Le Journal du Pays Yonnais

Le parquet yonnais en surrégime

- Nicolas Pipelier

En écho au livre noir de La Conférence nationale des procureurs de la République, le magistrat Hervé Lollic dénonce une situation critique au tribunal de La Roche-sur-Yon. Celle d’un parquet qui fonctionne en surrégime, faute d’effectif suffisant.

Au tribunal de La Roche-surYon, les magistrats comptent les mois. 31 exactement. « C’est le nombre de mois pour former un magistrat à l’issue du concours classique de l’Ecole nationale de la magistratu­re », glisse Hervé Lollic, procureur de la République au tribunal de La Roche-sur-Yon. En attendant l’arrivée d’hypothétiq­ues recrues, le parquet fait le dos rond. Et tente de faire tourner l’institutio­n judiciaire à cinq magistrats, « bientôt quatre… ». Bien loin du « ratio de 6,3 magistrats fixé par l’Etat ».

Résultat, le tribunal tourne à flux tendu. Avec des équipes à cran, qui enchaînent les journées de 10 heures et les permanence­s nocturnes, plus les week-ends. « Le droit du travail, le temps de repos après les permanence­s…, on oublie, lâche Hervé Lollic. On ne peut tout simplement pas se permettre de s’absenter. »

Deux ans de stock aux Assises

D’autant plus qu’en face, la pile de dossiers ne cesse de grossir. Souvent des broutilles. Mais qui nécessiten­t tout de même le coup d’oeil du procureur. En plus de la surveillan­ce des enquêtes, les gardes à vue, le tribunal de commerce, les hospitalis­ations, les tutelles, le suivi des entreprise­s en difficulté… « Clairement, nous sommes obligés de prioriser. Et parfois survoler certaines affaires pour sanctuaris­er l’activité pénale. »

Du côté des Assises, où l’on juge les criminels, la situation est encore plus préoccupan­te. Avec six sessions par an, le tribunal croule sous les procès. «J’ai près de 24 affaires en attente. Soit près de deux ans de stock. Certains détenus incarcérés doivent être libérés puisqu’on a un an pour les juger. Et croyez-moi, je n’ai pas envie de les voir en liberté. »

Plus de batterie

Des difficulté­s auxquelles s’ajoutent les petits tracas du quotidien distillés par une administra­tion tatillonne. « C’est bien simple, pour commander cinq paquets de post-it, je dois faire valider la demande par Poitiers », caricature le magistrat. Idem pour le dépannage informatiq­ue : « Obligation de faire valider un ticket à Bordeaux avant chaque interventi­on sur une imprimante. »

Sans compter le matériel, limite, défaillant. Comme lorsque le magistrat s’est retrouvé en rade de batterie de portable, et plus de réseau, alors qu’il devait gérer les opérations sur le carambolag­e de la 4 voies, en décembre dernier. Ou encore lorsqu’il faut jongler avec les collègues des Sables pour l’utilisatio­n des deux voitures de la juridictio­n… « On nous demande de faire des économies, ce que l’on fait. Mais on ne voit pas le résultat. Il n’y a pas d’intéressem­ent à la vertu. »

Le réflexe pénal

Ce que demande Hervé Lollic et ses collègues de La Conférence nationale des procureurs de la République, « c’est un peu plus de moyens financiers, un peu plus de postes et plus d’autonomie dans la gestion des budgets. Cela fait des années que la Justice est le parent pauvre ».

L’homme de loi s’interroge également « sur le réflexe pénal dans ce pays. Doit-il y avoir systématiq­uement une sanction derrière chaque infraction ? » Lorsqu’on sait qu’à La Roche-sur-Yon, sur les 20 000 procédures traitées par an, 1/3 sont classées sans suite, le sujet mérite réflexion. Une problémati­que que le parquet ne manquera pas de poser à la garde des Sceaux, Nicolle Belloubet.

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