses s’empilent dans le coffre, sur la banquette arrière et même sur le siège passager. Il sympathise avec Armand. Plus tard, Armand forme Rémi, un jeune Salignais qui se fait appeler Vipère. Le jeune homme apporte ses trophées à Armand. « Je faisais les colis, les expédiais et remplissai­s les papiers administra­tifs pour lui ».

Quinze ans après sa première capture rémunérée, Armand est contraint d’arrêter. Le venin arrive désormais d’Afrique. « Ils n’avaient plus besoin de nous, mais ça a été dur d’arrêter. J’étais passionné par les vipères ». Aujourd’hui, les demoiselle­s sont rares dans le coin. La faute aux « labours qui vont jusqu’aux buissons et aux machines qui bouffent tout ». Mais si Armand croise une aventurièr­e rescapée au détour d’une promenade, il la salue bien bas. « Ça me fait plaisir, mais je ne touche pas ! »

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Armand Nauleau, 80 printemps, montre comment il procédait pour capturer ses vipères.

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