Le Monde du Camping-Car

Tarn : Albigeois et pays de cocagne

Après un long parcours spectacula­ire, le Tarn entre dans le départemen­t auquel il a donné son nom. Et le spectacle continue : Ambialet et son site exceptionn­el, Albi et ses merveilles, Gaillac et son vignoble… Et au loin, des villages perchés (Cordes, Cas

- Texte et photos : Marie-Hélène et Yves Lundy

La bastide de Cordes, perchée à trois cents mètres, est devenue Cordes-sur-Ciel en 1993. Et pour cause ! Si vous arrivez le matin, vous serez subjugué par une vision irréelle : posé sur son puech, un village surgit de la brume et semble flotter dans le ciel. Créé en 1222 par le comte de Toulouse, le village fut nommé Cordes en hommage à Cordoue, en raison des industries de l’étoffe et du cuir. C’est aux XIIIe et XIVe siècles que Cordes connaît son âge d’or avec l’essor du commerce et de l’artisanat : tanneurs, teinturier­s, tisserands. C’est aussi la période des bâtisseurs qui font sortir de terre des maisons aux façades décorées, des palais façon vénitienne, des portes et des fortificat­ions. Au XVIe siècle, la peste et les guerres de religion annoncent le déclin malgré une embellie au XIXe siècle avec la broderie mécanique. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : dans les années 40, des artistes mettent au goût du jour le tourisme dans ce village d’exception. Le peintre voyageur Yves Brayer l’immortalis­e sur la toile et Albert Camus y séjourne en été : « Le voyageur qui de la terrasse de Cordes regarde la nuit d’été sait ainsi qu’il n’a pas besoin d’aller ailleurs. » Mais le paradis se mérite. Et pour atteindre le céleste promontoir­e, il faut gravir à pied des ruelles escarpées ; une ascension qui néanmoins n’est pas un purgatoire : vous avancez dans un cadre historique foisonnant de porches, remparts, maisons gothiques, musées et ateliers. Il ne manque que les pas des chevaux et les cris des marchands résonnant sur les pavés de la Grand-Rue. Une illusion qui devient réalité si vous êtes là mi-juillet ; la fête du Grand Fauconnier est l’une des plus anciennes fêtes médiévales de France : chevaliers et troubadour­s, croisés et templiers, échoppes, banquets… Et pour prolonger l’illusion, vous aurez peut-être la chance de rencontrer, à la Maison de la photo, l’écrivain Guy Caillens qui vous dédicacera l’un de ses romans. Le Templier de Cordes, par exemple, vous entraînera dans l’histoire ppassionna­nte d’une vie qui palpitait là, dans cces rues, il y a huit cents ans… Cordes l’été, cc’est magique… si vous venez le matin tôt oou en fin d’après-midi, car vous n’êtes pas sseul à visiter l’un des “villages préférés des FFrançais”. Et si vous appréhende­z une mmontée abrupte, prenez la navette : le petit ttrain vous hisse jusqu’à la porte de la Jane. DDe là, après avoir apprécié la vue sur la vvallée du Cérou, vous pouvez descendre ppar la Grand-Rue et admirer les maisons ddu Grand Écuyer, du Grand Veneur, du GGrand Fauconnier, la halle, le portail ppeint…

Les bastides albigeoise­s

À l’ouest de Cordes, le circuit des bastides nous conduit à Penne et son ancien castrum. Citadelle du vertige, Penne occupe un piton rocheux qui surplombe les gorges de l’Aveyron. Des ruelles pavées quadrillen­t le village avant de monter vers le château dont les tours en ruine attestent d’un passé tourmenté : elles ont dû affronter la croisade des Albigeois, la guerre de Cent Ans… et l’oubli pendant quatre siècles. En haut, un chantier fait revivre les techniques du Moyen Âge pour restaurer ce fleuron de l’architectu­re occitane. Au sud, commence la mythique forêt domaniale de Grésigne, près de quatre mille hectares de charmes et de chênes d’où émerge une “forteresse des bois” : du haut de son tertre calcaire, Puycelsi – fondé avant l’an 1 000 – fut un bastion imprenable qui résista à Simon de Montfort, aux Anglais et aux protestant­s. Mille ans plus tard, le village est reconnu comme l’un des

“plus beaux villages de France” (PBVF). Il a en effet conservé son authentici­té, enchevêtre­ment de maisons où la pierre se mêle au bois et à la brique. Et les huit cents mètres de remparts sont toujours debout ; la porte de l’Irissou témoigne de l’épaisseur des murs de pierre : trois mètres, de quoi défier l’ennemi et le temps ! En direction de Gaillac, la D964 nous dépose au pied de Castelnau-de-Montmiral. Posé sur un éperon qui domine la Vère, le village est lui aussi un PBVF. Si son château a été détruit, la bastide est toujours là, créée comme Cordes en 1222. Sur une surface réduite entourée de remparts, les ruelles fleuries convergent vers un petit trésor du patrimoine : la place des Arcades, une place à couverts ceinte de maisons à pans de bois. Par la D964, nous atteignons Gaillac sur les rives du Tarn. Cette ville millénaire a connu un passé florissant, grâce à la vigne et au pastel qui étaient exportés par le port fluvial. La ville ancienne – lovée dans une boucle de la rivière – est faite de briques roses et classée “Plus beau détour de France” : ruelles, places ombragées, mai- sons à colombages, demeures seigneuria­les. Mais ici, le vrai seigneur c’est le vin ; le plus ancien vignoble de France (avec celui de côte-rôtie) fut créé par les Gaulois, entretenu par les Romains et développé par les moines de l’abbaye Saint-Michel. Diversité est le maître mot qui caractéris­e les vins de Gaillac et des Côtes-du-Tarn. Les millions de bouteilles produites chaque année sont classées AOC et, souvent issues de cépages autochtone­s, elles offrent toute la palette des goûts et des arômes… À la Maison des vins qui occupe l’ancienne abbaye, vous avez le choix parmi les dizaines de vins présentés à la vente. Si vous préférez aller sur le terrain, vingt-quatre destinatio­ns sont labellisée­s “Vignobles et découverte­s”. L’une d’elles est sur votre chemin en direction d’Albi : à Labastided­e-Lévis, la cave La Bastide vous invite à un Parcours de légende qui se termine bien sûr par la dégustatio­n ! C’est au village voisin, Castelnau-de-Lévis, qu’on a le plus vaste point de vue sur la perle du Tarn, inscrite au Patrimoine mondial depuis 2010 pour sa cité épiscopale : Albi la rouge, qui est en réalité rose le matin, orange à midi, pourpre le soir.

Classe mondiale

Il y a deux façons d’aborder Albi avant de s’extasier devant son centre historique : le petit train qui évolue entre la vieille ville, la place du Vigan, le surprenant Grand Théâtre des Cordeliers, le cloître SaintSalvi, le Pont-Vieux construit au XIe siècle, le quartier de la Madeleine… Et la gabarre qui vous plonge dans le silence de la rivière tout en vous offrant un impression­nant panorama sur les merveilles emblématiq­ues d’Albi : la cathédrale Sainte-Cécile et le palais de la Berbie. Au XIIIe siècle, en réaction à “l’hérésie” cathare, les évêques construise­nt le palais épiscopal de la Berbie, un château ostentatoi­re et protecteur dominant le Tarn. Puis en 1282, ils posent la première pierre de la future cathédrale Sainte-Cécile qui sera achevée deux siècles plus tard. Cette citadelle de Dieu, visible de partout, a une mission très terrestre : affirmer la toute-puissance de l’église romaine

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 ??  ?? Albi la rouge est à la pointe nord du “Triangle Bleu” du pastel qui marqua l’âge d’or de la région au XVIe siècle. Les maisons roses qui bordent le Tarn sont surélevées pour échapper aux crues.
Albi la rouge est à la pointe nord du “Triangle Bleu” du pastel qui marqua l’âge d’or de la région au XVIe siècle. Les maisons roses qui bordent le Tarn sont surélevées pour échapper aux crues.
 ??  ?? De Cordes à Lautrec, de Lavaur à Puylaurens, la route historique du pastel est née au XXe siècle traversant collines et vignobles, champs colorés et villages classés, déroulant toute l’histoire de l’Occitanie.
De Cordes à Lautrec, de Lavaur à Puylaurens, la route historique du pastel est née au XXe siècle traversant collines et vignobles, champs colorés et villages classés, déroulant toute l’histoire de l’Occitanie.
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