Du Nord à la Wallonie : célébrer l’art de vivre
Monts et cités de Flandre, merveilles littorales… La surprenante beauté du Nord-Pas-de-Calais se décline dans les territoires ruraux et intimistes du Hainault et de l’Avesnois. La Wallonie offre de belles virées bucoliques en campagne, mais également un remarquable patrimoine religieux et gourmand à vivre en fonction des saisons.
Le pied posé sur le sol lillois et voilà que l’on se connecte en un claquement de doigts au bon vivre des Hauts-de-France. Aux mauvaises langues qui laisseraient courir qu’il pleut tout le temps à Lille, les Ch’tis leur répondent par un simple sourire, mais pas n’importe lequel… Un de ces sourires qui vous balaient radicalement toute grisaille intérieure. En fait, le Nord-Pas-de-Calais se découvre plein de richesses. Dans le vieux centre de la cité, rendez-vous sur la Grand’Place. Jusqu’au XIXe siècle Lille était encore établie de part et d’autre de la Deûle. Capitale du comté de Flandre, elle devient espagnole en même temps que propriété de Charles Quint au XVIe siècle, avant que Louis XIV ne la conquière pour l’annexer au royaume de France. Sur la vaste place et les axes alentour, les façades excellent de styles et d’élégance. Le style flamand orné est facilement reconnaissable, il habille d’ailleurs la vieille bourse, celle qui accueillait les nobles commerçants au XVIIe siècle. Composée de vingtquatre maisons se distribuant autour d’une galerie d’arcades aux pilastres ornementés de splendides cariatides, elle accueille aujourd’hui dans sa cour une ribambelle de bouquinistes. Sur les autres façades, les styles se mélangent, se dépouillent à mesure que le Roi-Soleil gagne en influence sur la cité. Le décor devient plus sobre et emprunte au classicisme. À côté du Théâtre du Nord justement très classique, le bâtiment de La Voix du Nord abritait l’ancien journal résistant L’Écho du Nord. Cet édifice monté sur huit étages d’inspiration néoflamande est une véritable institution. Juste derrière, la Petite Place (Place du Théâtre) abrite l’Opéra et la Nouvelle Bourse (Chambre de Commerce) bien connue pour son beffroi dont le carillon sonne l’hymne européen et la berceuse P’tit Quinquin. Dans les rues traversières, les nobles demeures affichent encore quelques sublimes détails architecturaux. Rue de la Bourse, admirez la Maison aux angelos. La rue de la GrandeChaussée ne faillit pas à la tradition textile de la contrée, toute parée qu’elle est de commerces, version luxe. Un peu plus loin, les anciens quais de la Basse-Deûle – reconvertis en espaces verts pour plus de salubrité – offrent une belle respiration à la ville. En face, l’îlot Comtesse, pitto-
resque, se compose de vieilles maisons médiévales. Le Musée Comtesse construit dans un ancien hôpital sous l’initiative de la comtesse de Flandre expose de belles oeuvres illustrant la vie lilloise jusqu’à la Révolution. Place Gilleson, on admire la façade moderne de la cathédrale NotreDame-de-la-Treille composée de fines feuilles de marbre qui se laissent traverser par la lumière. Elle est flanquée d’un portail de bronze et de verre fumé sur lequel s’accrochent des groupes de dormeurs. Les gourmands se précipiteront dans la rue au Pétérinck pour déguster les Merveilleux de Fred et rue Esquermoise pour goûter au pain de la boulangerie Alex Croquet. Ici, le levain est bio et l’eau provient d’une source. Les restaurants pullulent dans la cité, du gastro au bistrot en passant par les fameux estaminets, l’offre s’adapte à toutes les papilles en mal de bon terroir. Mais attention, gardez une place pour les délicieuses gaufres de Jean-François Brigant, installé sur Houpline !
Immersion flamande
Situé à une poignée de kilomètres de Lille, à Houpline, le Petit Musée de la gaufre est également un atelier de fabrication qui reçoit le public. C’est autour de quelques magnifiques exemplaires de feux flamands couverts de gaufriers chinés que JeanFrançois raconte l’histoire et les traditions liées au succulent biscuit fourré : « La gaufre flamande est un fin biscuit qui accueille un fourrage habituellement de vergeoise, de vanille ou de liqueur de genièvre de Houlle. Les grands-mères les préparaient pour leurs petits-enfants qui venaient lui souhaiter la bonne année. » Classiques, alcoolisées, fleuries, originales… JeanFrançois confectionne ainsi douze parfums différents de gaufres. Leur point commun : une texture et un goût absolument authentiques qui s’équilibrent avec le fourrage. Une qualité que seul un artisan peut assurer. La dégustation est incontournable, elle est magique ! Direction maintenant Steenwerck. Ce charmant petit village, composé de maisonnées toutes vêtues de briques rouges, vaut le détour. Son Musée de la vie rurale – plus de 1 500 m2 aménagés dans une ancienne ferme du XVIe siècle – est un véritable petit bijou. Il met en scène un siècle d’histoire (de 1850 à 1950) et fait revivre les anciens métiers, commerces et traditions d’antan, grâce à d’abondantes donations. Prêt pour un atelier d’écriture à la plume sur un ancien banc d’école ? Le musée propose une kyrielle d’activités et d’événements. Cap ensuite sur Bailleul, pour profiter de son marché traditionnel, de sa foisonnante et remarquable architecture flamande et son beffroi daté du XIIe siècle enregistré à l’Unesco. D’une hauteur de soixante-deux mètres, il est coiffé d’un bulbe sur lequel trône la sirène Mélusine. À sa base, on profite de visiter la salle gothique, ancienne salle des gardes, qui est également classée. Les amateurs d’art honoreront le Musée Benoît-de-Puydt, splendide bâtisse accueillant une exceptionnelle collection d’oeuvres flamandes du XVe au XIXe siècle, léguées à la ville par leurs propriétaires en 1859. Plus loin, à Boeschepe, on s’allonge dans l’herbe au pied du vieux moulin à vent qui murmure à qui sait l’entendre ses histoires passées. On se restaure à l’excellent Estaminet qui lui fait face. Et puis, on gravit le mont des Cats, jusqu’à l’abbaye, pour embrasser du regard les courbes douces de la plaine flamande avant peut-être de découvrir et tester les bières et les fromages trappistes. On redescend alors sur Godewaersvelde, connu pour ses nombreux et traditionnels estaminets, pour faire un tour au Musée de la vie frontalière. Mêmes traditions, une culture proche et pourtant deux pays distincts. Cet espace muséal permet de découvrir les contextes et les hommes de la frontière : douaniers et fraudeurs, objets de contrefaçon… Un univers insolite, des histoires vieilles comme le monde. Un peu plus à l’ouest, Terdeghem ne manque pas de charme avec ses petites maisons de caractère et ses vieux manoirs de brique et de pierre aux toits vernissés, son église à trois nefs typique de la région. Ce petit village patrimoine fait partie des “Villages préférés des Français”. On rejoint alors le bourg médiéval de Cassel pour faire étape au Jardin du Mont des Récollets, un ensemble de dix-sept remarquables compositions, toutes d’inspiration flamande et aménagées autour d’une ancienne ferme locale. Dans la cité, on longe les restes de fortifications, on grimpe à la porte du château – là où trône l’un des derniers moulins à vent de Cassel – pour également profiter du panorama sur les toits de la ville et la plaine au loin. Sur la Grand’Place, le Musée départemental de Flandre occupe l’Hôtel de la Noble-Cour, reconnaissable à ses sculptures grotesques habillant
sa belle façade du XVIe siècle. À l’intérieur, on y découvre l’une des plus riches collections d’art flamand de France. Direction le nord maintenant, pour faire une petite halte à Esquelbecq, le temps de se fondre dans l’atmosphère tranquille du village et y admirer son église Hallekerque – à trois nefs – et goûter à la bière artisanale avant de poursuivre sur Bergues. La petite cité fortifiée a retrouvé ses esprits et son calme légendaire après l’effet Bienvenue chez les Ch’tis. On aime arpenter son chemin de ronde, vers le nord, pour rejoindre les vestiges de l’ancienne abbaye romane Saint-Winoc, avec sa tour pointue et carrée, trônant au milieu du jardin public. On part à l’assaut des cent quatre-vingttreize marches du beffroi pour admirer le mécanisme du carillon mais surtout pour profiter de la superbe vue sur les toits du village. On se repose en flânant autour de l’église hallekerque Saint-Martin avant de rejoindre le littoral et les dunes de Zuydcoote.
Littoral onirique
Depuis la dune Marchand, on admire ce paysage sauvage et la vastitude de la plage au sable fin caressé par le va-et-vient in- cessant des cueilleurs de coquillages. À quelques encablures, Dunkerque se révèle rutilante de vie. Depuis la terrasse de son beffroi – muni d’un ascenseur –, on profite de la vue sur la ville, l’hôtel de ville coiffé d’un superbe beffroi, l’église SaintÉloi qui n’a jamais réussi à se rattacher à lui et de l’autre côté, sur le port. On devine le quartier Grand Large avec ses bâtiments argentés à gâbles. Derrière, la passerelle mène à la plage Malo-les-Bains flanquée de magnifiques maisons art nouveau et de terrasses de restaurants. On tente les moules “pleine mer” de Dunkerque. En revenant sur le port, on fait halte au Musée portuaire qui dédie un magnifique espace aux métiers de la mer, aux dockers et aux pêcheurs islandais, on s’offre une visite du port en bateau. À une demiheure de là, la cité citadelle de Gravelines rend un autre hommage à Vauban. On profite d’une balade, cette fois en bateau électrique, dans les douves séparées de la mer et du port par des écluses. On visite le phare de Petit-Fort. La promenade sur la jetée a quelque chose d’onirique. De l’autre côté, la Maison de la mer de GrandFort-Philippe raconte la vie des pêcheurs islandais. On se régale d’un flanc de saumonette et d’un knipper fumé à la Sauris- serie Janin, tout en se grisant des brumes iodées en provenance du large.
Du Hautenais à l’Avesgeois
Au sud de Lille, c’est le pays de l’Hautenais qui s’introduit par la visite de la Maison de la chicorée Leroux à Orchies. Aménagé au sein de la maison familiale de l’industriel, le musée consacre toute une salle à la plante d’abord connue pour ses innombrables vertus médicinales avant de devenir une boisson très prisée. Torréfiée, la chicorée peut être comparée à du café, sauf qu’elle n’a pas de caféine et n’est en aucun cas nuisible à la santé. Toute une partie de l’exposition est également dédiée au marketing de la marque et aux vieilles publicités. On découvre en boutique les divers produits dérivés de la plante : en grains, soluble, liquide, moulue, au caramel, au cacao… À un quart d’heure de là, un tout autre univers s’offre au visiteur : le site minier d’Arenberg – fermé en 1989 – et ses anciennes maisons de mineurs posent le décor d’une réalité économique et culturelle qui forge encore les mentalités des Hauts-de-France. Classé monument historique, le site de mémoire avait d’ailleurs servi de lieu de tournage pour