Le Journal du Pays Yonnais

La Légion d’honneur pour Robert Roirand

- Muriel Hillairet

Samedi 7 octobre, Robert Roirand, Genôt de 80 ans, s’est vu remettre les insignes de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur. Un jour pas comme les autres pour un homme discret. Rencontre.

Le Poiré-sur-Vie. « C’est du passé ». Il va le répéter plusieurs fois. Comme pour passer à autre chose. Pas envie d’en dire trop. Encore moins de remuer les émotions enfouies. Surtout pas de s’installer au premier rang.

Pour raconter Robert Roirand, il faut reprendre le fil par le début. « Je suis né le 8 avril 1937 ». L’avant-dernier d’une fratrie de sept enfants. La ferme familiale du Poiré est son terrain de jeu. Jusqu’à ce que le malheur frappe à la porte. « J’ai perdu ma maman quand j’avais 5 ans ». Quatre ans plus tard, c’est son papa qu’il enterre. « Léone, ma grande soeur, nous a élevés ». De cette enfance, il garde le goût du pain façonné à la maison. De la douceur des produits de la ferme. « Je n’ai jamais manqué ».

« Il ne faut pas tout expliquer »

A 14 ans, il apprend le boulot. Naturellem­ent. « J’aimais vraiment ça, la vie de l’exploitati­on ». Le service militaire le déracine à 20 ans. « Le 7 mai 1957 ». Date gravée dans la mémoire. « J’ai fait mes classes à Dinan dans les Côtes-d’Armor et, trois mois plus tard… » Le jeune Genôt débarque à Oran. « On ne savait pas ce qui nous attendait en Algérie ». Robert met les pieds dans une autre ferme. Camp de base des militaires français. La suite, c’est la terre des combats. « La guerre. Avec la compagnie opérationn­elle ». 24 mois « jour pour jour » collés aux armes. Soudés aux camarades. « On était une équipe ».

Ils le sont toujours, quand ils se retrouvent à six ou sept. « C’est là que nous, les femmes, on tend l’oreille », lâche Yvonne, son épouse. Ici qu’elles entendent des bribes. « Les autres ne peuvent pas imaginer », murmure Robert. Souvenirs de « collègues » qui

« déraillent » à cause du paludisme. De nuits sans sommeil. La poche laisse sortir un mouchoir. « On ne peut pas le dire. Il ne faut pas tout expliquer ». Ses mots oublient ses actes. Ses médailles se cachent dans un tiroir. « Il ne les a jamais portées. Trop lourdes », souffle Yvonne. Samedi, Robert Roirand a encore été « épinglé ». « Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur… Je ne m’y attendais pas du tout ». Il a dû

s’y préparer. « Mais s’il avait pu passer dans un trou de souris », sourit celle qui partage sa vie. Quelques mots écrits sur une feuille. Des remercieme­nts. Dans sa tête, certaineme­nt, une pensée pour son passé. « On a résisté. On est là. Pourvu que ça dure le plus longtemps possible… » Là, au milieu de ses trois enfants, six petits-enfants et un arrière. « Bientôt deux… » Cette vie qui gagne toujours. Cette vie qui l’a endurci. Celle qu’il chérit plus que tout.

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Pudique et humble, Robert Roirand a dû accepter la lumière, samedi 7 octobre.

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