Deux jours en ville :
Le Havre
Le classement du Havre au Patrimoine Mondial en 2005 a fait cesser – ou presque – les sourires malveillants et pleins de sousentendus à l’égard d’une ville de béton, très ouverte sur la mer mais «même pas» classée Station balnéaire. La ville a changé et doit impérativement figurer au nombre de vos étapes en baie de Seine.
Le Ha v r e a b e s o i n qu’on l’aime. Après le traumatisme de la terrible semaine de septembre 1944 au cours de laquelle son centre-ville fut quasiment rasé par les Alliés, la ville eut droit à un « traitement de faveur » : une reconstruction originale signée Auguste Perret, l’architecte maître du béton armé. Ce matériau inédit fut mis au service d’une architecture à la fois nouvelle et classique, bâtiments de trois étages le plus souvent, avec toit en terrasses et façades abondamment vitrées. Quant au plan orthogonal censé ouvrir la ville et faire entrer la lumière, il a très vite donné un nouveau visage au Havre. Autant dire qu’il ne fut pas forcément du goût de tous et qu’il fallut peu de temps avant que l’on comparât la ville à ses homologues… staliniennes. Mais le temps a passé, les mentalités ont changé, et ce qui fut une humiliation est aujourd’hui un
atout. Le Havre est classée au Patrimoine mondial, et donc protégée et entretenue, mais surtout désormais visitée pour les raisons qui faisaient fuir les touristes il y a peu encore. Vous commencerez votre visite par la place du Général de Gaulle entourée d’immeubles parmi les plus « typiques » du style perretien. Votre regard sera évidemment attiré par le haut fourneau blanc – en béton lui aussi. Cette oeuvre signée Oscar Niemeyer, qui paracheva la reconstruction du Havre, abritait le nouveau ThéâtreMaison de la Culture et devait symboliser la volonté du Havre de devenir une plaque tournante de la culture. Gentiment baptisé le «Volcan » par les Havrais, son appendice – moins démonstratif – abrite en tous les cas une bibliothèque exceptionnellement plaisante, organisée autour d’un atrium avec escalier menant à une coursive. De là, vous vous dirigerez ensuite vers l’Hôtel de ville que vous ne pourrez manquer. Sa haute tour, presque un gratte-ciel pour l’époque, fut probablement le bâtiment le plus décrié à sa construction. Aujourd’hui, il nous permettra, en empruntant son ascenseur pour le 17e étage, de profiter d’une vue exceptionnelle sur la ville, le port et Sainte-Adresse et même bien au-delà. On aperçoit, à l’Est, le boulevard de Strasbourg, curieusement épargné par les bombardements et dont de nombreux immeubles cossus témoignent du Havre triomphant de la Révolution industrielle. Depuis l’Hôtel de ville, la belle avenue Foch, aussi large que les Champs-Elysées, abrite les immeubles Perret les plus chics et vous conduira jusqu’au front de mer. Dès la mi-avril, la plage du Havre se couvre de centaines de cabanes, souvent colorées, et a plutôt belle allure. Par le boulevard François 1er vous n’êtes pas loin de l’église Saint-Joseph, autre « monu
ment » emblématique de la ville et qui se repère de loin, foi de marin... Cette lanterne de béton, dentelée de vitraux en pavés de verre, abrite un autel central entouré de travées, à l’image d’un théâtre antique. En redescendant ce même boulevard, les quais atteints, vous virez à droite et tombez sur le Musée des Beaux-Arts (le MuMa). Son aspect extérieur, presque désuet aujourd’hui, matérialisait pourtant les conceptions muséographiques les plus nouvelles de son époque. On s’en rend compte à l’intérieur, alors que la quasitotalité des toiles s’observent à la lumière du jour. Difficile de réduire la richesse de ses oeuvres à deux ou trois citations, mais signalons tout de même l’exceptionnel fonds Boudin, des oeuvres impressionnistes majeures (Manet, Monet, Pissarro...) et la très riche collection Dufy, l’enfant du pays. Par les quais Kennedy et Southampton où stationne le ferry en partance pour Portsmouth, vous franchirez le Bassin du Roy pour visiter le marché aux poissons, une vingtaine d’étals en plein air, bien vieillots, mais où les pêcheurs proposent la récolte du jour, coquilles saint-jacques, mais aussi bouquets et étrilles, véritables spécialités du Havre. Difficile de conclure ce tour du centreville sans découvrir la maison
de l’Armateur, une des rares demeures bourgeoises du XVIIIe siècle à avoir échappé aux bombardements. Heureusement, car elle est unique. Organisée sur cinq étages rayonnant autour d’un puits de lumière octogonal, elle traduit l’ingéniosité et la modernité de son architecte qui dut composer avec trois murs aveugles et une emprise au sol des plus réduites pour construire une maison habitable et lumineuse. Pas question de quitter Le Havre sans découvrir SainteAdresse, ancien village de pêcheurs au nord de la ville, aujourd’hui quartier résidentiel de la ville. La physionomie du front de mer avec ses belles maisons XIXe rappelle la berlue d’un commerçant parisien, un certain Georges Dufayel, qui s’était entiché des lieux au point de vouloir les transformer en Nice Havrais. Ce projet est même gravé dans la pierre au fronton de l’ancien grand hôtel, qui fut, soit dit en passant, le siège du gouvernement belge durant la guerre 14-18. Vous êtes presque arrivé au « bout du monde », alors ne le quittez pas tout de suite. Ce lieu-dit de Sainte-Adresse où la plage rencontre les falaises est apprécié des Havrais. La vue sur la Manche est superbe et ils ont l’habitude de l’observer, un verre à la main, au bistro… « du bout du monde ».