Escapade : les Carrières de Lumières.
Imaginez d’anciennes carrières de pierre creusées dans le calcaire du Val d’Enfer, aux Baux-de-Provence. Rebaptisées Carrières de Lumières, elles offrent un spectacle multimédia où, cette année, cinq peintres espagnols déploient leur talent.
Oubliez tout et plongez dans l’univers extraordinaire de Picasso et de maîtres espagnols, peut-être moins connus, qui l’ont précédé. Ce spectacle extraordinaire se déroule dans un lieu immense et insensé où leurs peintures vivent sous nos yeux. Creusées au fil des années, les carrières alimentaient en blocs de calcaire la construction de la cité des Baux et de son château.
Après leur fermeture, elles sont utilisées comme plateau de tournage pour Le Testament d’Orphée de Jean Cocteau en 1959. Dans une salle attenante, un courtmétrage retrace la vie du poète de belle manière. Depuis quelques années, les carrières accueillent des spectacles de son et lumière uniques au monde. Jusqu’au 6 janvier 2019, la rencontre avec Goya, Rusiñol, Zuloaga, Sorolla et Picasso investit les sept mille mètres carrés qui servent de support à la projection de milliers d’images de leurs chefs-d’oeuvre.
Sur les parois calcaires de quatorze mètres de haut, certaines parties des tableaux sont agrandies. Les détails deviennent gigantesques et le trait de pinceau révélé. Servie par une technologie innovante, la projection en très haute définition nous plonge dès la première image en complète immersion. On peut venir avec des enfants. C’est l’endroit idéal pour les initier à l’art en dehors des musées, sans redouter qu’ils ne dégradent des oeuvres dans leur enthousiasme. Impressionnés au début, ils s’enhardissent peu à peu.
Sans crainte, ils touchent les parois comme s’ils voulaient retenir un peu de peinture ou saisir une parcelle du génie de ces artistes. Parents et enfants vont et viennent entre les colonnes de pierre et ne savent plus où donner de la tête. On regarde, fascinés, ces déferlantes de couleurs qui viennent conquérir les cimaises de calcaire et tapisser le sol sous nos pieds. Entouré d’images géantes devenues fresques murales, on déambule comme dans un rêve. C’est une valse de formes et de couleurs. On voyage des scènes champêtres et galantes de Goya, aux jardins impressionnistes du peintre Rusiñol. À l’art du portrait et aux scènes
folkloriques de Zuloaga, répondent des bords de mer, le mouvement des vagues et les blancs incandescents de Sorolla. Des musiques différentes nous entraînent d’oeuvre en oeuvre, soulignent les motifs et amplifient les émotions dans un fantastique dialogue d’images et de sons. Sans prévenir, la tornade Picasso déferle et recrée tout. Par un jeu de projection, on assiste à la construction de ses peintures. Associé à des images d’archives en temps de guerre d’Espagne, Guernica prend forme et délivre son message. Puis, comme un hymne à la vie, les femmes de sa vie et leurs visages multiples irriguent les parois. C’est la joie retrouvée et déjà exprimée puissamment, en 1922, par la peinture Deux femmes courant sur la plage, magnifiques de liberté.
Les années “sixties”
Entre deux projections de Picasso et les maîtres espagnols, un programme court intitulé Flower Power, dédié à la pop culture, embrase la pénombre de couleurs vives. On voyage dans une ville imaginaire, où des fleurs surgissent sur des façades, poussent à vive allure, changent de teintes au gré des musiques composées par Simon et Garfunkel et bien d’autres dont les noms des compositeurs et le titre des chansons tardent parfois, dans notre mémoire, à se préciser.
Nous sommes en plein dans les années soixante où la liberté est chantée comme un hymne à la joie par les Beatles qui convoquent le Pop Art et des souvenirs hippies sur les parois aussi sûrement que les improvisations à la guitare de Jimi Hendrix vont accompagner un déferlement d’images psychédéliques.
En complète immersion, on ne sait plus si c’est la musique ou les images qui guident nos pas. Les sixties qui accompagnent de ballades nos balades entre les colonnes illustrent la douce folie créatrice des musiciens, des dessinateurs comme autant de pieds de nez à la morosité. C’est une belle récréation concoctée par le studio Danny Rose qui fait naître des allures chaloupées et des sourires aux yeux rieurs, chez chaque visiteur.
Les Baux et son château
Le village entouré de vignes et d’oliviers se dresse, sublime et fier, comme un vaisseau de pierre amarré aux flancs des Alpilles. Classé parmi les plus beaux villages de France, il doit à l’époque de la Renaissance son élégant cachet. Rues et places aux belles façades sont baignées de soleil, festoyées de galeries et de boutiques d’artisans. Le musée du peintre Yves Brayer exalte la Méditerranée et accueille cette année des aquarelles de Signac, tandis que le Musée des santons chantonne de tradition et de collections uniques. Du château des Baux, siège de nombreuses batailles, il
ne reste que des vestiges. Il conserve cependant l’attrait indéniable des pierres qui ont traversé les siècles. En début de visite, dans la chapelle Sainte-Blaise, la projection permanente du film La Provence vue du ciel permet de découvrir les plus beaux lieux de la région. Aujourd’hui, l’enceinte du château qui s’étend sur sept hectares est devenue un “terrain de jeux”.
Des ateliers et des activités de plein air font revivre la période située entre Moyen Âge et Renaissance. Tours et donjons, chapelle et passages souterrains racontent l’histoire tumultueuse des seigneurs des Baux. Cinq machines de siège, copies fidèles de taille réelle, témoignent des tactiques militaires médiévales. Bientôt, catapulte, trébuchet, couillard, bricole et bélier n’auront plus de secret pour vous. Pour couronner la visite, on s’installe en haut de son imposant donjon pour survoler ainsi le village, la chaîne des Alpilles et le coeur de la Provence qui s’en va battre jusqu’en Méditerranée.