Aubrac Immersion en terres oubliées
Posé sur un haut plateau de basalte couvert de vastes horizons dorés, l’Aubrac se dessine entre Aveyron, Cantal et Lozère. Son austère beauté s’entremêle de mystères. Parcourir ces terres oubliées parsemées de lacs, de cascades, de ruisseaux, de plantes r
Lovée au coeur de l’Aveyron, Rodez reste un incontournable, quel que soit le périple que vous programmez pour découvrir ce riche département. Ancienne cité comtale fortifiée, elle arbore encore d’anciens remparts composés d’ailleurs d’une partie de la façade de la cathédrale et des murs de l’évêché, visibles depuis les boulevards d’Estourmel et de Belle-Isle. Son vieux centre recèle des trésors, à tel point que la belle ai- merait bien figurer au Patrimoine mondial de l’Unesco. Baladez-vous dans ces denses rues bardées d’un noble bâti et de divers commerces. Erigée entre le 13e et le 14e siècle, la cathédrale Notre-Dame, toute de grès rose, est l’un des plus imposants édifices gothiques du sud de la France. Sa tour de clocher, haute de 87 mètres, reste encore la plus haute de l’Hexagone. A l’intérieur, ses stalles, toutes sculptées, sont pure merveille. Notez le retable monumental de la chapelle du Saint-Sépulcre et son illustration de la Mise au tombeau, datés du 16e. Le buffet du grand orgue est également remarquable. Autour de la cathédrale, le palais épiscopal, érigé en briques, éblouit d’élégance avec son escalier monumental à double volée. La maison canoniale, ancienne demeure des chanoines datée du 15e siècle, vaut également le coup d’oeil. Place Eugène-Raynaldy, le musée Fenaille d’histoire et d’archéologie présente la plus importante collection de statues-menhirs d’Europe, une étonnante exposition ! Le musée Soulages, avenue Victor-Hugo, est le dernier-né de Rodez. Son exposition, d’envergure internationale, accueille plus de 500 oeuvres de l’artiste Pierre Soulages : des gravures, peintures, lithographies, sérigraphies, eaux-fortes… qui mettent en relief tout le processus de l’artiste. On s’intéresse aux travaux préparatifs des vitraux de Conques, aux peintures aux brous de noix, aux encres et à ses Outrenoirs, d’une subtilité extrême.
Le Causse Comtal, porte de l’Aubrac
Pour rejoindre la porte de l’Aubrac depuis Rodez, on tient compagnie à la blondeur du Causse Comtal, quelques poignées de kilomètres avant d’atteindre Bozouls. La petite cité se découvre au détour d’une steppe parsemée de genévriers et de chênes, dans la splendeur d’un cirque minéral. Frangeant dangereusement le canyon de Bozouls, les vieilles demeures éparpillées de part et d’autre de l’église romane reflètent la blancheur de leur pierre calcaire sous leur toit de lauze. Il ne reste rien du château comtal. Tout en bas, le Dourdou continue de sculpter inlassablement ce trou en forme de fer à cheval de 400 mètres de diamètre pour 100 mètres de hauteur. La vue est époustouflante. Tout en bas, la nature a également bien travaillé puisque la zone est classée Espace naturel sensible. Elle abrite une faune et une flore admirables. En vous promenant sur l’un des sentiers aménagés en parcours botanique, vous rencontrerez peut-être Guillaume Viala, chef étoilé du restaurant le Belvédère, en train de faire sa cueillette d’herbes locales. Ces plantes prodiges inspirent merveilleusement la cuisine de cet enfant du pays, virtuose du goût. L’étape gastronomique est toute recommandée ! Vous y dégusterez une farandole de saveurs nées d’associations improbables et subtiles qui émerveilleront les palais, même les moins aguerris. Et pour accompagner ce menu gourmet, Christine Viala, aussi passionnée et charismatique que son mari, vous proposera un accord parfait avec des vins finement choisis. Ceux qui veulent en savoir un peu plus sur le “Trou de Bozouls” pourront toujours pousser la porte du musée interactif Terra
Memoria qui propose au public maquettes géantes, expériences, manipulations et ateliers divers pour percer le secret de cette curiosité géologique. Un peu plus haut, faites halte à Espalion. La jolie cité fortifiée s’épanouit de part et d’autre du Lot, entre le Causse Comtal et le plateau de l’Aubrac. Il fait bon flâner dans ses rues abritant encore des maisons médiévales. Notez le portail de la chapelle du couvent des Ursulines dont le linteau arbore encore le blason des seigneurs de Calmont, fondateurs de l’édifice. Dans le vieux centre, l’ancienne église Saint-Jean-Baptiste, toute de rouge vêtue, accueille aujourd’hui deux musées. Au rezde-chaussée, vous retrouvez le musée du Scaphandre. Contre toute attente, celui-ci n’aurait pas été inventé par Cousteau mais plutôt par deux Espalionnais, Benoît Rouquayrol et Auguste Denayrouze, qui mirent au point le premier scaphandre autonome moderne de l’histoire de la plongée. Jules Verne s’était d’ailleurs inspiré de leur invention pour équiper le capitaine Nemo dans son roman “20 000 lieues sous les mers”. Au premier étage, c’est le musée des Arts et Traditions Joseph-Vaylet qui vous présente un intérieur typiquement rouegat du 19e siècle, enrichi d’une superbe collection de bénitiers de chevet. Enjambez alors le pont vieux – daté du 11e siècle, il est le plus ancien monument de la ville –, vous aurez là le meilleur point de vue sur les calquières, ces anciennes tanneries décorées d’un balcon de bois en encorbellement et qui bordent le fleuve. Elles arborent encore à leur base de larges pierres plates disposées en escalier : ces gandouliers servaient à laver les peaux. Un peu plus loin, le vieux palais im- pose sa massive silhouette de style Renaissance qui accueille actuellement des artistes. Alliant finesse du détail et robustesse, l’édifice est de toute beauté. Quel que soit l’endroit où vous vous situez dans la cité vous aurez sûrement remarqué ce magnifique monument assis sur son éperon volcanique qui domine la ville et la vallée du Lot. Le château fort de Calmont-d’Olt, construit durant la guerre de Cent Ans, est un remarquable exemple de défensive médiévale.
Donjon de l’An Mil
Abandonné au 17e siècle, il est ensuite sauvé par des locaux qui se sont constitués en association. A côté des visites, celle-ci propose tout un passionnant calendrier d’ateliers et de manifestations. Les plus petits pourront se déguiser en chevaliers et princesses et tous pourront découvrir cet impressionnant donjon de l’An Mil, encore flanqué d’un rempart à huit tours, et muni de ses bombardes, arquebuses et bâtons à feu. Prenez maintenant la direction de l’église romane de Perse, un peu à l’écart dans la campagne. Vous serez séduit par cet édifice sacré, un bel exemple d’art roman en Rouergue, arborant encore un sublime clocher-peigne. Son tympan remarquable illustre le thème de la Pentecôte. Notez sa belle abside à 5 pans. A l’intérieur, contemplez les chapiteaux et les fresques. Poursuivez maintenant au nord sur Laguiole. En chemin, faites une halte à l’abbaye cistercienne de Bonneval, fondée en 1147 et occupée aujourd’hui par des religieuses trappistes vivant de leur travail monas-
tique : la fabrication de chocolat ! La chocolaterie, créée par ces moniales en 1878, est réputée dans tout le pays aveyronnais. Fourrés au praliné, malakoffs, bouteilles de liqueurs, tablettes, napolitains et autres merveilles cacaotées vous feront succomber ! Traversez ensuite le charmant village de pierre sèche de Cayrol pour atteindre la fameuse cité des couteliers. Là, vous n’aurez que l’embarras du choix pour visiter les boutiques exposant chacune, selon leur style et leur créativité, les différents designs de lames tranchantes qui ont fait sa renommée. Faites un tour à la fromagerie Les Buronniers, place de la Pâte-d’Oie, pour y déguster les différentes tommes AOP de Laguiole avant de vous décider sur le choix de l’affinage qui séduit votre palais. Juste en face, la boulangerie vend les meilleures fouaces de l’Aubrac… Et, à côté, la charcuterie de la Maison Conquet finira de vous combler ! Les petites routes de l’Aubrac vous guident ensuite vers Saint-Urcize, dans le Cantal. Elles s’invitent discrètement dans ces vastes horizons vallonnés d’herbe rase, surlignés ici et là de bois de fayards et délimités par des murets de granit. Dans les pâturages, des troupeaux d’Aubrac paissent tranquillement durant l’estive : de superbes vaches laitières, à la robe fauve, reconnaissables au contour noir maquillant naturellement leurs yeux, qui ruminent joyeusement trèfles, salsifis, fenouils et autres herbes grasses. Un véritable nirvana dédié aux bovins ! Saint-Urcize se devine au détour d’une courbe, lové dans un chapelet de verdure. Par ici, le terrain est plutôt granitique. Les maisons de pierre taillée, aux tons gris et chapeautées d’écailles de lauze, affichent fièrement une austérité monochrome, révélant finalement élégance et raffinement. Elles offrent un bel exemple d’architecture en Aubrac avec leurs toits pentus coiffés de lucarnes et l’ancienne partie étable, attenante aux pièces à vivre, qui servait également de chauffage naturel. Prenez les escaliers qui montent à la Vierge pour avoir une vue imprenable sur les toits et le village avant de vous rendre dans l’église romane, remaniée au 14e siècle. De proportion modeste, elle arbore tout de même une belle abside. A l’intérieur, elle offre un espace circulaire tout habillé d’un noble mobilier jusque dans son déambulatoire. Dans une niche, elle abrite le calice de la dernière messe de Louis XVI. De style épuré, ce petit bijou d’église distille un charme incroyable. Basculez maintenant sur la Lozère pour rejoindre Nasbinals. Le paysage se partage entre forêts de hêtres et champs, traversé par le serpent d’eau du Bès. La rivière principale de l’Aubrac, réputée pour être poissonneuse, est très appréciée des pêcheurs à la mouche mais aussi des baigneurs. Vous apercevrez la station de ski nordique du Fer à Cheval avant d’arriver sur le pittoresque village, tout en pierre. A partir d’ici, vous entamez la route des lacs. L’Aubrac est également un pays d’eau avec ses étangs, ses ruisseaux et ses cascades. Vous remarquerez d’ailleurs ces nombreuses croix de granit implantées sur le plateau et dont certaines ont pour fonction de marquer la jonction de deux courants d’eau. Ce vaste no man’s land vous suggère tout un panel d’émotions inattendues ! La route grimpe, l’air de rien, au-dessus de ce relief de vallons. Le paysage alterne entre hautes prairies couvertes d’herbe blonde et îlots de conifères. Salhiens, Souveyrols, Saint-Andéol, Le Born et son buron qui atteint le record d’aligots servis par jour. Vous n’êtes pas loin du col de Bonnecombe, culminant à plus de 1 350 mètres. Ici, on retrouve d’au-
tres locataires saisonnières, les fameuses vaches d’Aubrac. L’occasion vous est donnée de faire halte à l’étang de pêche du col, agréable oasis de fraîcheur, une tâche d’encre saphir contrastant avec cet immense champ granitique. Les lacs d’Aubrac ont quelque chose de féerique. Etendues aquatiques improbables pointillant cet humble toit du monde qu’est l’Aubrac, elles vous fascinent. La D52 est sûrement l’une des routes les plus marquantes de la Lozère.
Granit et basalte
Revenez alors sur vos pas, au niveau du lac de Salhiens pour prendre la direction de la cascade de Déroc. A 5 minutes de marche, la belle chute déploie ses gouttes d’argent jusque sur un sublime orgue de basalte. Juste derrière le rideau d’eau, la cavité était anciennement connue pour abriter des brigands. Aventurez-vous sur les routes traversières pour rejoindre Marchastel. La période glacière a charrié sur ces hauts plateaux volcaniques des blocs de granit qui décorent maintenant les pâturages également coiffés de “prouts de basalte”. Le tout offre un paysage lunaire saisissant de beauté ! N’hésitez pas à arpenter, à pied, les sentiers qui longent les clôtures formant quelquefois de véritables drailles bordées de plus de 1 400 espèces florales et champêtres la plupart de l’année. Vous profiterez d’une vue imprenable sur l’Aubrac ! Posez-vous également dans le petit hameau de Rieutortd’Aubrac le temps de partir à la découverte de son authentique four communal, de ses abreuvoirs et de son ancien travail. Là aussi, n’hésitez pas à vous perdre dans ses sentiers. Et puis rebroussez chemin pour retraverser le pont de Bès, direction Nasbinals. Filez alors sur Aubrac en empruntant son joli col qui culmine tout de même à 1 340 mètres d’altitude. Le petit hameau se découvre regroupé autour de son église massive et de sa domerie. Etape sur les chemins de Compostelle, cet ancien hôpital monastique fondé au début du 12e siècle par l’abbaye de Conques accueillait aussi les malades et les indigents. Juste à côté l’imposante tour des Anglais fut construite au 15e siècle pour protéger l’hôpital durant la guerre de Cent Ans. Elle loge aujourd’hui des randonneurs. Un peu plus bas, vous trouverez la Maison de l’Aubrac qui dispose d’une panoplie de supports pour vous faire découvrir cette singulière région. L’espace expositions vous la présente à travers photographies, tableaux, objets et autres oeuvres d’artistes mais également à travers une belle collection d’antiquités. Au bureau de tourisme, une équipe vous conseille sur les itinéraires, les randonnées et les incontournables à ne pas manquer. L’espace gourmand vous propose des tartines salées et sucrées, tandis que la boutique expose et vend le terroir et l’artisanat de la contrée. Face à la fontaine, le restaurant Chez Germaine est une véritable institution ! L’établissement est le seul en Aubrac à servir l’aligot depuis 1742, et ce, sans interruption. Dans la salle à manger, c’est la fille de Germaine qui régale maintenant les convives. Elle sert à volonté de grandes assiettes d’aligot qu’elle file avec dextérité et coupe aux ciseaux. Les plats sont accompagnés au choix de salade, de canard, de saucisse ou de boeuf. Gardez absolument de la place pour le dessert. Il faut absolument goûter aux gargantuesques tartes aux fruits rouges d’Adrienne ! Dirigez-vous sur la D219 pour redescendre dans la vallée du Lot. A droite, le lac des Moines n’est autre que la réserve d’eau de