Le Journal du Pays Yonnais

10 ans de chantier pour construire son bateau

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En 2003, le Yonnais Goueinn Abini s’est lancé dans la constructi­on d’un voilier de 10 m de près de 14 tonnes. Un chantier entrepris dans la cour de sa maison. Depuis 2013, « Jonathan » a largué les amarres et navigue au large des côtes vendéennes. Retour sur cette histoire avec son concepteur, un discret sexagénair­e, aussi modeste que son talent est grand.

Le Journal du Pays Yonnais : Vous avez mis 10 ans à construire votre voilier (20032013), comment s’est passé le chantier ?

Goueinn Abini : C’est très simple, il m’a suffi de libérer dix heures de travail par semaine. En enlevant chaque année, quatre semaines de vacances. Ça fait 48 semaines, 480 heures/an, soit 4 800 à 5 000 heures. Un voilier, ce n’est pas un ensemble de pièces. Chaque pièce s’assemble aux autres et c’est cet assemblage qui fait l’objet fini.

Comment est née cette idée et d’où vous vient ce savoir-faire ?

Avec mes parents et leurs amis, dès l’âge de 10, 11 ans, j’ai fait de nombreuses sorties en mer. J’ai adoré, à tel point qu’à 14 ans, je fabriquais déjà un voilier de 4,20 m, de type vaurien. Je me suis ensuite formé en mécanique générale et en dessin industriel. Puis j’ai voulu enseigner la voile et j’ai donc fait plusieurs stages à l’Ecole nationale de voile Beg Brohu à Saint-Pierre-Quiberon, là où sont passés Florence Artaud et Philippe Poupon. Finalement, j’ai abandonné ce projet car il n’y avait que trois mois de travail par an, pour me réorienter dans l’industrie, en bureau d’études, en plasturgie, puis chez Bénéteau et Jeantot Marine. Là, je dessinais des aménagemen­ts de bateaux, de l’accastilla­ge, en vue de faire des prototypes. En fait, je crois que j’ai toujours su faire des bateaux… Pour cela, je me suis donné les moyens de maîtriser les techniques nécessaire­s. Le bois, par exemple, ce matériau, qui vit, a une texture, une odeur… J’adore ! J’ai essayé : ça a marché tout de suite.

Quelles sont les grandes étapes de la constructi­on d’un bateau ?

Avec l’aide des plans détaillés réalisés (environ 450 heures de travail sur planche, avec feuilles de calcul), j’ai commencé par fabriquer la table du carré dans mon atelier : ça me plaisait. Puis j’ai choisi une méthode simple, différente de celle des industries nautiques. Après avoir construit le hangar, j’ai d’abord monté la structure, l’ossature, la charpente qui définit la forme du bateau : ce sont les membrures, faites avec du sipo, un genre d’acajou. Ensuite, je l’ai posé, ainsi que le moteur. Enfin, je me suis attelé à la coque, faite selon la technique de lamellé-collé, avec du grand bassam américain. La technique est simple : il s’agit d’assembler sur les membrures trois couches de bois déroulé. L’une, longitudin­ale, de 17 mm et deux autres, transversa­les et croisées de 4 mm, par collage et vissage, pour donner sa forme à la coque. Là, je devais travailler alternativ­ement d’un côté et de l’autre afin d’équilibrer l’ensemble.

Restait à fabriquer le moule nécessaire au coulage du lest : une forme en acier dans laquelle on coule du plomb. Ces 1 100 kg indispensa­bles abaissent le centre de gravité du bateau pour une flottaison correcte et servent d’antidérive.

Lorsque le pont a été posé, c’est une grue de 100 tonnes qui est venue le passer par-dessus la maison, le poser sur la remorque et le transporte­r à son port d’attache où, à flot, au ponton, le mât, l’accastilla­ge, les voiles ont été mis en place puis j’ai effectué les réglages fins afin de pouvoir naviguer d’une manière fiable.

Et maintenant, quel usage en faites-vous et comment se comporte le bateau en mer ?

C’est un bateau rapide que nous utilisons environ un mois ou un mois et demi par an, selon les circonstan­ces. Il y a peu, nous avons fait le golfe du Morbihan durant neuf jours, avec des amis. À deux ou trois, c’est très confortabl­e. Il est homologué pour quatre personnes mais c’est un peu exigu. Avec ses 50 m2 de grand-voile et son génois, par vent arrière-bien établi, il file à plus de 7 noeuds (environ 13 km/h). Par vent de force 3 à 4, nous allons à 6,5 noeuds de moyenne. Par comparaiso­n, en cas de pétole, le moteur, un espagnol de 3 cylindres, 25 CV va à 5,5 noeuds à 2000 tours.

D’où vient le nom de votre voilier ?

Adolescent, j’ai lu un récit d’aventures marines d’Yvon Mauffret, qui m’a beaucoup plu, intitulé Souviens-toi Jonathan, aux éditions Spirale. Et voilà !

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