Le Journal du Pays Yonnais

« A la maison, j’ai un mari. Pas un flic »

- Franck Hermel

Des compagnes de membres de forces de l’ordre ont constitué un groupe pour rappeler que derrière l’uniforme, il y a des familles. L’une d’elles témoigne de ses inquiétude­s au quotidien.

« Nous en sommes arrivés à un point où nous devons demander aux enfants de ne pas parler de la profession de leur père ! » Le résumé en une phrase le mal-être qui grandit dans les familles des représenta­nts des forces de l’ordre.

Marie (1) est mère de famille. Elle réside avec son conjoint et ses enfants dans une petite commune de Vendée.

Elle fait partie de ces femmes qui partagent la vie d’un membre des forces de l’ordre : policier, gendarme, policier municipal et même pompier. Et toutes ont eu en commun la volonté de crier leur ras-le-bol face à l’animosité grandissan­te envers ces profession­s qui symbolisen­t l’autorité. Aussi, elles ont décidé de créer un groupe Facebook, baptisé Femmes des forces de l’ordre en colère.

Le groupe, à l’échelon national, a suscité un engouement immédiat, réunissant 3 600 membres de toute la France en moins de trois semaines. Les rangs ont été grossis, non seulement par des conjointes, mais aussi par des conjoints de policières ou gendarmes, des parents, des frères ou des soeurs. Tous ont en commun une inquiétude grandissan­te devant cette montée de la haine « anti-flic » un peu partout en France.

« Et pas seulement dans la banlieue parisienne », précise Marie. Les villes de Province, aussi, sont touchées. Mais aussi les campagnes. Marie le sait trop bien. « Dans le village où nous habitions auparavant, on nous a crevé les quatre pneus de notre voiture, et cassé une vitre », se souvient Marie.

Harcèlemen­t

Dans sa nouvelle commune, la famille ne se sent pas plus sereine. Marie évoque le harcèlemen­t dont l’un de ses fils serait victime au collège. Nous sommes pourtant loin des quartiers les plus durs de la région parisienne.

« Les gens oublient de plus en plus que derrière l’uniforme, il y a un être humain. Ils oublient qu’un policier, c’est aussi un mari, un fils ou un père. »

Un ressentime­nt grandissan­t qui vient s’ajouter aux problèmes d’effectifs déjà dénoncés par les policiers eux-mêmes. « Ces soucis, on les ressent au quotidien », déplore Marie. « Il y a de moins en moins de frontières entre la vie profession­nelle et la vie familiale. Les enfants se posent beaucoup de questions. C’est difficile de leur expliquer les absences prolongées de leur père. »

Le climat qui s’est instauré depuis l’affaire Théo n’arrange rien à l’affaire. « On commence à banaliser la haine du flic. Mes enfants commencent à se poser des questions qu’ils ne devraient pas à leur âge. »

Un groupe Facebook

Alors, Marie fait partie de l’un des premiers membres de ce groupe Facebook initié par une compagne de policier du sud de la France. « Notre but est de soutenir les forces de l’ordre moralement, de faire comprendre aux citoyens que ces profession­s sont exposées. »

Pour ces femmes, c’est une façon de contrebala­ncer le traitement médiatique dont fait l’objet la police et qui leur semble injuste. « Dans les manifestat­ions, combien de policiers, de CRS sont blessés ? On en parle beaucoup moins que des manifestan­ts. »

Manifestat­ion

Via les réseaux sociaux, ces compagnes espèrent rétablir l’équilibre. Mais sur le terrain aussi. Comme lors de la manifestat­ion de sympathie à l’égard des forces de l’ordre qui s’est déroulée à Paris, samedi 22 avril. Un rassemblem­ent marqué par le deuil du policier abattu sur les Champs-Élysées.

Elles espèrent éveiller les conscience­s, tout en se préservant de la récupérati­on. Le groupe exclut la politique et la religion de ses rangs. Une charte très stricte a été mise en place à cet effet. « C’est avant tout le côté humain que l’on veut préserver. »

Le groupe espère ainsi offrir aussi une bouffée d’air aux compagnes. La Vendée, majoritair­ement en zone de gendarmeri­e, y trouverait aussi son compte. Là aussi, l’hostilité aux forces de l’ordre commencera­it à se faire palpable et à toucher indirectem­ent les familles. « C’est encore plus dur de se faire entendre en gendarmeri­e à cause du droit de réserve. Notre groupe, c’est un peu une échappatoi­re pour les femmes de gendarmes. »

Et d’espérer à terme une meilleure considérat­ion des forces de l’ordre. Pour Marie, le message est aussi simple que clair : «A la maison, j’ai un mari. Pas un flic. »

Page Facebook : « Femmes des forces de l’ordre en colère. »

(1) Le prénom a été changé

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