Quatorze ans de « facétie programmatrice »
Jean-François Joguet a été programmateur de Face et Si de 2000 à 2014. Son ambition ? En faire un événement « populaire et familial à vocation culturelle ».
« Il y a un monde qui sépare l’édition de 2000 et celle de 2014 », commente d’entrée l’ancien programmateur, JeanFrançois Joguet, la tête pleine de souvenirs. En février 2000, quand il reprend le flambeau d’Olivier Langlois, Face et Si compte deux éditions à son actif. « L’enjeu du moment, c’est de regrouper les familles, de la commune d’abord, et d’organiser un événement populaire à vocation culturelle », se rappelle Jean-François.
Donner une identité au festival
C’est l’époque où, partout en France, des festivals fleurissent. Pour exister et tirer son épingle du jeu, l’événement doit avoir une identité propre. « Le calendrier ne nous laissait pas le choix dans la date, avance malicieusement Jean-François, et puis, septembre est souvent plus beau que juin ».
Surtout, « l’esprit que nous voulions imprimer, c’est de donner les conditions optimales à des artistes peu connus de rencontrer le public », relate l’ex-programmateur. « Faire découvrir des artistes, en jouant la carte de la proximité mais sans tomber dans la kermesse non plus », précise-t-il encore.
L’autre marque de fabrique et point d’honneur des organisateurs : « que l’ambiance prime sur le remplissage. »
Quelques fiertés…
Populaire, familial et culturel ? « On a fait venir des artistes tous azimuts, avec l’idée de proposer un mezze, une facétie programmatrice », s’enthousiasme Jean-François. Les quatorze éditions ont procuré « de grandes fiertés » à l’ancien étudiant en musicologie. Celle, par exemple, « de donner aux spectateurs l’opportunité, sur une même scène et le même jour, de voir du classique avec Quai n° 5, Juliette, Fred Tousch et Enrico Macias. » Ou bien encore, comme en 2005, de réussir « le grand écart de chapelles » en programmant le très confidentiel André Minvielle et la charismatique jurée de la Nouvelle star, Marianne James.
Il tenait à inviter les Adamo, Delpech et consorts - « mes vieux », comme le chambraient ses collègues - quitte à s’attirer aussi « les LOL des cultureux », s’amuse Jean-François. Cela n’a pas toujours été simple pour lui d’expliquer le line-up. « J’avais dégotté un chanteur diphonique, asiatique. J’entends encore Philippe Darniche me dire : «J’adore. C’est génial artistiquement mais il faut être réaliste et rassurer avec une tête de gondole» », rigole l’ex-programmateur. Le festival fonctionne avec un budget de 450 000 € - « 10 € par habitant », souligne Jean-François - et, pour bonne part, financé par les entrées du public. Une gageure, chaque année répétée, de promouvoir des artistes émergents et être attractif.
Il se souvient d’avoir fini par convaincre Zazie de venir à Face et Si. Pourtant, l’agent de la vedette doutait de la première partie : un duo expérimental entre le conteur Yannick Jaulin et l’accordéoniste diatonique, Sébastien Bertrand.
Pour Jean-François, le pari est gagné « quand les gens se rappellent autant des artistes découverts que des têtes d’affiches pour lesquelles ils sont venus exprès. »
…et pas mal d’émotions
Un an de préparation pour chaque édition n’empêche pas l’imprévu. Comme en 2008, « l’humoriste Nicolas Canteloup nous annonce trois jours avant le festival qu’il s’est cassé la jambe, victime d’une chute de cheval. Heureusement Smaïn l’a remplacé » (au pied levé pour ainsi dire). Ou, l’année suivante, « quand le groupe de disco funk, Earth wind and fire, a eu une extinction de voix et que Kid Creole and the coconuts a assuré la relève. »
Un cauchemar ? « 2005. Une année de pluie ! À l’époque, nous n’avions pas de loges en dur et seulement des seaux pour les toilettes… » De cette édition, Jean-François préfère se souvenir « du violoniste Gilles Apap qui donne un concert privé aux bénévoles. »
Les bénévoles - chevilles ouvrières du festival - « ce sont eux qui assurent l’ambiance. La qualité de leur accueil auprès des artistes contribue durablement à la réputation de Face et Si. Cela crée des liens et donne envie de revenir », observe Jean-François.
Pour lui, impossible de tourner le dos à Face et si, « j’y retourne tous les ans, c’est ma famille ! »