Le Monde du Camping-Car

Escapade : les Carrières de Lumières.

Imaginez d’anciennes carrières de pierre creusées dans le calcaire du Val d’Enfer, aux Baux-de-Provence. Rebaptisée­s Carrières de Lumières, elles offrent un spectacle multimédia où, cette année, cinq peintres espagnols déploient leur talent.

- Octobre 2018 - n° 305 LE MONDE DU CAMPING-CAR Texte : Patrick Géraud

Oubliez tout et plongez dans l’univers extraordin­aire de Picasso et de maîtres espagnols, peut-être moins connus, qui l’ont précédé. Ce spectacle extraordin­aire se déroule dans un lieu immense et insensé où leurs peintures vivent sous nos yeux. Creusées au fil des années, les carrières alimentaie­nt en blocs de calcaire la constructi­on de la cité des Baux et de son château.

Après leur fermeture, elles sont utilisées comme plateau de tournage pour Le Testament d’Orphée de Jean Cocteau en 1959. Dans une salle attenante, un courtmétra­ge retrace la vie du poète de belle manière. Depuis quelques années, les carrières accueillen­t des spectacles de son et lumière uniques au monde. Jusqu’au 6 janvier 2019, la rencontre avec Goya, Rusiñol, Zuloaga, Sorolla et Picasso investit les sept mille mètres carrés qui servent de support à la projection de milliers d’images de leurs chefs-d’oeuvre.

Sur les parois calcaires de quatorze mètres de haut, certaines parties des tableaux sont agrandies. Les détails deviennent gigantesqu­es et le trait de pinceau révélé. Servie par une technologi­e innovante, la projection en très haute définition nous plonge dès la première image en complète immersion. On peut venir avec des enfants. C’est l’endroit idéal pour les initier à l’art en dehors des musées, sans redouter qu’ils ne dégradent des oeuvres dans leur enthousias­me. Impression­nés au début, ils s’enhardisse­nt peu à peu.

Sans crainte, ils touchent les parois comme s’ils voulaient retenir un peu de peinture ou saisir une parcelle du génie de ces artistes. Parents et enfants vont et viennent entre les colonnes de pierre et ne savent plus où donner de la tête. On regarde, fascinés, ces déferlante­s de couleurs qui viennent conquérir les cimaises de calcaire et tapisser le sol sous nos pieds. Entouré d’images géantes devenues fresques murales, on déambule comme dans un rêve. C’est une valse de formes et de couleurs. On voyage des scènes champêtres et galantes de Goya, aux jardins impression­nistes du peintre Rusiñol. À l’art du portrait et aux scènes

folkloriqu­es de Zuloaga, répondent des bords de mer, le mouvement des vagues et les blancs incandesce­nts de Sorolla. Des musiques différente­s nous entraînent d’oeuvre en oeuvre, soulignent les motifs et amplifient les émotions dans un fantastiqu­e dialogue d’images et de sons. Sans prévenir, la tornade Picasso déferle et recrée tout. Par un jeu de projection, on assiste à la constructi­on de ses peintures. Associé à des images d’archives en temps de guerre d’Espagne, Guernica prend forme et délivre son message. Puis, comme un hymne à la vie, les femmes de sa vie et leurs visages multiples irriguent les parois. C’est la joie retrouvée et déjà exprimée puissammen­t, en 1922, par la peinture Deux femmes courant sur la plage, magnifique­s de liberté.

Les années “sixties”

Entre deux projection­s de Picasso et les maîtres espagnols, un programme court intitulé Flower Power, dédié à la pop culture, embrase la pénombre de couleurs vives. On voyage dans une ville imaginaire, où des fleurs surgissent sur des façades, poussent à vive allure, changent de teintes au gré des musiques composées par Simon et Garfunkel et bien d’autres dont les noms des compositeu­rs et le titre des chansons tardent parfois, dans notre mémoire, à se préciser.

Nous sommes en plein dans les années soixante où la liberté est chantée comme un hymne à la joie par les Beatles qui convoquent le Pop Art et des souvenirs hippies sur les parois aussi sûrement que les improvisat­ions à la guitare de Jimi Hendrix vont accompagne­r un déferlemen­t d’images psychédéli­ques.

En complète immersion, on ne sait plus si c’est la musique ou les images qui guident nos pas. Les sixties qui accompagne­nt de ballades nos balades entre les colonnes illustrent la douce folie créatrice des musiciens, des dessinateu­rs comme autant de pieds de nez à la morosité. C’est une belle récréation concoctée par le studio Danny Rose qui fait naître des allures chaloupées et des sourires aux yeux rieurs, chez chaque visiteur.

Les Baux et son château

Le village entouré de vignes et d’oliviers se dresse, sublime et fier, comme un vaisseau de pierre amarré aux flancs des Alpilles. Classé parmi les plus beaux villages de France, il doit à l’époque de la Renaissanc­e son élégant cachet. Rues et places aux belles façades sont baignées de soleil, festoyées de galeries et de boutiques d’artisans. Le musée du peintre Yves Brayer exalte la Méditerran­ée et accueille cette année des aquarelles de Signac, tandis que le Musée des santons chantonne de tradition et de collection­s uniques. Du château des Baux, siège de nombreuses batailles, il

ne reste que des vestiges. Il conserve cependant l’attrait indéniable des pierres qui ont traversé les siècles. En début de visite, dans la chapelle Sainte-Blaise, la projection permanente du film La Provence vue du ciel permet de découvrir les plus beaux lieux de la région. Aujourd’hui, l’enceinte du château qui s’étend sur sept hectares est devenue un “terrain de jeux”.

Des ateliers et des activités de plein air font revivre la période située entre Moyen Âge et Renaissanc­e. Tours et donjons, chapelle et passages souterrain­s racontent l’histoire tumultueus­e des seigneurs des Baux. Cinq machines de siège, copies fidèles de taille réelle, témoignent des tactiques militaires médiévales. Bientôt, catapulte, trébuchet, couillard, bricole et bélier n’auront plus de secret pour vous. Pour couronner la visite, on s’installe en haut de son imposant donjon pour survoler ainsi le village, la chaîne des Alpilles et le coeur de la Provence qui s’en va battre jusqu’en Méditerran­ée.

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 ??  ?? 1. Francisco de Goya, Le Parasol, 1777, huile sur toile, Madrid, Museo del Prado. © Prado, Madrid, Spain/Bridgeman Images 2. Les Enfants dans la mer est une oeuvre de Joaquin Sorolla considéré comme le plus grand peintre impression­niste espagnol. 3. Petite place dominant le vallon de la Fontaine. L’intérieur de la chapelle des Pénitents blancs est décoré de fresques d’Yves Brayer. 2
1. Francisco de Goya, Le Parasol, 1777, huile sur toile, Madrid, Museo del Prado. © Prado, Madrid, Spain/Bridgeman Images 2. Les Enfants dans la mer est une oeuvre de Joaquin Sorolla considéré comme le plus grand peintre impression­niste espagnol. 3. Petite place dominant le vallon de la Fontaine. L’intérieur de la chapelle des Pénitents blancs est décoré de fresques d’Yves Brayer. 2
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Fier et beau, le village des Baux domine le Val d’Enfer, regarde la chaîne des Alpilles et le temps qui passe n’a pas de prise sur lui.
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© Cultureses­paces/Éric Spiller 2. Flower Power, un programme court qui vous entraîne en couleurs et chansons dans les années soixante. © Dany Rose/Patrick Géraud C’est l’endroit idéal pour visiter les domaines des vignerons des Baux. Leurs vins sont depuis 1995 classés en AOP Les Baux de Provence. 1. Les Éventails, oeuvre d’Ignacio Zuloaga. Vous découvrire­z aussi son talent de portraitis­te.
 ?? © Succession Picasso 2018. Photo © Peter Willi/Bridgeman Images © Bridgeman Images. ?? 3. Pablo Picasso : Deux femmes courant sur la plage (La course), 1922, Gouache sur contreplaq­ué, Musée national Picasso, Paris.4. Pablo Picasso : Garçon à la pipe, 1905, Acrobate et jeune arlequin, 1905, huile sur toile, collection privée. La Famille d’acrobates, 1905, Goteborgs Konstmuseu­m. Acrobate à la boule, 1905, Pushkin Museum Moscou.
© Succession Picasso 2018. Photo © Peter Willi/Bridgeman Images © Bridgeman Images. 3. Pablo Picasso : Deux femmes courant sur la plage (La course), 1922, Gouache sur contreplaq­ué, Musée national Picasso, Paris.4. Pablo Picasso : Garçon à la pipe, 1905, Acrobate et jeune arlequin, 1905, huile sur toile, collection privée. La Famille d’acrobates, 1905, Goteborgs Konstmuseu­m. Acrobate à la boule, 1905, Pushkin Museum Moscou.
 ?? Famille de saltimbanq­ues, 1905, National Gallery of Art Washington.
5. Tout comme son oeuvre tentaculai­re, l’image de Picasso est multiple. ©succession Picasso 2018. ?? © Washington, National Gallery of Art © Succession Picasso 2018 © Succession Picasso 2018. Photo : © Cultureses­paces/Éric Spiller
Famille de saltimbanq­ues, 1905, National Gallery of Art Washington. 5. Tout comme son oeuvre tentaculai­re, l’image de Picasso est multiple. ©succession Picasso 2018. © Washington, National Gallery of Art © Succession Picasso 2018 © Succession Picasso 2018. Photo : © Cultureses­paces/Éric Spiller
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© Culturespa­ces/Danny Rose

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