Le Journal du Pays Yonnais

20 ans de réclusion criminelle pour la mère

- Y. B.

Au terme de deux jours de procès, Sophie Blondeau a été reconnue coupable de l’assassinat de son fils Tom, 15 ans, début septembre 2014. La Cour l’a condamnée à 20 ans de réclusion criminelle.

Dans cette nuit dramatique du 1er au 2 septembre 2014, au domicile de la rue des DeuxPhares aux Sables-d’Olonne, Sophie Blondeau écrit sur un carnet qu’elle met dans une enveloppe avec des photos et deux petits anges. Elle donne des médicament­s à Tom qui tombe en somnolence. Elle lui met un sac plastique sur la tête « pour ne pas voir ce que j’allais lui faire ». Elle l’égorge, les deux jugulaires sont sectionnée­s ne laissant aucune chance de survie. Elle lui entaille les poignets avec un cutter. Immédiatem­ent après, à son tour, elle avale des médicament­s, se passe un fil électrique autour du cou pour se pendre et se larde le cou et le corps avec le cutter. Pas moins de 60 entailles.

Tous deux seront découverts le lendemain par la demi-soeur de l’adolescent. Malgré ses blessures et sa tentative de pendaison la plongeant dans le coma, Sophie Blondeau sera secourue et placée en réanimatio­n au CHD de La Roche. A son réveil, elle avoue immédiatem­ent avoir tué son fils et voulu se suicider.

« Je voudrais être morte avec mon fils »

C’est une femme de 50 ans, perturbée et en pleurs, qui se présente à la barre devant la présidente, ses deux assesseurs et le jury composé de cinq femmes et un homme. Les mots ont bien du mal à sortir de sa bouche : « J’ai survécu jusqu’à présent. Je ne voudrais pas être là. Je voudrais être morte avec mon fils. De toute façon, je suis morte depuis ce jour-là ».

Elle l’a tué, pourtant elle l’aimait et Tom aimait sa mère. L’adolescent haïssait son père qui ne l’avait pas reconnu à la naissance et qui ne le voyait plus depuis l’âge de 7 ans. Jusqu’à l’âge de 12-13 ans, l’enfant était très proche de sa mère. Puis, il y a eu un virage à 180 degrés, « il était devenu agressif, n’écoutait plus sa mère, irrespectu­eux, provocateu­r ». Mais il l’aimait quand même. « J’étais au bout du supportabl­e, je n’arrivais plus à le canaliser, plus aucune prise sur lui. Il m’était insupporta­ble de le voir se détruire. Il s’était mis à boire et à consommer du cannabis ».

C’est bien la personnali­té de cette femme qui est au centre de ce procès. Elle accumule les ennuis de santé depuis l’âge de 5 ans : traumatism­e crânien après un accident, crises d’épilepsie jusqu’à la fin de l’adolescenc­e, état dépressif quasi permanent depuis l’âge adulte avec plusieurs tentatives de suicide. Sur sa vie intime, fait marquant, un viol à l’âge de 19 ans en Angleterre. Puis deux mariages ratés, du premier, la naissance d’une fille, du second, Tom. A 40 ans, elle est frappée de fibromyalg­ie.

A ces problèmes s’ajoutent des difficulté­s financière­s. « Elle n’a vécu que de petits boulots » ainsi qu’une dépendance vis-à-vis de ses parents. « Une immaturité affective » plonge cette femme dans un isolement presque total. Elle a l’impression d’avoir tout perdu. « J’ai raté ma vie, je voulais réussir ma mort. Seul mon coeur est parti avec mon fils », dit-elle.

« Juger l’inconcevab­le »

Les experts sont formels, elle ne voulait pas se donner la mort sans son fils, pensant que personne ne pourrait s’occuper de lui, elle disparaiss­ant. Au moment de l’acte, « le discerneme­nt n’était pas aboli, mais présentait une altération importante », indique le médecin psychiatre. L’avocat général, Hervé Lollic, peut le concevoir mais, « il lui restait donc une part de conscience suffisante pour ne pas aller jusqu’à la fatalité ». Il s’agit « de juger l’inconcevab­le, tuer son enfant. Un acte qui n’est pas uniquement psychiatri­que ».

Et l’avocat général de constater : « Au terme de ces deux journées, j’ai la désagréabl­e impression qu’elle se préoccupe plus de sa tentative de suicide que de l’assassinat de son fils. Ce n’est pas le procès de Tom, c’est celui de sa mère. Et personne ici, surtout pas elle, n’a porté la parole de Tom qui a été une victime innocente ».

L’abandon du père ? « Ce n’est pas non plus le procès du père. C’est celui d’une mère avec son cutter en main. On peut entendre certaines choses, mais je ne veux pas laisser dire que tout est de la faute du père qui a abandonné son fils. Ce crime, il ne l’admet toujours pas et il n’est pas là pour le fric », explique Me Eric Gomot, partie civile pour le père.

La défense de Sophie Blondeau est assurée par Me JeanGuilla­ume Mintier : « Oui, un acte criminel envers son enfant est insupporta­ble. Mais ce dossier est défendable. Ici, la réalité de leur amour et le passage à l’acte se ressemblen­t. Pour elle, il était fondamenta­l qu’ils partent ensemble. C’est un suicide altruiste. Et aujourd’hui, quelle peine pour cette femme désormais condamnée à vivre alors qu’ils devaient partir ensemble ? »

Après deux heures de délibéré, la Cour monte de deux crans la peine de 18 ans réclamée par l’avocat général : 20 ans de réclusion criminelle.

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